Que reste-t-il du 8-Mai ?

Ce 8 mai, la France, l’Europe et le monde commémorent les 80 ans de la défaite nazie, au travers de cérémonies et d’émissions spéciales qui chamboulent la routine des programmations, signant notre engagement à maintenir une mémoire collective de la capitulation nazie. Une capitulation sans condition soldant le pire carnage humain du vingtième siècle. En se suicidant une semaine plus tôt, Hitler laissait un bilan de plus de 50 millions de morts, dont six millions de Juifs. Au-delà des chiffres, l’unicité de la Shoah devient l’incarnation du mal absolu aux yeux de l’humanité.

Côté allemand, malgré les condamnations nombreuses de l’après-guerre, bien des bourreaux nazis échapperont aux représailles, et c’est surtout la population civile allemande qui payera le lourd tribut de la défaite nazie. Particulièrement, personne n’ira chercher le précieux allié russe sur son bilan humain à l’Est. Quelques 14 millions d’Allemands ont fui devant l’Armée rouge, plus de 600 000 sont morts sur les routes, de faim, de froid, violés, femmes et enfants abattus sans procès par des soldats russes. Aujourd’hui, on estime le nombre de viols commis par les Soviétiques à 500 000 victimes. Crimes sordides soldant les 27 millions de morts soviétiques durant le conflit. Egalement hélas, une « marque de fabrique » que l’on retrouvera ailleurs, comme à Boutcha, Marioupol, ou Izioum.

Alors que pour Moscou, le 8 mai 1945 devenait, avec le temps, la caution légitime des autocrates du Kremlin, les Européens ont voulu tourner la page d’un sang vengeur, offrande sans fin au minotaure du nationalisme. L’évocation du 8 mai 1945 est aujourd’hui indissociable des jours heureux qui virent, dans le sillage du silence des armes, la mise en place de grandes réformes sociales et d’une intégration européenne pacifique. Des choix de rupture portés par une génération qui fera le choix de la réconciliation, de la paix sociale et de l’Etat de droit. Indispensables dans la Résistance, les femmes gagneront définitivement une égalité politique formelle dès les premiers scrutins suivant la capitulation du 8 mai 1945, ouvrant la voie à une révolution sociétale sans précédent.

Aujourd’hui, force est de constater que l’espérance longtemps associée au 8-Mai résiste difficilement aux assauts simultanés de Vladimir Poutine et Donal Trump.

D’un côté, la Russie de Vladimir Poutine s’ordonne toujours plus autour du souvenir fantasmé du 8 mai 1945, justifiant l’émergence d’une puissance révisionniste, qui prétend dénazifier l’Ukraine et n’hésite plus à caricaturer madame Von der Leyen en bourreau nazi. La guerre est à nouveau le prix à payer pour renouer avec un passé glorieux que résume à lui seul le 8 mai 1945.

Pour les Etats-Unis, le pacte scellé par une génération venue mourir sur nos plages n’est plus qu’une alliance pesante et coûteuse, tout comme l’architecture de sécurité européenne actuelle, une relique dont il convient de se dégager. Brutale et perverse, l’administration Trump veut juste aller plus vite et plus loin que les derniers édiles démocrates.

A l’heure où le démon du nationalisme et de ses godillots souvent bruyants, toujours violents nous revient par ceux-là même qui nous en ont délivré voilà 80 ans, l’Europe est à la croisée des chemins. Avec l’avenir de l’Ukraine, beaucoup de choses vont se jouer de la réalité et l’effectivité de notre héritage de 45. Avec un certitude, la désunion des Européens fermerait cette gigantesque parenthèse d’espoirs et de civilisation née à partir de mai 1945.

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

Soutenez notre action !

Sauvons l'Europe doit son indépendance éditoriale à un site Internet sans publicité et grâce à l’implication de ses rédacteurs bénévoles. Cette liberté a un coût, notamment pour les frais de gestion du site. En parallèle d’une adhésion à notre association, il est possible d’effectuer un don. Chaque euro compte pour défendre une vision europrogressiste !

Articles du même auteur

8 Commentaires

  1. La tonalité de cet article est très « antisoviétique » et anti-russe, tout à fait dans l’air du temps en Europe occidentale. Pour crédibiliser ce texte et le rendre plus objectif, il aurait été intéressant de sourcer certaines de ses affirmations, par exemple, le nombre de viols, si difficile à établir. Et d’ailleurs, pourquoi ne pas évoquer aussi les viols et autres brutalités commises par les américains, les britanniques et même les français… ?
    Ne pas oublier aussi que si nous sommes libres aujourd’hui, nous le devons autant (d’un point de vue militaire) à l’action de l’Armée rouge qu’à celle des USA.

