Elections municipales en Rhénanie-du-Nord-Westphalie : l’AfD progresse à l’Ouest

En obtenant près de 15% des suffrages et la troisième marche du podium lors des scrutins locaux en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’AfD a réalisé une percée historique dans l’Ouest de l’Allemagne, mettant en difficulté les sociaux-démocrates et les démocrates-chrétiens dans l’un de leurs bastions.

Une campagne sur fond de politique internationale

En qualifiant le scrutin de « référendum sur l’orientation de notre pays », l’AfD — par la voix de son responsable régional Martin Vincentz — a tenté de profiter de ces élections pour assoir sa place de premier opposant aux Unions chrétiennes du chancelier Merz, décorrélant en partie le vote de ces derniers dimanches des enjeux locaux. Avec succès. Alors que le parti d’extrême droite bénéficiait, dans certaines communes, d’une implantation locale relativement faible (un nombre d’élus modérés, et une absence de candidats au poste de maire lors des élections précédentes dans plusieurs villes), celui-ci est parvenu à percer. Il est parvenu à rendre une nouvelle fois concrète, notamment par ses campagnes sur les enjeux nationaux et de souveraineté face au très européen Merz, sa place de premier opposant aux Unions chrétiennes lors des votes des 21 et 28 septembre dernier.

Des résultats significatifs dans d’anciens bastions ouvriers

L’extrême droite a notamment bénéficié de l’affaiblissement des partis traditionnels, et en particulier du SPD, dans plusieurs bastions populaires de la Ruhr. A Gelsenkirchen (266 000 habitants) et Duisburg (504 000 habitants), l’AfD s’est qualifiée au second tour face aux sociaux-démocrates en parvenant à rogner tant sur leur électorat que sur des voix de droites plus conservatrices, parvenant à évincer la CDU au premier tour. A Hagen (190 000 habitants), commune régie par « une grande coalition » entre les sociaux-démocrates et la droite classique, l’AfD s’est également hissée au second tour, contre le représentant de la CDU.

Si le parti d’Alice Weidel a connu une expansion notable dans cette région où il n’avait pourtant pas obtenu, sur l’ensemble du Land, de score à deux chiffres avant 2025, celui-ci s’est heurté, au second tour, à un cordon sanitaire très ferme. A Duisburg, face au maire sortant Sören Link, le candidat d’extrême droite (19,7% des suffrages au premier tour) est parvenu à gagner à peine plus d’un point et demi de pourcentage en une semaine, offrant à son adversaire une victoire écrasante.

De même, à Gelsenkirchen, le représentant de l’AfD n’a progressé que de trois points entre les deux tours, contre près de trente pour celui du SPD. Si l’AfD, profitant de l’affaiblissement des partis traditionnels, est donc parvenu à progresser significativement sur une terre qui lui est historiquement hostile, le parti d’extrême droite semble loin de pouvoir y réitérer des exploits du type de celui de l’arrondissement de Sonneberg. Du nom de ce district thuringeois, tombé en 2023 aux mains de l’AfD à la surprise générale).

Un affaiblissement des partis progressistes europhiles

Si la droite du chancelier Merz a légèrement reculé en sièges, c’est du côté du SPD et, surtout, des Verts, que la note est la plus salée. Fief historique des sociaux-démocrates, dans lequel le maire sortant, Thomas Westphal, dominait pourtant largement le jeu au premier tour, c’est ni plus ni moins que Dortmund qui a basculé. Comptant près de 600 000 habitants, la ville a été remportée par la CDU. Le SPD se console en gagnant Cologne (1 153 000 habitants, la plus grande ville de la région) mais perd un grand nombres de petites localités, notamment au profit de la droite. Chez les Verts, les conséquences du scrutin sont plus dures encore : les écologistes ne conserveront qu’environ 450 de leurs 700 élus municipaux sortants, perdent leur fief de Bonn (336 000 habitants) ainsi qu’Aix-la-Chapelle (253 000 habitants) au profit de la CDU.

Cet affaiblissement des partis europhiles de gauche au profit de l’extrême droite ne fait que traduire en réalité ce que les enquêtes d’intentions de vote montrent depuis plusieurs mois, à savoir l’échec du SPD à se relever de son échec historique lors des élections fédérales, et la stagnation des Verts, rattrapés dans plusieurs enquêtes par Die Linke, seule formation de gauche à progresser lors de ces élections municipales.

Le scrutin de septembre en Rhénanie-du-Nord Westphalie doit donc sonner comme une alerte aux yeux des écologistes et des sociaux-démocrates : car si le mode de scrutin à deux tours empêche pour le moment une victoire de l’extrême droite, force est de constater que celle-ci progresse… et qu’il n’est pas interdit de penser que, comme à l’Est, l’extrême droite d’Allemagne de l’Ouest, si elle parvient à se normaliser aux yeux des électeurs, puisse engranger dans les prochaines années non plus de simples succès symboliques déjà lourds de conséquences, mais de réelles victoires électorales.

Raphaël Charlet
Raphaël Charlet
Etudiant en science politique à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il suit les dynamiques électorales et les évolutions démocratiques en Europe.

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4 Commentaires

  1. Tant que le SPD n’aura pas le courage de quitter la Grande Coalition, il ne cessera pas de perdre des voix. Il n’en a pas conscience.
    Il y a trente ans, le SPD obtenait en Rhénanie du Nord Westphalie des scores entre 60% et 70% dans certains de ses bastions. Il a désormais perdu la moitié de ses électeurs, sans s’interroger véritablement sur les causes de sa chute. Selbst schuld, comme on dit en allemand.

    • On pourrait poser la même question à l’ensemble de la social-démocratie européenne qui a perdu sa boussole de transformation progressive et démocratique de la société capitaliste pour s’engager sur la voie de l’ordo-libéralisme.

  2. Cela parait immensément triste à dire mais entre un Merz ancien patron de Blackrock voulant armer jusqu’aux dents l’Allemagne pour la confronter à la Russie et accélérer ainsi la probabilité qui se confirme chaque jour un peu plus de déclencher une 3eme guerre mondiale et nucléaire et l’AFD qui malgré le repoussoir qu’elle représente sociétalement ,veut calmer le jeu avec la Russie, et bien hélas mille fois hélas , pour l’avenir de l’Europe, il vaut mieux et de loin l’AFD. Quand on voit des actes dérisoires comme le survol d’une plate forme pétrolière estonienne dans la mer baltique servant de prétexte à une supposée « incursion », « provocation », « menace russe », que les russes nient en bloc, on voit à quel point la propagande de guerre et la volonté d’instiller la peur de « l’ennemi russe prêt à nous attaquer » fleurit dans toute l’UE, quand on voit à quel point elle intervient de façon extrêmement douteuse dans les élections des pays de l’est ( Roumanie, Moldavie ), dont les peuples n’ont aucune de devenir des bases stratégiques pour l’OTAN et devenir , contre leur volonté, de nouveaux fronts contre la Russie, on comprend bien vite que l’UE n’est plus qu’un bastion virulent de la bourgeoisie impérialiste globaliste qui n’ a plus rien à voir avec les grands idéaux de paix , prospérité et démocratie que défend, certes vertueusement, mais dans un aveuglement patent, Sauvons l’Europe. Une fois de plus ces dérives ouvrent des boulevards à l’extrême droite sur des sujets cruciaux comme celui de la souveraineté des nations et l’écoute réelle de la volonté de leurs peuples dont aucun, à moins d’un très intense et ubuesque lavage de cerveau médiatique, ne souhaite la guerre avec la Russie.

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