Que se passe-t-il dans les prisons allemandes ?

Suite à l’étude du cas français, Sauvons l’Europe poursuit son tour d’Europe en Allemagne et a interrogé des membres de l’association Caritas.

Depuis des années, Caritas Allemagne propose des aides aux personnes justiciables, leurs proches et aux victimes d’infractions. Plus de 100 structures, services et établissements catholiques œuvrent dans ce domaine sur tout le territoire fédéral. Il s’agit, avec ces offres, d’éviter l’exclusion des personnes ayant commis une infraction et de favoriser leur intégration dans la société. Caritas veut, en outre, faire reculer la peine comme réaction à un comportement délinquant et promouvoir des formes de réconciliation entre auteurs et victimes.

Contact : M. Cornelius WICHMANN

Des situations très contrastées en Allemagne comme en Europe

En Allemagne, chaque Land (Etat membre de la République fédérale allemande) détermine sa propre loi pénitentiaire : il est donc difficile de parler d’ « un » système carcéral allemand, tant les disparités régionales sont grandes. Mais cette difficulté de parler d’un système pénitentiaire national homogène concerne même des pays centralisés comme la France : c’est notamment l’influence du directeur de l’établissement, qui peut être plus ou moins ouvert sur la société civile par exemple, qui peut expliquer ces différences. Après avoir conduit une recherche comparée sur le vécu carcéral des détenus allemands en France et des détenus français en Allemagne, nous avons constaté que la perception du système et le vécu carcéral des personnes détenues dépendait aussi de leur expérience antérieure et d’habitude. Par ailleurs, les pays d’Europe partagent une base commune notamment propagée par le Conseil de l’Europe (1), ne qui n’empêche pas la disparité des situations.

La question de l’intégration des détenus étrangers

Par ailleurs, le système carcéral n’est pas toujours adapté aux détenus étrangers. Sous la pression extérieure, le travail des instances européennes et du Conseil de l’Europe, la norme est devenue la cellule individuelle. Toutefois, une détention seule ne correspond pas toujours aux besoins des détenus, notamment ceux des étrangers déjà isolés par la langue. Il serait important de pouvoir adapter le choix de la cellule au besoin de la personne détenue, de lui attribuer par exemple une cellule collective. Beaucoup d’entre eux ne parlent pas allemand, mais souhaitent rester en Allemagne après leur détention : il serait donc important de leur proposer des cours d’allemand, des cours d’enseignement général, sans compter que beaucoup ne travaillent pas et passent ainsi la très grande majorité de la journée en cellule.

L’accompagnement et la réinsertion

Outre l’importance du choix de la cellule, afin de ne pas isoler les détenus, et du renforcement des cours et des équipes pédagogiques, il serait plus que nécessaire de développer l’accès à un suivi psychologique ou psychiatrique pour les détenus « normaux », c’est-à-dire n’étant pas dans un programme de prise en charge spécifique à cause de leur infraction. En effet, le très faible effectif de ce type de personnel fait qu’un suivi avec de véritables entretiens n’est pas possible. Cela est particulièrement regrettable lorsqu’on sait qu’une grande partie des personnes détenues a des problèmes d’ordre psychologique ou psychiatrique… qui joue grandement sur le risque de récidive. L’accès systématique à un téléphone, une attention à toute épreuve quant au trafic de stupéfiants dans les établissements pénitentiaires… sont d’autres pistes à explorer.

Les principaux problèmes rencontrés

Le temps de détention, et notamment celui de la détention provisoire. C’est un temps « mort » que les personnes passent en grande partie en cellule devant la télévision, s’ils en ont une. Même si en Allemagne l’obligation de travail persiste, dans la réalité il n’y a toujours que peu de détenus qui peuvent travailler alors que la majorité le souhaite. En France, où l’obligation de travail n’existe plus, la situation est très similaire.

Une utilisation minimale des outils d’individualisation de la peine et de préparation progressive à une sortie. En effet, on ne rencontre que peu de personnes à qui on permet de reprendre rapidement leur travail à l’extérieur de la détention, tout en rentrant le soir en détention. Le déroulement actuel fait que la grande majorité des personnes, qui étaient pourtant insérées avant l’incarcération, perdent tout pendant la détention. Les conditions ne sont pas réunies pour permettre la réinsertion des détenus. Ainsi, pour obtenir une carte d’identité, il faut se rendre en personne dans les institutions. Or, comment faire lorsque l’on est en prison ?

