Un labyrinthe bruxellois ou parisien ?

On lit – et on entend – souvent que « Bruxelles » est la principale responsable de l’alourdissement et de la complexité de toutes sortes de règles relatives à l’activité économique. Les opérateurs eux-mêmes ont sont parfois persuadés.
Le plus souvent, un examen même superficiel des textes permet de découvrir que les règlements/directives européens se limitent à fixer un cadre et des règles générales sur la base desquelles les administrations nationales élaborent les « modalités d’application ». Modalités qui se transforment le plus souvent en un labyrinthe de procédures gérées par une myriade de comités et d’instances « compétentes ».
Au hasard des lectures, on peut citer le cas de la règlementation sur la circulation des biens culturels, telle qu’élaborée par l’administration française.
À la base de cette réglementation figure bien – s’agissant de libre circulation de marchandises – un règlement européen de 2008. Celui-ci se borne à exiger qu’une autorisation soit donnée par l’organe national compétent pour toute exportation d’un bien culturel en dehors du territoire de l’UE. Il prévoit aussi une coopération administrative de ces organes au niveau européen.
Sur cette base, l’administration française a élaboré des modalités d’application d’une complexité confondante décrites, sur une page entière, par « La gazette Drouot » du 22/04/2016 (page 24). Voici le résumé succint de la procédure française d’exportation de biens culturels au sein même de l’UE:
1. exportation dans l’UE :
 – demande d’un « certificat de libre circulation » hors France
 – examen du dossier par la Direction des musées de France
 – décision du Ministère de culture (délai de quatre mois)
 – en cas de refus, réunion de la Commission des trésors nationaux pour avis
 – décision du Ministre
 – si refus, interdiction provisoire d’exportation pendant trente mois
 – désignation d’experts par l’État et le propriétaire pour fixation d’un prix de rachat éventuel par l’État
 – si désaccord désignation d’un troisième expert par le Tribunal de grande instance pour (re)fixer ce prix
 – en cas d’offre de rachat par l’État à ce prix, ouverture d’un délai de six mois pour paiement
 – en cas de « refus de paiement » (?) … réouverture d’un délai de trente mois.
(2. exportation hors UE : demande d’un « certificat d’exportation hors UE » – procédure non reprise ici faute de place …)
Sans commentaire.
[author image= »http://www.fenetreeurope.com/images/chroniques/giraud.jpg » ]Successivement administrateur du Parlement européen puis conseiller du Président , Secrétaire Général de la Cour de Justice puis du Médiateur de l’UE , Directeur du Bureau du Parlement européen en France , Jean-Guy Giraud a été président de l’Union des Fédéralistes européens-France.[/author]

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3 Commentaires

  1. je crains que la Commission et l’Administration de l’UE n’agissent comme un canard sans tête.
    ils mettent en textes, dites-vous, mais dans quels buts?
    L’économiste Parkinson a parfaitement analysé la propension d’une administration de grossir intrinsèquement, hors toute réalité.
    L’Europe manque de souffle, pas de comptables.

  2. Je partage largement les vues de l’auteur de l’article. Cette chronique n’est d’ailleurs pas sans lien avec celle que j’ai moi-même publiée sur le site de « Sauvons l’Europe » le 22 février dernier sous le titre « Bruxelles: label au poids dément ? Ce que « bruxeller » pourrait signifier ». Il y aurait encore bien d’autres illustrations de ce genre de dérive au niveau des Etats membres. Continuons le combat contre les idées reçues !

    • Je partage également ces vues mais trouve que l’exemple est mal choisi.
      Le règlement UE stipule qu’il faut une autorisation.
      La transcription française est exprimée par les indications suivantes :
      – demande d’un « certificat de libre circulation » hors France
      – examen du dossier par la Direction des musées de France
      – décision du Ministère de culture (délai de quatre mois)
      4 mois c’est un peu long mais je ne vois pas ici de complication supplémentaire par rapport au règlement.
      Ensuite les modalités d’application française traitent d’un sujet NOUVEAU, qui n’est nullement traité par le règlement européen: le cas où le certificat n’est pas accordé. Alors le texte français prévoit une possibilité d’appel de la décision négative, et ensuite introduit l’idée que si le certificat est durablement refusé la puissance publique doit faire une offre d’acquisition.
      Il faut se réjouir que l’UE ne rentre pas dans ce détail, mais il ne faut pas pour autant stigmatiser l’administration française de se préoccuper de ces points, qui me semblent pertinents. Je serais surpris d’ailleurs que ces points (appel, conditions d’une offre d’achat) n’aient pas été déjà traités dans les textes français, peut-être même avant la signature du traité de Rome ! Et ce serait intéressant aussi de savoir ce que font par exemple les Hollandais ou les Italiens.
      Mais ce ne sont que des digressions. Mon commentaire principal est qu’on peut certainement trouver de meilleurs exemples de cas où la puissance publique française complexifie indûment les règlements lors du processus de transposition.

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