La Grèce : un pays sous haute tension

 

La découverte en novembre 2009 d’un déficit public -après le maquillage des comptes- de plus du double de celui annoncé a été le cœur du déclenchement de la crise au sein de la zone euro. Cette crise a été aggravée par les pratiques clientélistes de la classe politique comme par les atermoiements de l’Allemagne lente à trouver des solutions (ce pays est, il est vrai, le premier contributeur des plans de soutien ; par ailleurs, il est soumis à un contrôle parlementaire strict concernant ses engagements budgétaires).

La Grèce paye cher ses erreurs passées et la troïka a imposé des contreparties sévères conduisant à une baisse considérable de son activité et à une très forte aggravation du chômage.

Le tissu social a craqué, les manifestations ont été très nombreuses parfois violentes entraînant même -le 5 mai 2010- la mort de plusieurs personnes tandis que lors des divers scrutins des extrémistes politiques sont apparus ou réapparus.

Faisons le point sur la situation de la Grèce.

1 : Présentation du pays

La superficie du pays : 131.957 Km2 (soit environ le quart de la France).

C’est un pays appartenant à la fois au monde méditerranéen et aux Balkans. La Grèce a des frontières terrestres communes avec l’Albanie, l’ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), la Bulgarie et la Turquie. La Grèce compte 15.000 km de côtes : on dénombre quelque 3.000 îles dont environ 200 sont habitées.

La Grèce est une république parlementaire fondée sur la constitution de 1975 avec une seule chambre de 300 membres élus pour quatre ans. La religion orthodoxe est reconnue officiellement par la Constitution qui ne prévoit pas de séparation entre l’Eglise et l’Etat.

La population est de : 11.325.897 habitants (janvier 2012). La capitale Athènes a 4 millions d’habitants, l’autre ville importante est Thessalonique : 1 million d’habitants.

La Grèce est membre de l’OTAN (1952) de l’UE (1981) et de la zone euro (2001).

Bien que la Grèce ne représente que 2,5% environ du PIB de la zone euro la situation de ce pays a profondément mis en question la crédibilité de la zone euro. La situation de la Grèce a conduit l’UE et le FMI à intervenir à plusieurs reprises pour soutenir le pays -le tout avec de sévères contreparties- .

 2 : Les différents plans de soutien

 

Pays

Décision

Montant

Observations

Grèce

1er mai 2010

21 février 2012

26 novembre 2012

73 milliards

230 milliards

Dont 107 par effacement de la dette par le secteur privé

Adoption de diverses mesures « techniques » (moratoire sur les taux d’intérêt – nouveaux délais de remboursement) ayant pour objectif de revenir à un endettement de 124% en 2020 (il sera de 168% en 2013)

Hors du dossier réel il est difficile d’avoir un suivi précis des différentes décisions prises en tenant compte des conditions financières exactes arrêtées (garanties – taux – durées).

Si la répartition des montants s’effectue en général selon la règle : 2/3 pour l’UE ; 1/3 pour le FMI dans la période récente des divergences sont apparues entre les deux institutions : le FMI se montrant favorable, à une franche restructuration (=mise en défaut) de la dette de ce pays option refusée au plan européen

 

3 : Des contreparties douloureuses

Ces différents plans ne se font pas sans l’exigence de contreparties qui s’avèrent socialement douloureuses :

 -Fonction publique :

-réduction de 15% des primes des fonctionnaires (mars 2010)

-diminution des salaires de 7/8% dans l’ensemble du secteur public (mars 2010)

-gel des salaires publics pendant 3 ans (avril 2010)

-Report de l’âge de la retraite dans le secteur public à 65 ans (juillet 2010)

–suppression dans l’année 2012 de 15.000 emplois publics / d’ici 2015 150.000 postes seront supprimés dans la fonction publique qui comprend actuellement 700.000 emplois

-suppression des 13ème et 14ème mois

 

-Protection sociale :

-Abrogation des 13ème et 14ème mois de pension pour les retraités âgés de moins de 60 ans (avril 2010)

-Réduction des pensions de retraites (juillet 2010) ; l’âge légal de départ à la retraite passera de 60 à 67 ans d’ici 2014

– Le nombre d’annuités pour avoir droit à la retraite pleine est reporté de 37 ans à 40 ans d’ici 2015 et son montant sera calculé sur le salaire moyen de la totalité des années travaillées et non plus sur le dernier salaire (juillet 2010)

