20 ans de Sauvons l’Europe ! Et un combat constant

20 ans déjà, et toutes ses dents pour continuer à mordre !

A l’issue du référendum de 2005, le 7 juillet, les membres fondateurs de Sauvons l’Europe publiaient une tribune collective dans le Nouvel Observateur, qui appelait à un nouveau mouvement citoyen. Ils voyaient avec angoisse l’édifice européen en péril et sonnaient le tocsin. A leurs yeux, l’Europe n’était pas une simple construction, un marché, mais le vecteur de nos valeurs communes et le seul rempart contre un désordre de la mondialisation au préjudice des plus pauvres. L’Europe politique était un projet de société.

20 ans après, où en sommes nous ? D’abord nous existons toujours, et sommes encore un foyer commun des courants distincts de la société civile et de l’éventail politique. Nous ne nous sommes jamais inféodés à personne mais avons conservé notre liberté de parler à tous, et de rassembler. Nous avons également conservé notre boussole, celle d’une Europe politique au service de la démocratie, des droits humains, de la solidarité et de la protection de notre environnement.

Ensuite, nous devons constater que l’Europe reste à sauver. La crainte initiale d’un effondrement du projet dans le chacun pour soi est à peu près écartée, mais les valeurs européennes sont plus que jamais en danger. La droite extrême a atteint un poids qui lui permet de former une majorité avec la droite classique et si cette dernière croit ne pas y succomber, elle en joue. Les libertés publiques reculent, la protection de notre environnement également, nos droits sociaux régressent au même rythme. Le fameux plan B ne s’est jamais matérialisé, mais il a fini par se transmuter en un projet ultraconservateur et antidémocratique qui se saisit des institutions européennes. Inversement, les craintes eschatologiques d’un libéralisme exacerbé qui envoutaient une certaine gauche ne se sont pas réalisées et ne l’ont conduite qu’à un isolationnisme sans destination.

Avec le recul, la catastrophe de 2005 reposait déjà en grande partie sur la perte de confiance accordée aux gouvernants. De ce traité complexe, les interprétations les plus folles étaient autorisées parce que dans le doute, nombre de nos citoyens s’accordaient à admettre les pires intentions de la part des politiques. Nous étions déjà entrés dans le régime des vérités alternatives, et nombre des stars citoyennes du débat de l’époque sont aujourd’hui des complotistes solides.

Nous avons quelques idées sur la manière de fêter notre anniversaire, et vous en saurez bientôt plus. Mais Sauvons l’Europe n’a jamais voulu remâcher le passé. Dès le premier instant, l’appel fondateur tendait la main aux nonistes pour inventer la suite. Alors ensemble, nous continuerons à défendre nos valeurs, qui sont le combat essentiel au-delà duquel tout n’est que technique.

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11 Commentaires

  1. La construction de « l’édifice européen » vise à faire de l’Europe, « petit cap de l’Asie » mais pointe avancée de l’aventure humaine, un espace modèle de paix, de prospérité, et d’éthique (voir déclaration Schuman, 9 mai 1950). Seulement l’opinion publique n’a pas encore compris que pour cela il est impératif d’instaurer une Europe politique. C’est-à-dire une Europe parlant d’une seule voix au reste du monde et en particulier aux Etats-continents pas nécessairement bien intentionnés. Le devoir bien compris de l’Europe n’est pas de promouvoir la paix fleur au fusil, et encore moins de s’en remettre au tragique cercle vicieux du « se vis pacem, para bellum ». Il s’agit d’inventer une ingénierie nouvelle, laborieuse, extrêmement complexe, celle du « se vis pacem, para Pacem ». A défaut, l’apocalypse nucléaire mais aussi moral est en ligne de mire. Or tout au contraire, l’opinion publique a, pour le retour à la pleine souveraineté des Etats-nations, les yeux de Chimène. Plus contreproductif, tu meurs! D’autant que personne ne cherche sérieusement à l’informer, à l’instar, tout à l’inverse, du parti souverainiste qui le fait pour sa paroisse depuis vingt ans avec un insolent succès (cf. le Brexit). Advienne donc que pourra! Mais c’est quand même pour le moins affligeant quand le philosophe Henri Bergson professait que « l’avenir, ce n’est pas ce qui va arriver, c’est ce que nous allons faire ». « On ne récolte que ce que l’on sème », dit le proverbe.

