Monsieur le Président, j’ai honte

« Je fais ce que je dis ». Ah, l’interprétation des temps grammaticaux, parfois si peu en accord avec les temps politiques. Le Président français affirme vouloir maintenir le rythme des réformes annoncées pendant sa campagne. Cependant, fait-il ce qu’il avait dit ?

Le 26 septembre 2017, Emmanuel Macron rappelait, dans un discours éloquent à la Sorbonne, que « faire une place aux réfugiés qui ont risqué leur vie, chez eux et sur leur chemin, c’est notre devoir commun d’Européens et nous ne devons pas le perdre de vue. ». Monsieur le Président, en refusant que l’Aquarius accoste en France, vous avez perdu de vue à la fois ce que vous aviez dit et une devise qui, il n’y a pas si longtemps, faisait votre fierté et la nôtre : « Liberté, égalité, fraternité ». Plus de 600 êtres humains survivaient sur ce navire affrété par SOS Méditerranée, après avoir vécu des épreuves sur lesquelles nous préférons fermer les yeux. Ignorer plus de 600 histoires de vie, toutes différentes et pourtant terribles, les généraliser sous ce vocable (« demandeurs d’asile ») abusif mais si efficace électoralement parlant : la recette n’est pas nouvelle pour chosifier celui qu’on préférerait ne plus voir. D’un être humain – incarné et doté d’un prénom – on passe à un statut juridique, puis à un nom commun : le « problème » des réfugiés. On peut désormais « s’attaquer » au problème, n’en déplaise aux « droits de l’hommistes » que cela offusque (car oui, ce néologisme démontre qu’aujourd’hui, défendre les droits de l’homme fait au mieux sourire, au pire soupirer d’agacement). Il y a les élections municipales en 2020, ça serait dommage de se mettre un potentiel électorat à dos pour une histoire de bateau que tout le monde aura oublié d’ici quelques semaines.

Monsieur le Président, ironie du calendrier, hier ce n’était pas uniquement l’anniversaire de votre Ministre de l’Intérieur (et de Jean-Marie Le Pen), mais également la Journée mondiale des réfugiés. Nous espérons que vous avez pu fêter cela ensemble.

« Je fais ce que je dis ». Le candidat Emmanuel Macron avait dit vouloir faire 60 milliards d’euros d’économies dans les dépenses publiques durant son quinquennat, et rappelle aujourd’hui que les aides sociales coûtent « un pognon de dingue ». Passé et présent seraient donc cohérents : il est temps d’épargner, n’en déplaise à nouveau aux idéalistes qui rappellent que l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) souligne l’efficacité des aides sociales en termes de diminution de la pauvreté en France.

Monsieur le Président, que pensez-vous alors de ne pas dépenser 500 000€ en vaisselle, aussi jolie soit-elle ? Votre ami du moment, M. De Villiers, devrait s’en remettre lors de vos prochaines agapes, voire vous pourriez même faire l’économie de cette émouvante amitié. Ou que pensez-vous de prendre un train pour faire 107 kilomètres plutôt qu’un avion ? Certes, le confort est moindre et cela prend plus de temps, surtout en ce moment, mais vous pouvez gagner une boîte repas en dédommagement, rassurez-vous.

Monsieur le Président, vous disiez vouloir créer une Europe solidaire, engager la France dans un « vaste travail de réforme pour mieux accueillir les réfugiés », combattre les inégalités sociales par la racine. Ce discours prometteur est chaque jour déconstruit par le jeu politique. Entre politique conjoncturelle – inévitable – et impératif moral, la balance doit d’urgence se rééquilibrer.

Solen Menguy
Solen Menguy
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