    • On ne saurait assurément mettre en doute l’héroïsme dont l’Armée rouge a pu faire preuve.
      Ceci dit, ce fut au prix du sacrifice de centaines de milliers d’hommes que Staline – pour qui la vie humaine ne comptait guère (cf.les procès de Moscou) – avait envoyés au casse-pipe. Avec le recul, on peut constater un penchant similaire du côté du tsarévitch régnant actuellement au Kremlin (mort mystérieuse de Navalny… voire le curieux accident qui a coûté la vie au très dérangeant Prigogine).

      Accessoirement, peut-on vous faire remarquer que les mots « Américains, Britanniques et même Français » qui, en l’occurrence, ne sont pas des adjectifs, méritent de commencer par une majuscule ?

  2. Bonjour.

    Merci pour cet article.

    Hormis les atrocités décrites, on perçoit dans ce dernier, que le nationalisme est la source de nombreux maux, hier, aujourd’hui et sans doute demain.

    Nos élus et nos responsables européens n’ont pas voulu finaliser la construction de la nation européenne pour que chaque citoyen se sente d’abord EUROPENN, ensuite FRANCAIS, ALLEMAND, ESPAGNOL, etc…….. .

    Ils en portent la lourde responsabilité, quand on ne veut pas voir, quand on ne veut pas retenir les leçons de l’histoire, etc, etc, … .

    • « Nos élus et nos responsables européens n’ont pas voulu finaliser la construction de la nation européenne pour que chaque citoyen se sente d’abord EUROPÉEN, ensuite FRANÇAIS, ALLEMAND, ESPAGNOL, etc… »
      Yes, Mylord !
      Et il nous faut réagir avec force en exigeant d’eux qu’ils fassent courageusement et lucidement leur devoir, enfin ! Cessons de croire aux miracles. Les choses ne se feront pas par enchantement. En attendant, en dépit d’atours en trompe-l’œil, l' »Union » européenne reste une simple association d’États jaloux de leurs succès économiques nationaux et il faut que cela change. Nous faisons tous partie de l’équipage du même bateau.
      En tout cas, merci à Henri pour ce remarquable article, tellement émouvant. Il a, entre autres, le mérite d’oser appeler les choses par leur nom, loin des commémorations lénifiantes et du prêt-à-penser.

  3. Cet article nous renseigne sur le révisionnisme historique en cours dans l’UE. N’en doutons pas, les cours d’histoire vont bientôt être harmonisés et normalisés pour faire la part belle à la russophobie de plus en plus délirante de l’UE.
    La détestation de la Russie et de tout ce qui est russe pour seul horizon ? La réécriture de l’histoire comme moyen ? L’UE qui était une Union soviétique 2.0 veut-elle finalement devenir une grosse Ukraine ? L’objectif des pères fondateurs n’en finit décidément pas d’être revu à la baisse…

      • Je peux d’autant mieux comprendre votre commentaire qu’à plusieurs reprises j’ai eu personnellement le privilège de partager la vie familiale de citoyens habitant derrière le « rideau de fer »… et ce à une époque où Ceaucescu imposait sa dictature en Roumanie et où j’ai pu apprécier de près l’ambiguïté – certes bien humaine – d’un responsable hongrois, membre du Parti communiste local: d’un côté, ce militant sincère déplorait les difficultés économiques de son pays (notamment en matière d’approvisionnement en devises) face à l' »impérialisme occidental »; de l’autre, en père attentionné, il trouvait miraculeusement des francs français pour les confier à ma famille en vue de faciliter un séjour programmé à Paris pour l’une de ses filles. On me répondra que personne n’est parfait… et, encore une fois, c’est bien humain !

    • Votre pseudonyme est bien mal choisi (il est vrai qu’il y manque « sophie ») tellement vous mélangez tout. Combattre le régime poutinien n’est pas antirusse, mais bien anti régime totalitaire et expansionniste. La culture russe est une des plus grandes que l’humanité ait créée que ce soit en littérature, en musique ou en philosophie. On pourrait dire la même chose de l’Allemagne qui a pourtant engendré le nazisme ou de l’Italie où le mussolinisme est bien vivant. Vous parlez de révisionnisme historique dans l’U.E. alors que l’on assiste à la plus grande imposture historique de la part de Poutine qui assimile la résistance et la guerre contre l’envahisseur nazi à l’invasion de l’Ukraine.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

A lire également