  2. Bonjour Mr VOLPI.

    Si l’opinion publique n’a pas encore compris, n’est pas à cause de nos dirigeants européens qui n’ont pas mis en place les outils pour mieux communiquer avec elle, pour vendre la nécessité vitale d’une Europe politique ?

    La nécessité pour eux de garder le pouvoir dans la forme actuelle prouve leur égoïsme et leur cupidité.

  3. Mylord, vous vous trompez du tout au tout. « Les hommes politiques savent ce qu’ils faut faire, mais ils ne savent pas comment être réélus s’ils le font », observait judicieusement Jean-Claude Juncker. Cela signifie qu’en démocratie, en dernière analyse, c’est l’opinion publique qui gouverne. Par ailleurs, souvenez-vous de la création de l’Europe: ce sont bien nos dirigeants qui ont signé l’accord de la CECA, puis, du fait de l’échec de la CED refusée en France par les parlementaires en août 1954, le traité de Rome en mars 1957 sans en référer au peuple. Qui l’aurait rejeté, comme il a en France rejeté en 2005 le traité constitutionnel. Force est de constater que ce sont bien des dirigeants avant-gardistes et clairvoyants qui ont conçu le projet européen, et se sont employés à le mettre en oeuvre, tandis que l’opinion publique, encore sous l’effet des vapeurs opiacées du national-souverainisme du XIXè siècle, le rejette obstinément. Attitude qui a le vent en poupe. Enfin, la thèse selon laquelle ce serait par pur égoïsme que les dirigeants observeraient à propos de l’Europe, Etat souverain supranational, un silence assourdissant, est non-sens: les hommes politiques normalement constitués sont généralement ambitieux et certains se verraient volontiers président de l’Europe plutôt que d’un Etat membre. La solution passe par la conquête de l’opinion publique par le biais des médias. Ce qu’ont bien compris depuis une vingtaine d’années les partisans du souverainisme, ardents adversaires de l’Europe. Quant aux partisans d’une Europe supranationale souveraine parlant d’une seule voix au reste du monde, ils ont choisi le mutisme comme stratégie: cherchez l’erreur!

    • Bonjour Mr VOLPI Rémy.

      J’entends ce que vous écrivez mais le problème du politique est qu’il pense avant tout à sa réélection qu’a l’intérêt de sa nation ou de l’Europe.

      Oui, en effet, les progrès ont été fait avec des dirigeants progressistes et d’exception, je vous rejoins mais ou sont-ils aujourd’hui ?

      Enfin, quand vous parlez de l’opinion publique, vous le signalez dans votre commentaire, qu’est ce qui est fait pour l’informer correctement, rien ou si peu ?

      On la manipule par des mensonges au lieu de l’éduquer, on lui vide les poches et on la rend responsable d’un endettement qui est de la seule responsabilité de nos gouvernants.

      En ne les responsabilisant pas (nos gouvernants et nos élus), on leur permet de faire n’importe quoi avec la complicité de lobbies qui ne servent pas l’intérêt général.

      Regardez aujourd’hui, pour essayer de contenir l’endettement, on s’en prends à qui ?

      Que devient la taxation des super profits, le scandale de la non taxation des dividentes pour un non résident (procédé dit CumCum), etc, etc…

  4. (Réponse 1 à Rémy Volpi)

    A force d’échanger depuis des mois avec Mylord dans le cadre de l’espace de dialogue que représente Sauvons l’Europe, j’ai la conviction que ses commentaires se situent essentiellement sur le terrain d’un incontestable idéalisme, du reste loin de m’être antipathique. C’est ainsi que peuvent être interprétés ses regrets récurrents au sujet de l’inachèvement de la construction européenne. Mais je crains qu’en l’état actuel du chantier ce « spleen » soit en quelque sorte assimilable à l’impatience de voir le papier peint déjà posé alors que les parois sont encore en cours d’édification ou, au mieux, de consolidation.

    Imputer un « surplace » aux dirigeants européens, comme le fait Mylord, peut se concevoir. Mais encore, pour compléter votre propre réponse, déjà substantielle, faut-il bien clarifier, à l’intention de nos lecteurs, ce que l’on entend par « dirigeants ».

