Un Gouvernement neuf pour l’Europe

Le 25 mai dernier, l’Europe a vécu un jour historique sans trop s’en rendre compte. Le choix du président de la Commission européenne a découlé d’une élection démocratique, celle du Parlement européen, et non de négociations de couloir. La droite conservatrice ayant remporté les élections, c’est son candidat, Jean-Claude Juncker, ancien Premier ministre du Luxembourg, qui a été désigné par les chefs d’Etat, traduisant ainsi une véritable avancée vers une Europe des citoyens.

Vu les très bons résultats des droites eurosceptique, souverainiste et extrême, la droite conservatrice, première force du Parlement devant les socialistes, n’avait d’autre choix raisonnable que de se tourner vers les libéraux-démocrates et les socialistes pour former une grande coalition au Parlement européen, formule à la mode en Europe malgré les habituelles promesses de campagne rejetant cette hypothèse. Point de majorité europrogressiste pour cette mandature donc. La droite a par contre obtenu le soutien de la gauche social-démocrate en acceptant d’amender (un peu) son programme afin de soutenir davantage la relance.

Cependant, si le président de la Commission est désormais l’émanation directe de la coalition majoritaire au Parlement, l’ensemble de la Commission, qui compte un représentant par Etat membre, doit encore être compatible avec cette majorité dont elle mettra en œuvre le projet et devant laquelle elle est responsable. Ce qui n’a rien d’évident puisque chaque commissaire est proposé par le gouvernement de son pays et appartient donc au même camp politique que celui-ci.

Jean-Claude Juncker, qui a dévoilé le 10 septembre les noms de ceux qui composeront son équipe pendant 5 ans a dès lors dû négocier avec les chefs de gouvernement les portefeuilles des uns et des autres en fonction de leur camp politique, compétences, nationalité et sexe. A bien des égards, la quadrature du cercle…

Les eurodéputés vont désormais pouvoir procéder à l’audition individuelle des commissaires candidats avant de voter leur investiture collective. On ne peut donc exclure qu’un commissaire se fasse retoquer, Juncker préférant changer un candidat suspecté d’incompétence, de malhonnêteté ou trop éloigné des convictions de sa majorité parlementaire, plutôt que de risquer un vote de défiance du Parlement.

A quoi devrait donc ressembler cette Commission 2014-2019 ? 28 nationalités différentes ; 19 hommes et 9 femmes ; 15 commissaires appartenant à la droite et au centre-droit, 5 aux formations centristes et libérales et enfin 8 au Parti socialiste européen. A noter que l’Europe n’a jamais encore connu de commissaire écologiste alors qu’il s’agit sûrement de la formation la plus européenne. Ce qui reste à méditer…

Pierre Moscovici, le commissaire français, obtient le portefeuille des affaires économiques. Poste important, il aura la lourde charge de faire respecter le pacte de stabilité et de croissance. Peut-on espérer une Europe moins versée dans l’austérité et plus solidaire ? Les marges de manœuvre de ce social-démocrate seront faibles. Cependant, peu à peu, on assiste à une prise de conscience : si les réformes structurelles sont nécessaires dans plusieurs Etats, dont la France, mourir guéri ne constitue pas non plus un horizon enthousiasmant pour le malade… A Moscovici de profiter de cette ouverture et de s’appuyer sur les forces progressistes en Europe pour injecter une bonne dose de relance économique au patient.

Les autres grands portefeuilles économiques de cette Commission sont confiés à deux conservateurs, le britannique Jonathan Hill aux services financiers et l’allemand Gunther Oettinger à l’économie numérique. La création de ce dernier « ministère » est une bonne nouvelle qui ne laisse pas le monopole de l’innovation à nos amis américains.

Federica Mogherini, actuelle ministre italienne des affaires étrangères prend quant à elle la tête de la diplomatie européenne en devenant haute représentante des affaires étrangères de l’UE. Avantage pour cette socialiste : elle aura du mal à être moins visible que son prédécesseur travailliste Catherine Ashton.

Signalons enfin que la grande nouveauté de cette Commission est la nomination de 7 vice-présidents en charge d’un projet et pilotant le travail de plusieurs commissaires. Plus de cohésion et d’efficacité en perspective ? Un antidote à la montée du populisme en Europe ? A voir…

 

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Fabien Chevalier

Président de Sauvons l’Europe

 

 

Texte initialement publié dans Témoignage chrétien du 18 septembre 2014

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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2 Commentaires

  1. Pour ce qui est de la parité, il est en effet tout à fait légitime de s’émouvoir d’une situation qui laisse un peu moins d’un tiers des places à des femmes.
    Deux observations complémentaires méritent toutefois d’être également mises en évidence à cet égard:
    – d’une part, la responsabilité de ces désignations est du ressort du gouvernement de chacun des Etats membres
    – d’autre part, pour ce qui est de la marge de manoeuvre propre au nouveau président de la Commission, on ne peut ignorer l’insistance de Juncker sur l’importance que, en rupture avec la tradition antérieure, il accorde aux responsabilités d’impulsion et de coordination de ses vice-présidents dans les travaux du Collège. Or, à ce niveau, la « parité » (difficile à établir à partir du chiffre 7 !) est un peu moins timide: 3 femmes, 4 hommes.
    Alors, comme le souligne avec pertinence la fin de la chronique de Fabien Chevalier: à voir…

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