À l’occasion des élections municipales de 2026, l’équipe strasbourgeoise du parti fédéraliste paneuropéen Volt a souhaité faire siennes les propositions de la campagne « Union européenne des territoires » de Sauvons l’Europe. Dans cette tribune, Volt Strasbourg justifie ce parti pris en faveur du sujet européen dans le cadre d’une campagne aux enjeux locaux, et explique en quoi ces derniers sont également un défi européen.
Strasbourg est une ville européenne mais n’a pas encore réellement atteint le statut de capitale. Pourtant, tout dans son histoire devrait en faire une ville incontournable : centre régional et commercial de premier plan depuis le Saint-Empire romain germanique, victime systématique des conflits européens ayant meurtri notre continent, creuset de cultures croisées. La ville symbolise aujourd’hui la réconciliation entre les anciennes ennemies jurées que sont la France et l’Allemagne.
Siège de la plus vieille organisation internationale encore active au monde, la Commission centrale pour la navigation du Rhin établie en 1815, Strasbourg héberge une multiplicité d’organisations et institutions internationales et européennes : Conseil de l’Europe et Cour européenne des Droits de l’Homme, Médiateur européen, Arte. Ce dynamisme international lui permet de rejoindre, aux côtés de New York, Genève et Francfort, le club restreint des villes non-capitales hébergeant un écosystème international. Plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et citoyens européens y résident à ce titre, outre un tissu associatif (pro)européen remarquable.
Pourtant, la capitale alsacienne doit encore atteindre son plein potentiel. Strasbourg reste plus française, ou franco-allemande, qu’européenne. S’il est désormais possible de rejoindre Paris en moins de deux heures, les liaisons avec les autres capitales européennes – Bruxelles, Luxembourg, Berlin – sont encore trop rares ou difficiles et souvent indirectes. L’accueil des citoyennes et citoyens européens – parfois non-francophones – s’installant à Strasbourg reste insuffisamment adapté. La ville et sa métropole manquent d’atouts pour faire venir sur leur territoire des entreprises innovantes dans les secteurs de pointe et des entreprises travaillant en partenariat avec d’autres pays européens.
La situation politique en atteste également : aux élections européennes de 2024, les partis proeuropéens ou fédéralistes y ont réalisé un score équivalent à celui d’autres grandes villes équivalentes, comme Nantes, Bordeaux, Toulouse ou Lille, sans se démarquer par « un regain d’europhilie ».
L’Europe est plus que jamais un sujet local
Porter une voix politique authentiquement européenne ou fédéraliste peut porter à sourire, alors que les prochains rendez-vous électoraux – hors dissolution – seront les plus locaux de notre vie publique. « Vous n’allez quand même pas parler d’armée européenne et de directives bruxelloises aux Strasbourgeois ? » nous demandait, terrifié, un fin connaisseur de la politique locale lorsque nous lui parlions de l’ambition de Volt de porter l’Europe dans la campagne municipale.
Avant lui, d’autres s’étaient étonnés de voir un parti comme le nôtre – fédéraliste, paneuropéen, progressiste, écologiste – actif au niveau local ; comme si porter une ambition fédéraliste nous contraignait à nous cantonner aux élections européennes, une fois tous les cinq ans. Une question que l’on ne pose pourtant plus à nos quelque 200 conseillers municipaux et régionaux en Allemagne, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Italie, au Portugal.
Les forces politiques locales restent timides sur le sujet européen. « Strasbourg, capitale européenne » est un slogan, marque déposée de surcroît, davantage un totem que le point de départ d’une politique publique. Les propositions politiques insistent avant tout sur le maintien du siège strasbourgeois du Parlement européen – comme si l’emprise du bâtiment Louise Weiss sur les bords de l’Ill devait être l’alpha et l’oméga du caractère continental de notre ville. Hormis quelques propositions de festivals internationaux et de congrès annuels, le sujet ne semble pas être à l’ordre du jour.
Là est la question que nous souhaitons poser dans la capitale alsacienne : avons-nous à Strasbourg les atouts et le rayonnement d’une vraie « capitale » de l’Europe ? Ses infrastructures de transport, d’hébergement, de culture et de recherche sont-elles à la hauteur de sa vocation ? Comment favoriser la synergie entre les institutions européennes et le reste de Strasbourg ? Et plus fondamentalement, Strasbourg incarne-t-elle le modèle de ville européenne du 21e siècle que nous devrions collectivement penser et construire ?