La question de la radicalisation en prison

Tant que les personnes détenues passent leurs journées seules, sans occupation réelle et sans prise en charge psychologique ou pédagogique, il reste difficile de parler d’une prison qui réhabilite. Par ailleurs, de nombreuses cultures cohabitent de manière forcée, ce qui peut exacerber certaines tensions. On observe ainsi que le soutien apporté par d’autres détenus devient alors essentiel. Ce soutien peut prendre la forme d’une intensification de la pratique religieuse, ou bien d’une conversion : ce sont des « réponses » rapides et simples à de problèmes complexes. Les aumôniers et les travailleurs sociaux doivent réellement prendre la mesure de ces enjeux, notamment chez les jeunes.

Quel accès à la spiritualité en détention ?

Les représentants officiels des Eglises chrétiennes jouent traditionnellement un rôle plus grand dans les établissements pénitentiaires français et allemand. En Allemagne, beaucoup d’établissements ont leur propre église qui est partagée par les deux religions qui proposent des services religieux hebdomadaires. Cependant, le rôle que le prêtre ou le pasteur jouent dans les dispositifs proposés en détention varie beaucoup. Certains prêtres ou pasteurs participent activement à la prise en charge des détenus et proposent des entretiens pour pallier le manque de psychologues.

Les croyants d’autres religions n’ont pas ce type d’accès à des représentants de leur religion. Dans certains établissements allemands, ce sont les membres du clergé chrétien qui gèrent la mise en contact avec les autres religions.

De manière générale, l’accès à une prise en charge religieuse institutionnelle est souvent très inégal selon les religions. Ainsi, on observe que beaucoup de détenus, notamment de culte musulman, se tournent plutôt vers les codétenus et se fédèrent autour de leur pratique de la religion. Lors des entretiens de prise en charge sociale, les détenus nous racontent fréquemment qu’ils ont trouvé, souvent pour la première fois, un soutien dans la religion. Il semble alors primordial de proposer dans toutes les grandes religions une prise en charge institutionnalisée, c’est-à-dire un représentant du culte qui est présent de manière régulière dans l’établissement et qui encourage une pratique religieuse conforme aux fondements démocratiques.

1 Révisées en 2006, les règles pénitentiaires européennes (RPE) visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des Etats membres du Conseil de l’Europe et à faire adopter des pratiques et des normes communes. Elles sont sans valeur contraignante pour les Etats.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

Soutenez notre action !

Sauvons l'Europe doit son indépendance éditoriale à un site Internet sans publicité et grâce à l’implication de ses rédacteurs bénévoles. Cette liberté a un coût, notamment pour les frais de gestion du site. En parallèle d’une adhésion à notre association, il est possible d’effectuer un don. Chaque euro compte pour défendre une vision europrogressiste !

Articles du même auteur

3 Commentaires

  1. Je crois savoir qu’en Allemagne les futurs magistrats doivent demeurer plusieurs jours en milieu carcéral ,à la différence de la France ou ces derniers se contentent d’une simple visite d’ailleurs très facultative !De toutes façons ,ce sont des cultures radicalement différentes et qui devraient etre harmonisées au niveau européen!
    Rappelez vous le tollé médiatique lorsque Giscard d’Estaing alors Président de la république avait à l’occasion de la visite d’une prison serré la main d’un détenu…!

  2. Le film de Don Siegel: (les révoltés de la cellule 11), film tourné dans la prison d’ État de Folson USA, en 1954, avec des vrais détenus et gardiens…Ce film est quasiment jamais passé à la télé en France! Évidemment c’est un drame, comme la prison est un drame, puisqu’on y est privé de Liberté!
    La prison a aussi des règles particulières dont-on parle peu, notamment sur le tabassage! Autant les voleurs, les dealeurs, les fraudeurs, braqueurs, bénéficient d’ un bon prestige en prison, ne sont pas agressés! Les violeurs d’ enfants et autres pédophiles s’y font massacrer…( il y a des délits qui passent pas, même chez les voyous)…
    On est à peu près certain que le Dirlo de l’ Isère , qui a violé des mômes, va se faire massacrer en prison en France…ou ailleurs..

    • Je suis bien d’accord avec vous sur ce qui va arriver au dirlo de l’école ? Mais les voyous ne supportent pas que l’on touche aux enfants qui peut les blâmer . Néanmoins je suis non moins d’accord qu’il faut préserver les pédophiles ou violeurs d’enfant ou de femmes de se saccage physique , nonobstant que quelques fois ma colère serait vengeresse . Mais la France a toujours placé ses taulards comme la dernière roue de carrosse

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

A lire également