Victoire XXL des Socialistes Portugais

« Le pouvoir n’use que ceux qui n’en ont pas » avait coutume de dire l’ancien Premier Ministre italien Giulio Andreotti. L’histoire politique a pourtant souvent démontré le contraire et l’usure du pouvoir est un phénomène bien connu, n’en déplaise à Andreotti qui, malgré ses 7 passages au Palais Chigi, l’a lui même subi de plein fouet lorsqu’il a tenté de se faire élire au Quirinal. Mais comme tout phénomène a ses contre exemples, le Premier Ministre portugais peut méditer cette maxime et se dire que, décidément, elle s’applique très bien à lui. Dimanche dernier, il a obtenu un troisième mandat suite à la victoire du PS lors des législatives. Mais le fait remarquable est sa progression constante au fil des élections comme si, loin de s’user, il se bonifiait avec les années passées au pouvoir. De 86 sièges en 2015 puis 108 en 2019, le Parti Socialiste sera désormais nanti de 119 sièges dans la nouvelle Assemblée ce qui lui offre, pour la première fois depuis son retour au pouvoir, une majorité absolue.

Avec 41.7% – un score qui ferait rêver tous les Socialistes et Sociaux Démocrates en Europe -, le Parti Socialiste obtient donc son meilleur résultat depuis 2005. Il réalise une razzia complète en remportant le grand chelem au niveau des circonscriptions y compris des districts ruraux du Nord pourtant historiquement à droite tels que Bragance. Une véritable surprise car si les sondages plaçaient le PS légèrement devant leurs rivaux du PSD, aucun d’entre eux n’avait anticipé un tel écart de plus de douze points au final. L’erreur des instituts s’explique aisément par le fait que la participation a été beaucoup plus forte que prévu et, paradoxalement, le score serré annoncé par les enquêtes d’opinion aura poussé davantage d’électeurs à se déplacer aux urnes dans le but de reconduire un gouvernement Costa qu’ils croyaient menacé. Ce qui, au fond, est le signe le plus parlant de la satisfaction des Portugais par rapport à un Premier Ministre qui aura su tenir le gouvernail en des temps difficiles. Aux bons résultats économiques et sociaux se sera ajouté une campagne de vaccination réussie qui aura contribué à booster sa popularité.

Mais si les Socialistes obtiennent une majorité, ils le doivent également à l’effondrement de leurs anciens alliés de gauche radicale. Aussi bien la CDU que le Bloc de gauche enregistrent des résultats catastrophiques en perdant plus de la moitié de leurs sièges. A bien des égards, les Portugais n’ont pas compris l’attitude de ces partis lorsqu’ils ont refusé de voter le budget socialiste, provoquant ainsi des élections anticipées. C’est donc bien d’un vote sanction dont a été victime la gauche radicale, punie pour avoir été jugée responsable d’un scrutin vu comme inutile. Leur effondrement dans leurs fiefs historiques du Sud est tout à fait remarquable et, si une grande partie du transfert de voix s’est faite à l’avantage du PS, la frange la plus populiste de leur électorat s’est également porté sur le parti d’extrême droite Chega.

L’autre grand perdant du scrutin est Rui Rio le leader du principal partie de droite, le faussement nommé PSD. Si ce parti obtient sensiblement le même nombre de sièges qu’en 2019, la performance est néanmoins très décevante compte tenu des sondages qui les plaçaient quasiment à parité avec les Socialistes. Représentant de l’aile centriste du PSD, Rio espérait ainsi concurrencer Antonio Costa au sein de l’électorat modéré. Globalement, cette stratégie aura été un échec dans le sens où il aura eu du mal à franchement se démarquer du Premier Ministre. De surcroit, il aura ouvert un espace plus important sur son flanc droit dans une configuration où, pour la première fois depuis le retour de la démocratie, l’extrême droite aura joué un rôle réel. Sa déroute dans son fief de Porto devrait lui couter son poste et il devrait fort logiquement être remplacé par un leader plus conservateur.

