Le 13 novembre, le Parlement européen a adopté la directive Omnibus 1, grâce à une alliance politique entre la droite et l’extrême droite. Quelques mois seulement après la première version du texte de « simplification » proposé par la Commission européenne, cette décision vient affaiblir des mesures clés du Pacte vert européen. Ce choix politique survient en pleine COP30, alors que la protection des droits humains et du climat devrait être renforcée, et non affaiblie.
Un démantèlement des piliers européens de la transparence et de la responsabilité
Avec ce texte, l’Europe fragilise deux acquis majeurs : la directive CSRD, qui impose des obligations de transparence extra-financière, et la directive sur le devoir de vigilance, conçue pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement des multinationales. Ces normes étaient des leviers essentiels pour contraindre des entreprises parfois peu regardantes sur les conditions de travail ou les dégâts causés pour l’environnement. Ce détricotage, fait au mépris des règles démocratiques — en un temps record — représente un dangereux pas en arrière, plaçant les intérêts économiques avant le bien commun.
Une dynamique de progrès coupée dans son élan
En France, la loi sur le devoir de vigilance de 2017 est le premier texte adopté sur le sujet dans le monde, suite au drame du Rana Plaza en 2013 qui avait vu plus de 1 100 travailleur·euses mourir sous les décombres du bâtiment dans lequel ils et elles travaillaient. Cette loi commence à produire des effets tangibles devant les tribunaux : La Poste a été condamnée en appel en 2025, près de 10 ans après le début de la bataille judiciaire portée notamment par le syndicat Sud PTT.
La justice a rappelé que le devoir de vigilance implique une réelle identification et hiérarchisation des risques, et non une simple déclaration d’intention. Cette semaine, autre affaire importante oppose aujourd’hui d’ancien·nes salarié.es de la filiale turque Flormar au groupe français de l’industrie cosmétique Yves Rocher, avec l’appui du syndicat Petrol-İş ainsi que des ONG Sherpa et ActionAid France. C’est la première fois que des salarié·es d’une filiale assignent en justice une maison mère pour demander des dommages et intérêts. Yves Rocher est accusée de répression syndicale, discrimination de genre et d’atteintes à la santé et sécurité des salarié·es.
Ces procédures montrent que ce cadre juridique peut être mobilisé pour protéger concrètement les travailleurs et travailleuses, y compris au sein de chaînes de sous-traitance internationales.
La France n’est toutefois pas un cas isolé en Europe. L’Allemagne a adopté en 2021 une loi sur le devoir de diligence dans les chaînes d’approvisionnement, entrée en vigueur en 2023 pour les grandes entreprises, incluant des obligations d’évaluation des risques et un mécanisme de sanction administrative. Les Pays-Bas, quant à eux, se sont dotés d’une loi ciblant spécifiquement la lutte contre le travail des enfants dans les chaînes de valeur mondiales, avec des obligations d’enquête et de plan d’action.
Ces initiatives nationales témoignent d’une dynamique européenne réelle, malgré des exigences variables d’un pays à l’autre, et confirment que la construction d’un cadre robuste, cohérent et ambitieux reste un enjeu majeur à l’échelle du continent.
Par ailleurs, un traité est en cours de négociation à l’ONU pour obliger légalement les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement partout dans le monde. Il viendrait encore renforcer un arsenal juridique permettant de faire cesser l’impunité.
La résistance s’organise contre la dérégulation
Face à ces attaques coordonnées contre les avancés démocratique, sociale et climatique de ces dernières années, la mobilisation ne faiblit pas. Alors que les négociations en trilogue débutent, il est temps pour des Etats comme la France de défendre l’intérêt général et le devoir de vigilance, face à un mandat du Parlement européen dicté par l’extrême droite et les lobbies.
Des recours ont déjà été lancés, notamment auprès de la Médiatrice européenne, afin de dénoncer une procédure de décision opaque et des pressions politiques contraires aux principes fondateurs de l’Union européenne.
Des actions citoyennes d’ampleur continuent d’être déployées. Le mouvement social et climatique, les ONG, les syndicats, le monde académique, les juristes et l’ensemble des forces progressistes ne laisseront pas l’Europe devenir le continent de la permissivité économique et du sacrifice humain et écologique.
Crédit photo : Les Amis de la Terre. Action organisée par le Forum citoyen pour la justice économique le 17 juin 2025, jour du jugement en appel de la Poste, à Paris.