    La solution de facilité serait d’orienter le viseur en direction de la seule Commission européenne. Certes, celle actuellement en place ne brille ni par son panache ni par son efficacité – contrairement à ce qui prévalait, tout en haut de la gamme, à l’époque de Jacques Delors. Mais, si les traités, depuis l’origine, confèrent de manière détaillée au Collège des commissaires un important pouvoir de « proposition » en plus de ses compétences de gestion, ne négligeons pas par ailleurs un autre élément crucial : à savoir que l’article 15 du traité sur l’Union européenne/Lisbonne confie tout aussi expressément une tâche générale d’ « impulsion » au Conseil européen, l’institution réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres. Cela en dit long sur l’importance dont ces derniers peuvent se prévaloir dans le pilotage de la nef européenne, même si, de droit, la personne investie de la présidence de la Commission occupe aussi une place dans cet aréopage.

    N’oublions pas, non plus, le rôle éminent que joue dans la pratique de la mécanique institutionnelle bruxelloise le « Comité des représentants permanents » (COREPER), composé des ambassadeurs – de haut vol – des Etats membres auprès de l’UE : son implication est déterminante dans le processus législatif en tant qu’instance de préparation de l’intervention des ministres au niveau du Conseil, ne laissant, du reste, à ces derniers – déjà amplement accaparés par leurs dossiers nationaux – que le traitement des questions les plus sensibles à l’échelon européen.

    Au demeurant, le COREPER n’œuvre pas en mode « génération spontanée » : si sa vocation se situe dans une démarche politique, le terrain est déjà balisé techniquement en amont par des groupes de travail auxquels participent des fonctionnaires de la Commission mais aussi ceux des Etats membres. Ainsi, nombre de ces derniers sont des familiers du trajet Paris-Bruxelles pour porter ponctuellement la voix de la France aux côtés de leurs collègues en affectation plus durable au sein de la Représentation permanente française dans la ville qu’arrose le Manneken-Pis. Le (micro) « cosmos » bruxellois se trouve donc en (macro) osmose étroite avec le « demos » national.

    (Réponse 2 à Rémy Volpi)

    Pour ce qui est de la question particulièrement sensible – et que vous soulevez à raison et avec gravité – de l’appel à la « vox populi », je me suis souvent exprimé à ce sujet sur le présent site en évoquant l’ambiguïté du recours à la procédure du referendum. Permettez-moi simplement de rappeler quelques-unes des considérations ainsi développées – en particulier à la lumière de ce qui s’est passé en France (et aux Pays-Bas) en 2005 avec le rejet du traité un peu maladroitement qualifié, provocation peut-être inutile, de « constitutionnel » par certains de ses promoteurs.

    1 – Autant il me paraît sain d’en appeler au peuple pour trancher une question à objet simple, bien circonscrit (par exemple : indépendance de l’Algérie ; consécration de l’élection du Président de la République au suffrage universel), autant je suis réservé lorsque l’on habille d’un vernis prétendument démocratique la ratification d’un texte complexe. Il me semble que la sagesse des représentants du peuple est suffisamment présumée, voire établie, pour permettre de considérer que ceux-ci peuvent en débattre et se prononcer en pleine compétence et en connaissance de cause. En affirmant cela à l’occasion d’autres échanges, je n’ai pas échappé à l’accusation emphatique de « démophobie », là où, peut-être naïvement, j’ai tendance à estimer que j’ai plutôt cherché à afficher de la « démagophobie ».

    Oserait-on ainsi aller jusqu’à prétendre que la crise de 2005 aurait eu quelque chose du récit de la Passion ? A cet égard, on pourrait être tenté de faire allusion à Ponce Pilate appelant la foule à choisir entre la libération de Jésus et celle de Barabbas, puis se lavant les mains du sang à verser par le « sacrifié ».