Être fédéraliste, comme Volt, ne revient aucunement à vouloir un super-État européen, décidant de tout en toute occasion. C’est au contraire appeler à ce que la décision soit prise au niveau le plus local possible. Fédéraliste est souvent qualifié d’utopiste. Nous voulons justement faire de Strasbourg « une Eurotopie », au sens de « l’espace de rencontre, de réflexion et de discussion » que Giuliano da Empoli voulait faire de Bruxelles dans ses Sept idées pour un plan de relance culturel de l’Union.
Pourquoi nous ferons campagne pour l’Union européenne des territoires à Strasbourg
Dans le cadre d’une campagne favorisant nécessairement les grands partis nationaux aux ressources conséquentes, nous cherchons dans d’autres pays et États des solutions et meilleures pratiques pouvant être transposées et répliquées. Nous souhaitons nous inspirer du bilan de nos conseillers municipaux à Francfort, Amsterdam, Enschede, Fossano, Florești-Stoenești ou encore Athènes. Des espaces verts à la démocratie et l’innovation numérique, de la gouvernance à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, nous croyons que ces sujets très locaux peuvent et doivent bénéficier d’une approche continentale.
Certaines de nos revendications valent pour l’Europe comme pour nos communes. Là où un débat public européen doit émerger au-delà des inaccessibles initiatives citoyennes européennes, la démocratie citoyenne doit trouver de nouvelles formes à Strasbourg en permettant à des collectifs de soumettre des propositions à tout moment de l’année. De même, nous appelons Strasbourg à s’inspirer de villes comme Mainz avec son Wahl-o-mat municipal, comme Francfort qui agit au quotidien pour numériser ses services et les rendre plus accessibles, ou encore comme Gelderland qui œuvre pour une meilleure visibilité et transparence de l’action municipale. Toutes ces actions sont les points de départ d’une démocratie locale plus saine et vivante. Car nous appelons à la mise en place d’une armée européenne, Volt propose en outre que l’Eurocorps, basé à Strasbourg, devienne son commandement permanent, avec les moyens associés.
Encore ville libre d’Empire, Strasbourg s’est illustrée par une politique d’alliances avec d’autres grandes cités européennes, dont Zurich. Ces liens européens historiques ou nouveaux, nourris par l’humanisme rhénan et les valeurs de Strasbourg, loin d’être anecdotiques, doivent être revitalisés et repensés. L’Europe serait « trop éloignée des préoccupations citoyennes » ? Ça n’est pas aux citoyens de se rapprocher de l’Europe, mais bien l’inverse. La campagne Union européenne des territoires que nous avons rejointe y répondra. Volt aura cette ambition à Strasbourg : penser européen, agir localement.
Créé en 2017, Volt ou Volt Europa est un mouvement politique citoyen, paneuropéen et progressiste travaillant à la réalisation d’une Europe fédérale unie plus démocratique, écologique, et inclusive, en réaction à la montée des populismes. Volt réunit aujourd’hui 35 000 membres venant de 33 pays. Le parti compte plus de 200 personnes élues en Europe, avec des députés aux Pays-Bas, en Bulgarie et à Chypre, et 5 eurodéputés élus en Allemagne et aux Pays-Bas en 2024.
Merci pour cet article… non signé.
Pouvez-vous me donner le nom et les coordonnées de l’auteur
merci
Merci pour votre intérêt ! Cette tribune a été rédigée collectivement par l’équipe coordonnant les efforts de Volt Strasbourg. Il s’agit donc d’une réflexion collective menée dans un cadre horizontal. Nous sommes naturellement à votre disposition à l’adresse strasbourg@voltfrance.org.
The article highlights Strasbourgs potential as a European capital, advocating for stronger local-Europe ties. Its inspiring to see proactive efforts like Volts to bring Europe into local debates. Strasbourg truly embodies the future of a united continent.SunPerp Dex
Est-ce vraiment le moment d’entamer une querelle byzantine entre Bruxelles et Strasbourg ?
