Delors sur Rocard : « Je regrette qu’il n’ait pas été président »

Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne entre 1985 et 1995, notamment lorsque Michel Rocard était Premier ministre, salue le « rôle essentiel » qu’a joué ce dernier « dans ce combat des idées pour renouveler le socialisme français ».

« Quand on évoque la tranche historique qui a vu le Parti socialiste revenir dans l’actualité et dans les gouvernements, on songe – et c’est bien ainsi – à François Mitterrand, mais moi j’y ajoute Michel Rocard, parce que dans ce combat des idées pour renouveler le socialisme français il a joué le rôle essentiel.

Si l’on reprend la venue de nouvelles générations au PS, l’attraction notamment de beaucoup de chrétiens, c’était Michel Rocard. J’étais attiré par lui, il avait les idées nécessaires pour adapter le Parti socialiste. Cela s’est déroulé dans un mouvement où les chrétiens avaient beaucoup d’importance, dans les organisations de jeunesse, dans le syndicalisme, dans la paysannerie. Là se puisait le ferment du renouvellement des pratiques et des conceptions.

Rocard c’était « Liberté, égalité, responsabilité »
Nous avions la même démarche. Dans sa dernière interview, dansLe Point, il le rappelle : il allait dans les pays du Nord, en Grande-Bretagne. Au fond, nous cherchions une vision du socialisme qui fonde ses racines dans ce qu’il y a de meilleur dans la tradition française et dans la nécessaire adaptation à notre époque. Le Parti socialiste devait être opposé au capitalisme et à la droite financière, mais pas selon les propos rugueux et outranciers de certains.

Tout de suite, Michel a trouvé cet équilibre, cette voie. Nous avons souvent été d’accord, mais nous avons eu de petites divergences, comme au congrès de Metz en 1979. Mes idées étaient plus proches de celles de Michel, mais je considérais que François Mitterrand était celui qui nous ouvrirait le chemin du pouvoir.

Michel laisse une trace essentielle dans la gauche française, celle de la recherche de la nouveauté et celle d’un point de vue collectif ou dans l’agir personnel de plus de liberté, une liberté raisonnée qui trouverait de nouvelles traductions dans une société libre, ouverte, avec des citoyens responsables. Liberté, égalité, responsabilité.

« Dans toute la société, il y a des petits rocardiens »
On a passé beaucoup de temps ensemble, Michel et moi. Je l’admire. C’est un regret pour moi qu’il n’ait pas été président de la République. Michel Rocard était essentiel à la gauche en France, le reste ce sont les petites zizanies habituelles du PS!

Il y avait des divergences très nettes entre François Mitterrand et Michel Rocard, mais il fallait concilier les deux pour permettre au PS de revenir au pouvoir, il faudrait aujourd’hui concilier les deux pour permettre au PS de mieux diriger le pays.

Du point de vue humain, de par notre amitié et du point de vue du rôle qu’il a représenté pour l’évolution doctrinale, politique, du PS, il est un élément dominant.

Dans toute la société, il y a des petits rocardiens. Michel a toujours agi avec dévouement. Il a milité beaucoup, est passé par le PSA, le PSU, le PS, a lâché sa carrière professionnelle pour devenir permanent du PSU.

Tout ce qu’il a fait, ce qu’il était, tout mérite un grand coup de chapeau. »

 

Propos recueilli par Cécile Amar – Le Journal du Dimanche

dimanche 03 juillet 2016

 

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4 Commentaires

  1. Bel éloge de la part de Jacques Delors. J’ai eu le privilège de rencontrer Michel Rocard lorsqu’il était président de la commission culture du Parlement européen. Après un entretien aussi chaleureux que riche il accepta de devenir le premier membre d’honneur du Forum Europe des Cultures, dont j’étais cofondateur avec feu Gabriel Fragnière, ancien recteur du collège d’Europe. J’en fus président pendant six ans, largement inspiré par la vision que Michel Rocard avait de l’union de l’Europe. Le Forum a hélas disparu en 2013 faute de moyens.

  2. Que Jacques Delors soit remercié pour ce bel hommage! … Et que les « petits rocardiens », vieux ou jeunes et ceux à venir, puissent trouver le souffle pour perpétuer la belle inquiétude de Michel Rocard pour le Bien commun et le sens du Temps long, guidée par l’indépendance d’esprit et l’exigence de la pensée.

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