    2 – Le danger, souvent dénoncé, de la procédure référendaire est d’ouvrir la porte à des motivations sans rapport avec la question posée : une belle occasion, notamment, pour régler son compte au gouvernement en place en exprimant un mécontentement au sujet de l’ensemble des politiques conduites par ce dernier. Autre façon d’évoquer une telle diversion : le symbole du bouc-émissaire, chargé à l’excès du poids de tous les péchés, y compris de ceux qu’il n’a pas commis…

    Incidemment, la problématique du referendum me rappelle aussi ce dont, bien que très jeune à l’époque, j’ai pu être témoin en regard des discussions intrafamiliales au sujet de la consultation populaire portant sur l’approbation du projet de constitution française en 1958 : le débat portait moins sur le contenu du texte que sur un positionnement pour ou contre le retour du général de Gaulle au pouvoir.

    Bref, comme le souligne la mise en garde bien connue inscrite dans les gares ou à proximité des passages à niveau : « Attention ! Un train peut en cacher un autre »…

  5. Réponse à Gérard Vernier. Tout d »abord, un grand merci pour ce retour qui change avantageusement de l’habituel silence assourdissant ou bien, plus rarement, de la logorrhée gesticulatoire et vide de vrai sens qui accompagnent les réflexions à propos de « L’Europe ». Le terme Europe est lui-même ambigu. Quant à l’expression, fréquente, « d »européen convaincu », je ne sais toujours pas de quoi sont convaincus ceux qui s’auto-qualifient ainsi. Pour moi, la « construction européenne » vise à faire de l’Europe un Etat fédéral souverain supranational. Quand j’insiste au cours de réunions, on me répond dédaigneusement que cela n’est pas possible car chaque nation européenne a une histoire spécifique et donc une identité propre inaliénable. C’est doublement faux. D’abord parce que l’histoire c’est avant tout l’histoire des guerres. Or ces guerres sont intra-européennes et donc par définition communes, même si l’Austerlitz de l’un est le Waterloo de l’autre. Mais c’est avant tout faux parce le concept fédéral n’est pas compris: on me dit, « certes cela pourrait être possible, mais il faudra du temps, beaucoup de temps ». Autant dire, en parodiant le général De Gaulle à propos du Brésil, que la fédération des Etats-Unis d’Europe « c’est un pays d’avenir… et qui le restera ». Car les Etats-continents sont eux actifs et si l’on en juge par l’actualité, peu enclins à remettre leurs desseins aux calendes grecques. Ce type de raisonnement, qui repose sur le dicton « qui se ressemble s’assemble » démontre que le concept fédéral n’a pas encore percolé dans l’opinion publique qui ne voit toujours pas qu’il s’agit de réunir des entités spécifiques différentes, voire très différentes, au nom d’un intérêt commun supérieur bien compris: Michel Roccard disait très pertinemment que « l’Europe, c’est notre assurance-vie ». On ne saurait mieux dire! Enfin, il ne s’agit nullement de s’en remettre à un quelconque processus référendaire en tout cas dans l’état actuel des choses, car ce dont il s’agit ne saurait relever de la logique abrupte du « tout ou rien » laquelle ne manquerait pas d’être dévoyée. Il revenait à des entités nées de la Résistance , telles l’Union des Européens Fédéralistes, ou le Mouvement Européen, de conquérir l’opinion publique, en particulier par le biais des médias avec un « narratif » bien construit. Or ces entités en place depuis 80 ans, n’ont eu de cesse de brasser du vent dans un entre-soi frileux. C’est un tragique sabotage!

  6. Bonsoir.

    Oui, Monsieur VERNIER, je revendique cet idéal et je trouve dommage qu’il ne s’impose pas à nous tous.

    Je rejoins le commentaire ci-dessus de Monsieur VOLPI, on est en face d’ETATS CONTINENTS et nous on brasse du vent ?

    Il y a un mépris ou une inconscience à ne pas vouloir voir la réalité, comme je ne cesse de l’écrire, le risque est d’aller vers une catastrophe qu’on aurait pu éviter.

    • Je pense que tous les « Européens convaincus » partagent votre idéal, qui, du reste, a motivé mon propre engagement depuis les années « 70 » au service de cette construction laborieuse.

      Mais, précisément, ma longue fréquentation du quotidien de l’UE tant au sein de ses institutions (ce qui m’a mis au contact des réalités) que dans le milieu universitaire (ce qui m’a permis de prendre aussi du recul) m’a fait prendre conscience de la pertinence, toujours d’actualité en l’occurrence, de la recommandation de François Mitterrand: « il faut laisser du temps au temps »…

      • Bonsoir Monsieur VERNIER.

