Abandon de la directive Green Claims : une excellente nouvelle pour la lutte contre le greenwashing !

Les auteurs de cette tribune collective, publiée le 25 juin dans la Tribune, estiment que le texte sur le Greenwashing avait fait l’objet d’un tel massacre parlementaire que son échec est finalement une bonne nouvelle.

Nous faisons partie de ceux qui ont soutenu publiquement ce projet de directive, depuis trois ans. Mais force est de constater que la version finale qui était proposée au vote le 23 juin ne permettait plus du tout de remplir les objectifs visés. La directive devait lutter contre le greenwashing. Elle l’aurait en réalité institutionnalisé.

Si les ambitions initiales de ce projet réglementaire étaient justes, les dérives du texte depuis l’initiation du processus en 2022 ont atteint leur apogée ces dernières semaines. Au point de toucher dernièrement un point de non-retour en termes d’acceptabilité, qui a abouti à la mobilisation d’associations de consommateurs, d’ONGs, de GenAct, d’acteurs engagés pour la transition en France, en Italie, en Allemagne et ailleurs, contre le texte qu’ils avaient soutenu jusque-là. Ces organisations ont étudié le texte et ses évolutions en détail depuis des mois, et ont pris leurs responsabilités pour éviter le pire.

L’UFC Que Choisir s’est exprimée la semaine passée, indiquant que ce texte aurait pour effet non seulement « d’entraver les dynamiques de transition déjà engagées, en particulier dans l’agroalimentaire », mais également qu’il constituait « une atteinte grave à la possibilité d’informer correctement les consommateurs ». Et de préciser [leur] opposition absolue au principe de faire valider [leurs] méthodologies par les autorités publiques ». Concluant : « Il serait donc préférable que le texte n’aboutisse pas le 23 juin. »

Des scientifiques de la recherche publique ont exprimé fin avril de très grandes réserves, dans un rapport qui pointe les dangers de la directive, en particulier son entrave à une réelle transparence consommateur.

Pour comprendre ce qui se jouait, il faut lire le projet de texte en détail, fuité dans sa version finale mercredi dernier. 370 pages de prouesse technocratique, indéchiffrables pour les non-initiés. Il est peu probable que ceux qui déplorent le retrait de ce projet de directive en aient compris les conséquences concrètes.

Pourquoi cette directive aurait-elle institutionnalisé le greenwashing au lieu de le combattre ?

En posant comme méthode de référence, seule autorisée à fournir une information claire et synthétique aux consommateurs pour les orienter dans leurs actes d’achat, un système de calcul environnemental ubuesque (1) qui aboutit à dire que l’huile de palme importée est meilleure pour l’environnement que l’huile d’olive européenne ou le beurre d’Isigny, que le poulet ukrainien en batterie est plus vertueux que les poulets Label Rouge, et que le Picodon, le Camembert d’Isigny ou le Roquefort sont nettement plus mauvais pour l’environnement que les fromages industriels.

La directive Green Claims devait protéger et éclairer les consommateurs. Elle allait en réalité légaliser et positionner en monopole une tromperie informationnelle massive sur la qualité environnementale des produits alimentaires.

Elle devait permettre aux producteurs de valoriser leurs démarches positives pour l’environnement. Elle allait en réalité les livrer à une concurrence internationale accrue, sur la foi d’une méthode de calcul prétendument environnemental qui aurait favorisé les importations et les pratiques les plus intensives. Sur ce point, elle constituait une redoutable confortation de l’accord Mercosur.

Elle devait initialement encadrer pour permettre le déploiement harmonieux des méthodes les plus pertinentes sur le marché européen, notamment celles portées par la société civile organisée qui œuvre positivement sur le terrain, aux côtés des agriculteurs, à cette transition. Elle était devenue un texte d’interdiction, d’entrave à la liberté d’information des associations de consommateurs, d’entrave également à la liberté des scientifiques d’informer librement dans le respect de la pluralité de pensée.

Non, Green Claims n’était plus du tout « un outil clef contre les fausses promesses vertes », mais un réel obstacle à la transition écologique et sociale, notamment pour l’agriculture et l’agroalimentaire.

Non, Green Claims n’était plus une directive pertinente. La confiance passe par d’autres solutions. Ces solutions existent déjà, efficaces, indépendantes, portées par des scientifiques et la société civile. Le rôle des pouvoirs publics est d’encourager les énergies, pas de les éteindre. De créer les conditions de développement d’une information plurielle de qualité. De permettre aux entreprises, grandes et petites, de travailler de manière concrète sur des outils et avec des méthodes qui font sens.

Reste donc à espérer que cette directive – délétère dans sa forme actuelle – est bien enterrée, et le PEF avec. Pour écrire la suite positivement, au service de la transparence consommateurs réelle et de l’engagement sincère des acteurs économiques.

(1) Le PEF (Product Environmental Footprint) est la méthode développée par la Commission Européenne, dans l’objectif de calculer « l’empreinte environnementale » des produits de consommation.

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Pierre-Henri Gouyon, professeur émérite au Museum National d’Histoire Naturelle
Fabrice Bonnifet, président de Genact
Benoît Drouin, vice-président de la coopérative Fermiers de Loué (1200 éleveurs)
Nathalie Mayance, présidente d’Apivia Macif Mutuelle
Pau Luu, agronome, secrétaire général de l’initiative gouvernementale 4 pour 1000
Marie-Laure Hustache, communication agricole et fondatrice Agence de Marie-Laure
Jacques Huybrechts, directeur de l’Université de la Terre
Nicolas Facon, dirigeant engagé
Enzo di Rosa, président de C’est Qui le Patron Italie
Hubert Ott, député du Haut-Rhin
Alain Peeters, professeur en agronomie, vice-président d’Agroecology Europe
Sandrine Doppler, analyste et prospectiviste agriculture et agroalimentaire
Armelle du Peloux, co-fondatrice de la Convention des Entreprises pour le Climat, consultante transition écologique
Xavier Poux, agronome, chercheur, administrateur du Fonds de dotation Solid Grounds
Amélie Bajolet, agronome, présidente de Bee Friendly
Sabine Bonnot, experte agriculture et alimentation, administratrice du Fonds de dotation Solid Grounds

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1 COMMENTAIRE

  1. Votre critique porte sur la méthode PEF d’Analyse en Cycle de Vie (ACV). Manifestement, ses résultats vous dérangent – mais sont-ils pour autant faux ?
    Si vous avez eu un tout petit peu l’occasion de regarder le fouillis informe des méthodes d’ACV, vous aurez constaté que rien n’est comparable à rien, faute d’accord sur les indicateurs et la manière de les mesurer. Les méthodes que vous proposez sont certes favorables à vos produits, mais comment vous battre contre celles développées par vos concurrents qui aboutiront à des résultats contraires aux vôtres ? Il faut une méthode neutre, objective et fondée. Le fait que le PEF aboutisse à des résultats qui vous contrarient, ou que cette méthode nuise au petit commerce fructueux des ACV faites à la main, n’est pas une raison suffisante pour la condamner en soi. Il faut des raisons scientifiquement plus fondées : quelles hypothèses, méthodes ou sources de données sont fausses, selon vous, et par quoi les remplacer ?

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