Du Pacte vert au Pacte industriel : il y avait le Green Deal, il ne reste plus que le Deal

Après des mois de trilogues entre les gouvernements des États membres et le Parlement européen, et 7 heures de négociations lors d’un ultime sprint, la présidence danoise du Conseil de l’Union européenne est parvenue, le 9 novembre 2025, à un accord avec la délégation parlementaire conduite par le député suédois du PPE Joergen Warborn (rapporteur de la Commission des affaires juridiques) sur deux directives clés : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) et la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD).

Ces deux textes faisaient partie du paquet « Omnibus » présenté par la seconde Commission présidée par Ursula von der Leyen, avec pour objectif affiché de réduire les obligations environnementales et de reporting imposées aux entreprises, au nom de la simplification des règles et de la lutte contre la charge bureaucratique pesant sur le tissu productif européen (Council and Parliament reach agreement to simplify sustainability reporting and due diligence requirements and boost EU competitiveness – Consilium).

L’accord conclu va toutefois bien au-delà des reculs déjà introduits par les amendements proposés par la Commission européenne elle-même, qui s’est montrée particulièrement attentive aux demandes des lobbies industriels. Il s’inscrit dans la logique de la nouvelle majorité dite « Venezuela » réunissant le PPE, les Patriotes, les Conservateurs et les Souverainistes, laquelle tend à remplacer l’ancienne majorité « Ursula » — composée du PPE, des Sociaux-Démocrates, des Libéraux et des Verts — sur des dossiers clés tels que l’environnement, les politiques migratoires, les réformes institutionnelles et le soutien aux organisations de la société civile.

L’accord entre la présidence danoise et les commissions des affaires juridiques et de l’industrie du Parlement européen — qui a été ratifié en séance plénière le 17 décembre, puis par le Comité des représentants permanents afin d’être publié au Journal officiel de l’Union européenne avant la fin de l’année, comme promis par le gouvernement social-démocrate danois — prévoit que les obligations de reporting social et environnemental ne s’appliqueront plus qu’aux entreprises de plus de 1000 salariés réalisant un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 450 millions d’euros. Ce seuil est très supérieur à celui initialement envisagé et aura pour conséquence d’exempter plus de 85% des entreprises jusqu’ici concernées par la directive CSRD.

Le recul est encore plus marqué s’agissant de la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) qui ne s’appliquera désormais qu’aux entreprises comptant plus de 5000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 1,5 milliard d’euros, alors que la proposition de la Commission européenne fixait le seuil à 1000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Un démantèlement progressif né d’un accord appuyé par les lobbies

Dans le prolongement de l’orientation de cette nouvelle majorité parlementaire, l’accord entre le Conseil et le Parlement supprime en outre toute obligation relative à l’élaboration de plans de transition climatique.

Cet accord s’inscrit dans un mouvement plus large de démantèlement progressif de ce qui fut le Pacte vert européen, désormais requalifié en « Pacte industriel ». Il fait suite à des décisions similaires concernant les pesticides, la déforestation, ainsi qu’aux perspectives de remise en cause des engagements en matière de mobilité routière, notamment l’objectif de mettre fin à la vente de voitures thermiques neuves d’ici 2035.

Après une longue période de silence de la société civile, la réponse aux lobbies industriels et à l’alliance parlementaire de centre-droit devrait désormais se traduire par un retour à la mobilisation dans l’espace public, sur le modèle de « Fridays for Future ». L’enjeu est de défendre les objectifs de durabilité environnementale, condition indispensable de la cohésion sociale et territoriale, mais aussi de la compétitivité du système industriel européen, face à l’approche jugée défaitiste de la prétendue « neutralité technologique ».

Pier Virgilio Dastoli
Pier Virgilio Dastoli
Pier Virgilio Dastoli est avocat. Parmi ses divers engagements en lien avec l'UE, il préside le Conseil italien du Mouvement européen.

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