Historiquement – outre sa situation géographique hautement symbolique aux confins de la France et de l’Allemagne – la ville de Strasbourg est avant tout liée au siège du Conseil de l’Europe créé en 1949 et comptant à l’heure actuelle 46 Etats membres (dont tous ceux de l’UE). Certes, quelques organes appuyant l’action de cette instance appelée à jouer un rôle fondamental dans le domaine des droits humains sont implantés dans d’autres villes telles que Paris (Banque de développement) ou Lisbonne (Centre Nord/Sud). Mais l’essentiel de son activité reste concentré au sein de la métropole alsacienne, où son Assemblée parlementaire tient le haut du pavé.
S’agissant de l’UE, le tableau s’annonce plus diversifié. Bruxelles y occupe une place prépondérante, dans la mesure où les institutions participant au processus décisionnel (Parlement européen, Conseil européen, Conseil, Commission) y sont essentiellement logées, sans oublier le Comité économique et social européen ainsi que le Comité européen des régions. D’autres enceintes «communautaires» sont par ailleurs établies à Luxembourg (Cour de justice, Cour des comptes, Banque européenne d’investissement), voire à Francfort (Banque centrale européenne).
Le point le plus sensible reste le Parlement européen, dont les sessions en séance plénière se partagent entre Strasbourg et Bruxelles. Cela dit, la capitale de la Belgique a vu son implication s’accroître au fil du temps, dans la mesure, notamment, où s’y réunissent les commissions parlementaires, piliers des travaux de cette assemblée. Et il est vrai que la proximité géographique du Conseil et de la Commission européenne constitue à cet égard un atout non négligeable : pour les fonctionnaires de ces deux institutions, lorsqu’ils sont invités à répondre aux questions des parlementaires européens, traverser quelques rues pour se rendre d’un bâtiment à l’autre représente une incontestable facilité (je peux me prévaloir de ma propre expérience)… même si les dialogues en « visio » sont par ailleurs devenus aujourd’hui une commodité appréciable.
Mais, au-delà de ce paysage institutionnel, un autre phénomène de diversification des implantations s’est opéré à la faveur de la multiplication des agences de l’UE appelées à appuyer, voire à déconcentrer, les tâches de « Bruxelles » dans le cadre de missions spécifiques. A l’heure actuelle, on en dénombre une bonne quarantaine. Certaines d’entre elles font régulièrement surface sous les projecteurs de l’actualité, telles l’Agence européenne de défense, l’Agence européenne pour l’environnement ou l’Agence européenne des médicaments.
En fait, ces agences sont largement réparties sur l’ensemble du territoire de l’UE, pour la grande fierté des Etats membres, voire des villes, d’accueil. Ainsi, le centre européen de prévention et de contrôle des maladies est établi à Solna (Suède), l’Agence de coopération des régulateurs d’énergie à Ljubljana (Slovénie), l’Agence européenne des produits chimiques à Helsinki (Finlande), l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail à Bilbao (Espagne) – pour ne citer que quelques exemples de couleurs sur la palette.
S’agissant plus spécifiquement de la France, Paris abrite le siège de l’Institut d’études de sécurité de l’UE, de l’Autorité européenne des marchés et des services financiers ainsi que de l’Autorité bancaire européenne ; mais les « régions » ne sont pas non plus en reste : l’Agence européenne pour les chemins de fer est établie à Valenciennes et l’Office communautaire des variétés végétales à Angers.
En esquissant cette « fresque », le but n’était pas de dévaloriser Strasbourg, qui demeure un symbole fort de la construction européenne. L’objectif était avant tout de mettre en évidence le maillage des villes qui, d’une certaine façon, contribue à la co-appropriation de cette construction. Bien plus, pour en revenir au Conseil de l’Europe, une autre manifestation emblématique peut être décelée dans le fait qu’au berceau – pour ainsi dire – la première réunion de cette organisation paneuropéenne, en 1949, s’est tenue au Palais universitaire de la capitale de l’Alsace… une évocation qui pourrait être à la source d’une nouvelle vocation de cette dernière : en érigeant le bâtiment du Parlement européen en siège d’une grande université européenne, il y aurait matière à conférer à son hémicycle un statut de grand amphithéâtre et aux bureaux avoisinants celui de confortables espaces de travail pour les étudiants et leurs professeurs…