Avec 7% des voix, l’extrême droite aura donc réalisé une percée importante, passant de 1 seul siège à 12. Sa campagne aux tonalités radicales, se focalisant sur des attaques xénophobes contre les Roms et des propos méprisants vis à vis des bénéficiaires de l’aile sociale, est assez inédite au Portugal. Il est triste mais sans doute inévitable de voir disparaitre ce qui constituait l’exception portugaise en Europe avec un pays jusque là quasiment préservé de l’extrême droite. Chega réalise l’essentiel de ses bons scores dans le Sud du pays, notamment à Faro l’un des fiefs de la gauche radicale ce qui laisse à imaginer des transferts de voix de l’extrême gauche vers l’extrême droite. Autre parti qui progresse fortement, les libertariens de l’initiative libérale qui, avec un discours très à droite sur le plan économique, ont sans doute couté quelques voix précieuses au PSD en le privant d’une partie de son aile droitière.

Au final, la majorité obtenue par Antonio Costa est une bonne chose dans la perspective de la gestion des fonds européens que va recevoir le Portugal dans le cadre du plan de relance. Elle va permettre au Premier Ministre d’avoir les coudées franches en cette période si importante. Mais Costa a prévenu qu’il n’entendait pas cesser de discuter avec les autres partis. Il est vrai qu’il devra pour la première fois assumer seul le poids des responsabilités. En espérant que cela ne viendra pas ébranler sa belle assurance et ne démentira pas une nouvelle fois Andreotti et sa maxime.

Sebastien Poupon
Sebastien Poupon
Membre du bureau national de SLE, chargé de l’analyse politique.

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14 Commentaires

  1. Merci Sébastien pour cette claire analyse. Meilleurs vœux de succès au nouveau Gouvernement Costa, qui a eu le courage de ne pas s’être laissé abuser par les « frondeurs » et d’avoir finalement gagné son pari. Les Portugais sont sages, même s’ils se « normalisent » en Europe en ce qui concerne l’extrême droite

  2. Puisque le travail c’est la santé, faisons travailler les fachos… Comme ça ils foutront la paix aux autres, ils nous épargneront leurs violences, leurs coups pourris, leur culture s’il est possible d’en parler ainsi… Cela nous éviterait de les voir pourrir l’audimat et de monopoliser nos plateaux TV, ils pourraient garder leur angoisse, leur stress, et la peur qu’ils propagent dans la société. Il faudrait surtout les employer pour ramasser des feuilles ou curer les chiottes et leur éviter d’accéder à des postes stratégiques dans l’armée ou à responsabilité dans les entreprises. Pour un peu, ils finiraient même par ne pas nous manquer et tombant ainsi dans l’oubli, l’humanité retrouverait sa sérénité. Il est vrai que depuis le temps qu’ils pourrissent la société, fleurissant sur les fantômes de la guerre d’Algérie, d’Indochine ou d’ailleurs en disséminant les graines de la haine de partout, toujours prompts aux pires alliances avec les dictateurs de tout pays quand il s’agit d’accéder au pouvoir, nous verserons peut-être une larme quand ils auront définitivement disparus de la nature humaine. Peut-être aurons t’ils eu le loisir de se créer leur propre camp, où ils pourront se reproduire à volonté… Ils pourront ainsi s’enrichir à loisir.
    Les humains pourront alors enfin vivre en paix.

  3. Le plus formidable, c’est que, en France, personne n’a seulement mentionné cette victoire de Antonio Costa, un entrefilet de 15 sec. sur Arte. Point barre. Le. reste des médias ne connait pas le Portugal

    • Merci, une fois de plus, pour la pertinence de votre remarque, qui met le doigt sur une consternante lacune en termes d’information.

