En ce dernier week-end du mois des fiertés, de nombreuses marches ont eu lieu dans les capitales européennes – dont Paris, Dublin, ou encore Helsinki – clôturant un mois riche en mobilisations.
Pourtant, à Budapest, capitale de la fête, la marche des fiertés a failli ne pas avoir lieu. L’offensive contre cette manifestation, qui rassemble plus de 30 000 personnes habituellement pour célébrer la tolérance et défendre les droits des personnes LGBTQIA+, monte crescendo depuis mars dernier. En effet, le Parlement hongrois, dont une majorité de député·es soutiennent le gouvernement Orban, a adopté une loi modifiant les règles de liberté de réunion, notamment pour les évènements qui feraient « la représentation ou la promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs.
Cette première attaque avait déjà suscité une réaction de la société civile, qui a organisé en réponse une « grey pride », marche satirique où les personnes ont manifesté vêtues de gris, suivant un tracé en forme de pénis. Mi-juin, les autorités hongroises ont annoncé l’interdiction de la manifestation, prévue pour le 28 juin, menaçant sa tenue. Une décision scandaleuse, dans la lignée des interdictions imposées à Moscou en 2006 ou Istanbul en 2015.
Face à cette menace, le maire écologiste de Budapest, Gergely Karacsony, et la fondation Rainbow Mission ont pris en charge l’organisation de l’évènement, appelant à une mobilisation massive, nationale et internationale. En réponse, pas moins de quatre manifestations d’organisations d’extrême-droite ont été autorisées par la police hongroise, sur le parcours de la Pride, laissant présager des violences contre les manifestant·es LGBTQIA+.
Près de 200 000 personnes se sont finalement rassemblées pour marcher fièrement, sous un soleil de plomb et sous les caméras de reconnaissance faciale fraichement installées. Le parcours initial a été dévié par le blocage d’un pont par une trentaine de militant·es d’extrême-droite encadrés par la police, sans que cela n’entraine de perturbation dans la foule compacte.
Une pression qui monte, pour des sanctions qui tardent
Alors que les soutiens diplomatiques se sont multipliés ces dernières semaines, cette Pride s’est tenue sous l’œil attentif de nombreux observateurs et observatrices, parmi lesquels plus de 70 eurodéputé·es, de Renew jusqu’à the Left. Une conférence de presse commune entre les groupes politiques représentés s’est d’ailleurs tenue samedi matin, quelques heures avant la manifestation, dans les locaux d’un Europa experience tout juste ouvert.
Malgré l’adoption de législations discriminatoires, les institutions européennes tardent à réagir. La Hongrie est depuis 2018 sous le coup d’une procédure pour « violation grave » des principes de l’Union, et bloque régulièrement les décisions d’aide à l’Ukraine au sein du Conseil. Face à ces situations, les mesures déjà prises ne semblent pas faire effet : 18 milliards d’euros de fonds européens sont déjà retenus, mais cela ne semble pas freiner le Premier ministre hongrois, bien au contraire. L’article 7 du traité sur l’Union européenne, qui permet de sanctionner les atteintes aux valeurs fondamentales de l’UE, pourrait permettre une suspension des droits de vote au Conseil de l’UE. Par ailleurs, un avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pourrait être rendu dans les prochains mois et jugeant la loi hongroise de 2021 discriminatoire.
Dans les cortèges, à Budapest mais également dans les autres capitales, nombreux·ses étaient celles et ceux à exiger de la Commission européenne une action plus ferme. Mettons que la pression de la rue sera peut-être l’ingrédient qui manquait pour qu’enfin, l’Union européenne défende ses valeurs.
Crédits photos : Chloé Bourguignon