Quelle gouvernance pour la zone Euro?

Dans un document à paraître le 7 mai, Joaquin Almunia, commissaire européen chargé des Affaires économiques et monétaires, suggère d’améliorer à la marge la surveillance au sein de l’Union monétaire, mais rejette toute notion de gouvernement économique car on ne peut et on ne doit pas modifier le traité de Maastricht. De quoi s’agit-il ?

Les pays membres de la zone euro, dont la France, ont transféré des leviers essentiels de notre politique à l’Union européenne (politique monétaire et politique de change, encadrement de la politique budgétaire par le pacte de stabilité et de croissance, politique de la concurrence) alors même que le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 n’instaure toujours pas un nécessaire gouvernement économique de l’Europe. En l’absence d’un tel gouvernement, l’euro est ainsi devenu la variable d’ajustement des marchés des changes internationaux. Comment mettre fin à ces errements ?

Il ne s’agit ici ni de remettre en cause le besoin de stabilité des prix à moyen terme, ni la nécessité d’éviter les déficits budgétaires excessifs, ni le besoin d’une concurrence saine pour stimuler les forces productives. Il s’agit, au contraire, de prendre en compte les besoins du long terme, c’est-à-dire le nécessaire renforcement du potentiel de croissance de l’Europe, et le renforcement de l’utilisation des capacités de production existantes.

En ce qui concerne le pacte de stabilité et de croissance (PSC), il n’est pas souhaitable de remettre en cause la limite de 3 % du PIB imposée au déficit des administrations publiques. Il faut compléter le PSC actuel par un mécanisme de coordination des politiques budgétaires qui permette de conduire des politiques «contracycliques» collectives, dans le cadre du pacte modifié en mars 2005. Ce dernier s’attache désormais davantage aux positions budgétaires structurelles, mais il ne prévoit toujours pas de mécanisme effectif de coordination.

La critique sur l’action de la Banque centrale européenne (BCE) se concentrerait à tort sur la conduite de la politique monétaire dans la mesure où le traité de Maastricht stipule clairement que la BCE est seule responsable d’une politique monétaire ayant pour seul objectif la lutte contre l’inflation et que le conseil des gouverneurs fixe les taux d’intérêt en toute indépendance.

En revanche, c’est à tort que la BCE s’est approprié la conduite de la politique de change de l’eurozone. L’article 111, alinéa 2 du traité de Maastricht stipule clairement que, pour ce qui concerne la politique de change vis-à-vis des monnaies des pays extérieurs à l’Union, le conseil Ecofin, «statuant à la majorité qualifiée soit sur recommandation de la Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de la BCE, peut formuler les orientations générales de la politique de change vis-à-vis de ces monnaies.» Or, dans les faits, le conseil des gouverneurs et son président ne reconnaissent pas à l’Ecofin ou à l’Eurogroupe (Ecofin avec les seuls pays de la zone euro) la capacité de «formuler les orientations de la politique de change» vis-à-vis du dollar ou du yuan. Et ce, à l’inverse, par exemple de la situation observée aux États-Unis où la politique américaine de change est définie par le gouvernement américain. Pour rendre la conduite du policy-mix européen plus efficace, il est donc souhaitable que l’Eurogroupe, comme le prévoit le traité actuel, définisse clairement les orientations de la politique de change de la zone euro. Le processus de mise en œuvre doit être précisé :

c’est bien l’Eurogroupe (ou l’Ecofin avec les seuls ministres de l’Eurogroupe) qui doit formuler la politique de change vis-à-vis du dollar, du yuan et du yen (et des autres monnaies), ce qui suppose qu’il y ait un consensus au sein de l’Eurogroupe pour la formulation d’une telle politique (si un tel consensus n’est pas atteignable, la zone euro ne pourra pas perdurer) ;

l’Eurogroupe doit formuler cette politique en liaison avec la BCE car il ne s’agit pas de remettre en cause l’objectif de stabilité des prix ;

une fois formulés les principes de cette politique, elle doit être mise en œuvre en secret par le binôme «président de l’Eurogroupe-président de la BCE» (que l’on peut nommer «binôme européen») ;

pour être efficace, notamment pour ce qui concerne la parité euro-dollar, il faut rechercher une coopération entre le binôme européen et le binôme américain «secrétaire au Trésor-président de la Réserve fédérale» ;

une fois établies la légitimité politique du binôme européen et les bases de coopération avec le binôme américain, il faut impliquer les autorités chinoises et japonaises dans une négociation permanente quadripartite (NPQ) qui pourrait œuvrer comme quasi-directoire monétaire mondial. Si les Chinois sont rétifs aux oukases, ils pourraient voir leur intérêt à être officiellement partenaires de la NPQ.

La reconnaissance de l’Eurogroupe comme instance, non seulement de coordination mais de décision pour la conduite de la politique de change de la zone euro est un élément clé de la reconstruction européenne.

Nous avons noté précédemment qu’il est nécessaire de compléter le PSC actuel par un mécanisme de coordination des politiques budgétaires qui permette de conduire des politiques contracycliques collectives. Pour coordonner la politique monétaire, la politique de change et la coopération en matière de politiques budgétaires, on peut imaginer de favoriser la coordination entre la BCE et l’Eurogroupe-Ecofin dans le cadre d’un Conseil de la politique économique de la zone euro qui devrait être rapidement créé.

Il apparaît ainsi que l’on peut, sur la base de l’actuel traité de Maastricht, se doter des éléments clés d’un véritable gouvernement économique européen. À condition de le vouloir !

 

Christian Saint-Etienne

Le Figaro du 01/05/08

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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