Derrière tout leader européen qui réussit…

Quelle importance accordée à l’annonce cette rentrée par Guy Verhofstadt de son cartel électoral avec Emmanuel Macron pour les élection européenne ? Guy Verhofstadt fut un brillant premier ministre belge. Il préside le groupe libérale au Parlement Européen qui compte 68 députés (dont 7 issus du MODEM), loin derrière les sociaux démocrates (188 sièges) et les chrétiens démocrates (218 sièges). Son annonce dominicale suffit elle à briser toute solitude élyséenne sur le front européen ? Dans ce cas, Verhofstadt serait aussi indispensable au succès d’Emmanuel Macron en Europe que François Bayrou fût incrémental à sa victoire en France. Alternativement, la solitude élyséenne est elle plus complexe ?

Nous connaissons tous l’adage selon lequel « derrière tout homme qui réussit se cache une femme exceptionnelle ». Concernant la construction européenne, l’expérience nous rappelle aussi, que derrière nos grands « ténors de l’Europe » se tiennent souvent quelques figures exceptionnelles, porteurs d’innovation et de disruption politique, capables d’inventer de nouveaux chemins pour passer du discours aux actes. La trace historique de François Mitterrand l’Européen se confond largement avec le succès de son ministre des finances, puis président de la Commission européenne Jacques Delors. Il y a Mitterrand et Kohl ensemble à Verdun en 1984 pour le symbole, et la relance concrète de l’Europe par Delors à Bruxelles à partir de 1985. La déclaration Schumann prend corps dans les sept feuillets produits par les équipes de Jean Monnet, dont les jeunes membres n’étaient héritiers ni de la tradition du Quai d’Orsay, ni de la très jeune ENA. Avec leur patron au profil inclassable, ils opèrent le passage à l’acte, après les grands discours fédéralistes de l’après guerre.

Si la France fut moteur à plusieurs moments clefs de la construction européenne, ce fut par cette alliance originale entre le courage politique de quelques ténors, et, à leur côté, une forme particulière d’agilité, voir d’innovation politique et institutionnelle. Par cette étrange alchimie, la France fut capable de convaincre ses partenaires qu’elle ne cherchait ni à asseoir une nouvelle forme de domination, ni à faire de l’Europe une France en XXL. Faut il rappeler la réponse d’Helmut Kohl à la demande de son ami François Mitterrand d’un président français pour la Commission Européenne : « Oui à condition que le candidat s’appelle Delors ».

Aujourd’hui, la solitude d’Emmanuel Macron, au delà de ses brillantes professions de foi européennes, se lit aussi en miroir de l’incapacité notoire de nos élites politiques et administratives à sortir de schéma trop convenus. Notamment à l’heure de réconcilier les classes moyennes avec l’Europe pour « dégonfler » les populismes. Cette incapacité a réduit progressivement tout projet politique français au seul défi européen. Parallèlement, elle a conduit à ne penser l’Europe qu’au travers de notre seule tradition économique, sociale et même institutionnelle.

C’est par exemple le cas concernant les prochaines élections européennes. Le président français a le projet de se poser en chevalier blanc des « europhiles » et progressistes au nom des valeurs européennes. Or, répéter l’élection présidentielle française au niveau européen, c’est affronter les lois de la gravitation politique européenne, en négligeant notamment les intérêts de la démocratie chrétienne allemande. Celle ci reste intéressée à un affrontement classique droite contre gauche. Cette configuration garantit au parti de madame Merkel un maximum de pouvoir et d’influence à Bruxelles. Quitte à ratisser large avec l’encombrant monsieur Orban, toujours  membre de la famille des démocrates chrétiens à ce jour ! Par conséquent, la proposition française de listes trans-européennes, a été torpillée. Elle menaçait le jeu des partis et préfigurait trop visiblement les projets élyséens. Macron s’est en retour piégé en s’opposant, faute de troupe suffisantes, au mécanisme démocratique du « Spitzenkandidat » qui veut que le parti vainqueur des élections européennes désigne la tête de l’exécutif européen. C’est aussi sans surprise que l’eurodéputé allemand Manfred Weber, président du puissant groupe des parlementaires démocrates chrétiens, a lancé « cliniquement » les hostilités « je veux devenir le candidat tête de liste du PPE pour les élections européennes de 2019 et être le prochain président de la Commission européenne ».

 

[author title= »Henri Lastenouse » image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2011/09/henri-lastenouse.jpg »]Henri est Secrétaire général de Sauvons l’Europe[/author]

Une première version de ce texte a fait l’objet d’une publication chez nos amis de Témoignage chrétien

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5 Commentaires

  1. Eh bien, par curiosité, j’ai lu cette prose…
    C’est toujours le même refrain, le même ronron : manœuvres politiciennes, calculs d’appareils, spéculations sur les tactiques et tentatives de récupérer des voix.
    Et où sont les projets, les propositions, les visions d’avenir, les ambitions autres que celle d’accéder à des postes lucratifs ?
    Oh zut, on les a oubliées ! La boulette…
    De quoi convaincre les euro-réalistes que le programme de « l’union » est la cinquième roue du char d’assaut.
    Comme d’habitude, bernique, nada, niente, nothing, rien.
    Alors même que de nombreux économistes, dont des prix Nobel, affirment que le libéralisme, la lutte contre l’inflation, l’austérité, cette « monnaie commune » et la baisse des budgets nationaux ne sont pas des solutions, mais des carcans qui précarisent les populations, appauvrissent les pays et ruinent les économies, on s’en tient mordicus à la doxa, nos « zélites » persistent dans l’erreur et dans les mauvaises habitudes. Les très riches sont satisfaits.
    Et pourtant, l’économie est le seul volet que ces institutions prétendent maîtriser !
    Les « populistes » n’auront donc une fois de plus aucune peine à accroître leurs effectifs et à gagner en popularité, et nos mamamouchis redoubleront leurs lamentations…

  2. Ah mon Dieu comme c’est clairement expliqué dans votre dernier paragraphe : tout cela n’est plus qu’une lutte pour le pouvoir !
    Et pour quoi faire ?
    Quels sont les projets et quelles sont les électeurs qui les soutiennent ??
    Que veulent les européens qui vont voter (de moins en moins nombreux je crois, quand ils voient ce que donne la remise d’un quelconque pouvoir au niveau national) ??

    Là où je ne suis pas d’accord par contre, c’est quand vous écrivez :  » …l’incapacité notoire de nos élites politiques et administratives à sortir de schéma trop convenus. Notamment à l’heure de réconcilier les classes moyennes avec l’Europe pour « dégonfler » les populismes. »
    Le shéma convenu et entretenu au niveau intérieur, est bien de ne pas dégonfler les populismes, puisqu’en France tout du moins, le populisme est un allier objectif, des différents pouvoirs qui se sont succédés depuis plus de 40 ans déjà, servant jusqu’à présent à gagner des élections (sans gloire il est vrai !).
    Donc par conséquent, l’heure n’est de loin pas : « …à l’heure de réconcilier les classes moyennes avec l’Europe ». Ca nos « chers » représentants s’en foutent tous ! L’heure est à la lutte pour le pouvoir car notre pdt, en brillant énarque, a déjà fait son calcul : avoir le pouvoir en Europe c’est un autre moyen de servir ceux qu’il sert pour faire passer des politiques de dérèglementation tout azimuth, y compris dans son propre pays et sans en avoir l’air.
    Ne vous fiez jamais a un ex-banquier (ou usurier), son discours sera toujours grandiloquent, voire éloquent mais jamais dénué de calculs.

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