        Oui, mais jusqu’à quand ?

        C’est vrai quand il n’y a pas le ver dans le fruit ?

        C ‘est pourquoi une initiative rapide d’union, avec quelques états, même 2, dans des domaines régaliens comme par exemple la défense , mais aujourd’hui, qui est capable de la mener ?

  7. (réponse à Mylord)
    Disons qu’à l’heure actuelle c’est plutôt le fruit qui est dans le « vert »…sinon sous le « verre ». On peut, en effet – pour prendre une comparaison potagère – accélérer le mûrissement d’une tomate en recourant à la culture sous serre. Mais le résultat s’avère-t-il aussi savoureux que celui produit, au moment approprié, sous l’impulsion de « Mère Nature » ? C’est, dans ma conception, ce que signifie « laisser du temps au temps ».
    Ne disposant pas d’une boule de cristal, il m’est difficile de prétendre à l’expertise de « Madame Irma ». La seule perspective que j’entrevois dans l’immédiat en matière de parachèvement de la construction européenne est que, si l’objectif ultime de ce chantier peut se concevoir dans l’apposition d’un « sceau fédéral » au sommet de l’édifice, le moment n’est sans doute pas, à court terme, celui d’un « saut fédéral ». Et encore faudrait-il s’entendre sur la forme de fédéralisme qu’il convient d’attribuer à l’UE. Comme je l’ai souvent fait valoir sur le présent site, il ne s’agit, me semble-t-il, ni de réunir quelques cantons comme en Suisse, ni d’assembler quelques colonies comme aux Etats-Unis à leur origine. D’un côté, émerge l’idéal proclamé par Jean Monnet à l’aube de l’aventure communautaire en 1950: « Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes » ; de l’autre, se profile le concept promu par Jacques Delors au milieu des années 90 : celui d’une « fédération d’Etats-nations », formule qui sous-entendait la prise en compte de la réalité des nations -parfois très jalouses de leur souveraineté.
    Quant aux avancées susceptibles d’être réalisées par un nombre restreint d’Etats membres – ce que Delors, encore lui, considérait comme un moteur de l’intégration, tandis que l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, évoquait le rôle susceptible d’être joué en ce sens par quelques « Etats pionniers » – il ne s’agit pas de scenarii réservés au futur. Ainsi, l’instauration de l’ «Espace Schengen» en 1985 pour faciliter la libre circulation des personnes au sein du périmètre communautaire en a constitué un premier exemple : décidée à l’origine par 5 Etats membres, cette sphère englobe aujourd’hui 25 d’entre eux (Chypre et l’Irlande n’en faisant pas partie), auxquels s’ajoutent 4 Etats associés hors-UE (Suisse, Norvège, Islande, Liechtenstein). Mais, de manière encore plus emblématique, la « zone euro » peut être considérée comme un modèle de coopération volontaire : la monnaie unique (nous sommes en plein « régalien ») est en effet commune à 20 pays, auxquels la Bulgarie devrait s’adjoindre en 2026.
    Plus généralement, on ne peut négliger le fait que les traités européens eux-mêmes prévoient expressément qu’un nombre restreint d’Etats membres peuvent mettre en œuvre une politique sans qu’y soient associés d’emblée les autres partenaires. Cette procédure de « coopérations renforcées » a été introduite dans la pratique de l’UE par le traité d’Amsterdam en 1997 et a été affinée dans le traité de Nice en 2001 et surtout dans le traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009. Elle a permis en 2010 des avancées dans le droit applicable au divorce (sous l’angle transfrontalier) et, en 2013, de mettre en place un embryon de législation commune dans le domaine économiquement sensible des brevets. La politique extérieure de l’UE relève aussi en partie – et de façon appropriée – de mécanismes assimilables aux coopérations renforcées. Sans entrer dans le détail des procédures applicables à cet instrument (j’ai déjà été plus que bavard !), je soulignerai que sa mise en œuvre ne procède pas d’une « génération spontanée : le traité de Lisbonne lui consacre pas moins de dix articles…

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