-Réduction des allocations des chômeurs de longue durée et de celle des handicapés

 

Salaires / Droit et marché du travail :

-abaissement du salaire minimum de 22% ramené à 586 € bruts (février 2012)

-assouplissement des conditions de licenciement et réduction des indemnisations (mai 2010)

 

Fiscalité :

-mise en place d’un taux d’imposition de 45% pour les revenus de plus de 100.000 € (mars 2010)

-augmentation de la TVA de 19 à 23% (mars 2010)

-introduction de taxes spéciales sur les combustibles, les alcools, le tabac (mars 2010)

 

Entreprises :

-ouverture à la concurrence des professions fermées (environ 350) (septembre 2010)

-élargissement de l’assiette fiscale pour les entreprises

-privatisation d’entreprises : 50 milliards de recettes attendues pour la période 2011/2015 dont 15 en 2012 : sont notamment concernées par les privatisations : les ports, aéroports, chemins de fer, distribution de l’eau et de l’électricité, le secteur financier appartenant à l’Etat ; la concession au secteur privé de cinq grands ports de la Grèce : Thessanolique, Patras, Igoumenista,Volos et Alexandroupolos .

 

Ce récapitulatif n’est, peut-être, pas complet mais tel quel il montre que le fer a surtout été porté par la « troïka » sur la fonction publique, la protection sociale et le marché du travail : les coupes ont été dures et pas acceptées par le corps social. Quant à la fiscalité elle a été passablement alourdie mais il est vrai aussi que la fraude fiscale semble être un « sport national ».

Au total, les différentes mesures prises ou inspirées par la « troïka » ont fortement traumatisé le corps social qui n’en peut plus : les grèves et manifestations se sont déroulées depuis le début de la crise à un rythme impressionnant. Elles ont parfois été violentes et pour l’une d’entre elle a entraîné la mort de trois employés de banque.

Jusqu’à présent ces diverses mesures restrictives n’ont pas produit les effets escomptés et « les lendemains qui devaient chanter » ont surtout amené une baisse très significative du PIB et une augmentation substantielle du chômage.

Tout ceci se fait dans un climat délétère : le BIT -dans sa session de juin 2012- a constaté en Grèce de « sérieuses atteintes au principe de l’inviolabilité des conventions collectives librement conclues et un déficit important du dialogue social » tandis que la Confédération Européenne des Syndicats dans une déclaration du 7 mars 2012 apporte « son soutien aux syndicats grecs dans leur lutte contre l’analyse de la troïka qui démonte méthodiquement les droits fondamentaux du travail, vise à éliminer les organisations du travail et détruit la cohésion sociale privant ainsi les travailleurs de moyens institutionnels vitaux pour se défendre ». La CES appelle par ailleurs à une approche « Plan Marshall » de type européen visant la croissance, l’emploi et les investissements innovants ».

 

« Annexe : 5 ans de crise en Grèce » :

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

PIB

(en %)

2,3

5,5

3,-

-0,2

-3,3

-3,5

-6,9

-6,-

Chômage

(en %)

9,9

8,9

8,3

7,7

9,4

12,5

17,3

23,8

Déficit public

(% du PIB)

-5,6

-6,-

-6,8

-9,9

-15,6

-10,5

-9,1

-7,5

Dette publique

(% du PIB)

101,2

107,3

107,4

112,6

129,-

144,6

165,4

170,7

 

Source : FMI

 

Jean-Pierre Moussy,

(Membre Honoraire du Conseil Economique Social et Environnemental)

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. intéressant ces quelques chiffres. mais il fallait prendre plus de recul, pour inclure les périodes avant l’euro. 10 ans avant l’euro par exemple, la Grèce accumulait 44 milliards de déficit de son commerce extérieur. 10 ans après, ça passe à 256 milliards (données Banque Mondiale http://data.worldbank.org/indicator/BN.CAB.XOKA.CD).

    Vous aurez beau vouloir ne pas voir, la crise frappe tous les pays qui ont adopté l’euro, et en particulier ceux qui ont adopté l’euro et ont une inflation supérieure à l’inflation allemande (qui ne sont pas « compétitifs » et ne peuvent plus se rétablir par des dévaluations ponctuelles).

