L’immigration, l’Europe, la gauche

Avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en France et le retour de Silvio Berlusconi en Italie, les deux pays ont mené une offensive d’ampleur européenne au sujet de l’immigration poussant l’UE à se doter d’un politique d’immigration commune contraire aux idées véhiculées par les progressistes européens sur la question.

 

Alors qu’en France, l’opposition n’a pas su répondre clairement à Nicolas Sarkozy et à Brice Hortefeux au sujet de l’immigration, en Italie, le 1er septembre dernier, Walter Veltroni, secrétaire général du Parti Démocrate, écrivait une lettre à Gianfranco Fini, Président de la Chambre des Députés et leader du parti de droite, Alliance nationale, où il expose une vision de l’immigration, opposée en tout points à celle diffusée par les extrémistes de la Ligue du Nord ou par le maire de Rome, Gianni Alemmano.

 

Cette prise de position traduite ici en français, si elle concerne plus particulièrement l’Italie, comporte aussi une tonalité réellement européenne. C’est pourquoi, la vision développée ici par Walter Veltroni au sujet de l’immigration ne peut qu’aider les progressistes européens dans l’élaboration d’une alternative crédible aux projets touchant l’immigration portés par le camp conservateur.

 

Diego Melchior

 

 

Monsieur le Président,

 

Je vous écris afin de vous soumettre une question de la plus haute importance, parce qu’étroitement liée à un des plus grands et plus complexes sujets de notre époque : celui de l’immigration, des conséquences que provoquent les phénomènes migratoires dans tous les pays européens et dans nos sociétés, de comment la présence toujours plus forte et plus pérenne en Italie de citoyens étrangers changent notre vie et notre conception du vivre ensemble.

 

La question, pour laquelle vous-même, il y a quelque temps, vous avez fait preuves d’intérêt et d’ouverture, c’est celle du droit de vote aux élections municipales et aux autres élections locales pour tous ceux qui sont résidents en Italie depuis un certain nombre d’années même lorsqu’ils ne possèdent pas la nationalité italienne.

 

À ce propos, avec celle qui depuis toujours est engagée en première ligne sur ces sujets, la Député Livia Turco, je serai le premier signataire d’une proposition de loi constitutionnelle.

 

Je vous demande dès maintenant, par la présente lettre, de vous engager à permettre sa plus ample discussion au sein de la Chambre des Députés et d’en accélérer le plus possible le cheminement parlementaire.

 

Quand il s’agit du sujet de l’immigration, le temps n’est plus aux discussions abstraites, aux préjugés dictés par des idéologies ou par des simplifications produites par une vision (également médiatique) qui, au lieu de montrer la réalité, la déforme et la caricature. Ils sont trop fréquents et trop inquiétants les épisodes qui montrent la diffusion d’un virus dangereux, socialement nocif, composé d’intolérance, de pulsions xénophobes, de repli, d’hostilité, qui va jusqu’à la tentation aberrante de faire justice par soi-même.

 

La politique, l’entière classe politique, a une grande responsabilité, et doit faire extrêmement attention, en repoussant le risque de l’égoïsme social et en répondant à des demandes qui ne sont plus reportables au lendemain : comment garantir, à la fois, accueil et légalité, intégration sociale et sécurité ? Comment construire des communautés inclusives, où chaque individu qui y est né, qui y vit et y travaille depuis des années devienne un citoyen reconnu qui possède des droits et des devoirs ? Comment éviter que dans nos villes se créent, sous le signe de la peur, des lieux séparés et non accessibles ?

 

Nous Italiens, qui avons été un peuple d’émigrants, nous devrions savoir mieux que les autres ce que signifie quitter sa terre natale, abandonner sa propre maison et affronter un voyage qui trop souvent signifiait une nouvelle vie, à la recherche d’une espérance meilleure et d’un futur meilleur pour soi-même et pour ses enfants ; nous devrions connaître l’intime vérité présente dans cette citation du grand écrivain Max Frisch : « nous voulions des bras, des hommes sont arrivés » ; nous devrions entendre de manière particulièrement intense, nous autres, Italiens, les très forts appels de ces derniers jours qui ont été faits au nom de l’accueil et de l’intégration.

 

Le droit de vote aux immigrés aux élections municipales et le droit d’être élus dans les institutions locales sont pour nous un premier engagement dans cette voix. À la rigueur nécessaire pour lutter contre l’immigration clandestine et pour poursuivre ceux qui commettent des crimes qui privent les citoyens de leur droit fondamental à la sécurité et à la tranquillité, il faut accompagner, toujours, la recherche et la promotion de l’intégration.

 

Légalité et intégration sont les deux grands piliers sur lesquelles peuvent s’appuyer les réelles possibilités d’un vivre ensemble civil. Et c’est vers un vrai et réel pacte réciproque entre Italiens et immigrés qu’il faut tendre. Un pacte fondé sur la reconnaissance et le respect des droits et des devoirs.

 

Celui qui réside depuis longtemps dans une des villes ou dans une des nombreuses petites communes italiennes et qui, par son travail, contribue à la vie de la communauté à laquelle il appartient, celui qui a ses enfants qui étudient et qui seront les artisans, les ouvriers, les commerçants et les dirigeants de demain, comme il a le devoir de payer les impôts et de respecter toujours et de toute façon la loi, doit se voir reconnu parmi ses autres droits celui de contribuer à choisir les administrateurs qui prennent les décisions pour lui et pour sa famille.

 

Le droit de vote, la participation, c’est cela : un moyen, un engagement ultérieur de responsabilité envers la communauté où l’on vit, et un instrument à la fois d’intégration et de partage d’un patrimoine commun de valeurs civiles, un moyen pour abattre chaque odieuse forme de discrimination et pour promouvoir, au contraire, une plus grande et plus solide cohésion sociale, une démocratie inclusive.

 

C’est cela la teneur, le sens, de la proposition de loi constitutionnelle du Parti Démocrate, avec l’espoir qu’avec elle puisse se dérouler un débat concret, ouvert et approfondi, comme il se doit d’advenir quand sont en jeu le bien du Pays et le futur de tous les Italiens.

 

Walter Veltroni

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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