    Qu’allez-vous inventer ensuite pour expliquer le cas de l’Espagne, puis de l’Italie, puis du Portugal ? Tous victimes simultanément d’une vague de corruption ?

  2. Le tableau que vous venez de dresser pour impressionant qu’il soit, reste bien partiel.
    Ajoutons donc que le chômage a passé de 9% en décembre 2009 à 27 % en fin d’octobre 2012 (selon les données de l’Agence Nationale de Statistiques). Toujours selon lamême source le chômage des jeunes de moins de 24 ans a atteint le 61.2% en octobre 2012;
    Les salaires dans le secteur privé ont baissé de 35% pendant ces trois ans et continuent en chutte libre.
    Le nombre des sans abri fixe a passé à 40.000 dans les grandes villes du pays, selon les decomptes des ONG qui s’en occupent.
    Les diocèces de l’Eglise Orthodoxe offrent tous les jours des répas à 15.000 personnes. A peu près égal est le nombre de répas offerts par les municipalités
    A la crise sociale s’ajoute la crise politique. Le parti néonazi Aube Dorrée est désormais troisième force politique du pays, crédité entre 12% et 15% dans les sondages, et le gouvernement tripartite s’enlisse à des positions politiques de l’agenda néonazi.
    Ainsi, l’avant – hier les députés du parti conservateur de la Nouvelle Démocracie, pricipal parti du gouvernement, ont sabordé, avec l’appui de l’extrême droite parlementaire des Grecs Indépendents et des néonazi de l’Aube Dorrée, un projet de loi du Ministère de Justice prévoyant le réexamen de tout cas pour lequel la Grèce a été condamné par la Cour Européénnes de Droits de l’Homme, par la Cour suprême Héllénique.
    Hier les députés de la Nouvelle Démocracie, avec l’appui des mêmes forces politques, ont introduit au Parlement un ammendement limitant l’accès à l’Académie militaire seulement « aux grecs par naissance ».
    Le porte-parole du gouvernement distribue des vidéos truqués dans les médias, assimilant le parti principal d’opposition SYRIZA à une organisation terroriste.
    En même temps les milices de l’Aube Dorrée, culpables de centaines d’agressions à contre des immigrés (deux hommes assassinés et plu de 150 blessés) depuis les élections législatives de juin dernier, avec la complicité de la Police et des tribunaux, sont en train d’imposer leur loi dans les quartiers des grandes villes
    Les réprésentants de l’UE et du FMI ne voient aucun inconvenient à tout cela.

  3. Ces chiffres sont le constat d’une réalité qui j’espère ne fera pas de la Grèce le nouvel endroit où il sera bon de délocaliser.
    En effet, aux portes géographiques de l’Europe, avec des salaires et une législation du travail garantissant des retours sur investissements plus que prometteurs, il serait tentant de venir produire.
    De nombreuses sociétés ne s’y trompent d’ailleurs pas, comme bon nombre de pays (Chine, Russie …).
    il n’est même plus besoin d’agiter le spectre d’une sortie de l’Euro, les salaires atteignent des niveaux très bas tout en restant dans la zone monétaire.
    devrons nous donc attendre que le rapport de force se retourne à nouveau et que le peuple grec puisse à nouveau revendiquer des hausses salariales et le droit à consommer ?
    certes, les errements du passé sont à corriger (clientélisme politique, délitement de l’administration, ….), ce n’est pas une raison pour laisser ce pays aux mains d’un marché dit régulateur mais qui en définitive ne dessert les intérêts que de quelque uns.
    L’Europe ne peut être que la solution, soyons tous grecs ou allemands, peu importe nos racines nationales, soyons avant tout citoyens Européens, le monde ne s’en portera que mieux.

  4. D’abord excusez-moi quelques fautes de français dans mon commentaire précédent (ex. distrubuer « dans » les médias).
    Je crains que l’enjeux en Grèce ne soit plus la meulleure manière de moderniser l’administration publique et le système politique, qui suffrent d’une crise de crédibilité sans précédent, mais sauvegarder un système parlementaire qui, malgré tout, respectait pendant presque 40 ans les libertés individuelles.
    Il va de soi que, pour faire ainsi, il est indispensable couper le cordon ombilical entre clientelisme politique et administration publique.

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