      Or, il y a un an, au niveau ministériel, le Portugal occupait le fauteuil de la présidence (tournante) du Conseil de l’UE, comme la France y a accédé en ce début d’année. Et le bilan de ce mandat est loin d’être négatif – puisque, parmi les avancées enregistrées à ce titre, on peut compter, entre autres, l’investissement de « Lisbonne » en vue de l’adoption de la « loi » européenne sur le climat, le lancement concret de la Conférence sur l’avenir de l’Europe,le renforcement de « l’autonomie stratégique » de l’UE dans les relations avec le reste du monde,à l’instar d’un long dialogue entrepris avec les partenaires africains sur le thème de la transition « verte »… et, surtout, l’organisation du Sommet de Porto pour la relance d’une « Europe sociale ».
      Espérons que la continuité incarnée par le succès d’Antonio Costa contribuera à pallier les nuisances de la « mémoire courte ».

      • Merci Gérard de souligner ce que j’ai voulu relever.
        Et je suis bien placée pour vous dire que même si le Portugal est un petit pays, il a fait des progrès considérables, ces dernières années… dans plein de domaines
        Pour cette victoire éclatante de António Costa, qui , après 6 ans de pouvoir, obtient une majorité absolue, il faut le mettre à l’actif de sa gouvernance, de son caractère calme et rassurant, de sa finesse de vision . Bref, la simplicité et la discipline des gens d’ici ont aidé Costa à appliquer vite et bien les mesures pour lutter contre les difficultes de la pandémie.
        Avec tant de Portugais, ou descendants de Portugais installés en France, les médias français pourraient s’intéresser de temps en temps à ce qui s’y passe.
        Mais en France, le dernier sport à la mode, c’est de s’engueuler, de
        se dénigrer, de faire des clans, de râler pour tout un tas de choses, bref on se croirait parfois au bord de la guerre civile, du moins quand on est éloigné et avec la télé comme relais…triste pour un pays considéré comme riche!

        • Ainsi la culture Celte fût détruite lors de la bataille d’Alesia… Vercingétorix y rendit les armes, les nazis de l’époque prirent le pouvoir et régnèrent en maître. Ils renversèrent les valeurs, les Dieux, les mots, l’Alphabet… Ce fût le grand renversement, le grand remplacement de l’époque.. Le travail devint une Torture, occultant le soin à l’origine de son étymologie.. Effacer, gommer, déboulonner, oublier… Vae victis…
          Edgar Morin dit que ce n’est pas le tout de vaincre, il faut briser, humilier, porter aux gémonies pour gagner en hégémonie, c’est une façon d’échapper à la mort, de devenir un Dieu immortel, utilisant le terme d’anthropocosmomorphisation dans « l’homme et la mort ».
          « Le dernier sport à la mode, c’est de s’engueuler… ». Oh non, détrompez-vous et cette désunion aura déjà couté bien cher a la France, passée maître dans l’art de détruire ses meilleurs éléments ou de perdre une bataille gagnée d’avance.
          On prend les mêmes et on recommence. L’anneau du pouvoir rend fou et j’ai tendance à croire que l’orgueil nous tuera tous.
          Mais il reste l’espérance qu’un jour, nous puissions nous entendre, nous écouter. C’est là le thème de l’Antéchrist.

  4. Très peu d »actualité européenne au niveau national, on ne peu que le déplorer ?
    Heureusement qu’il y a les chaînes ARTE et LCP.
    Monsieur Antonio COSTA devrait plutôt servir de modèle pour enrichir le débat actuel qui est pour l’instant d’une médiocrité consternante.
    Pas de traitement de fond des problèmes que rencontre depuis de nombreuses années la société française (sécurité, maison de retraite, islamisme, drogue), nos autorités se cachent s’en arrêt derrière des rapports et des commissions, rien n’avancent, que d’incompétence ?
    Il faut rétablir la culture du contrôle et de la responsabilisation, ceux sont les seules voies pour rétablir la confiance.

  5. A écouter tous les populistes, les nationalistes et les « identitaires », l’Europe est une catastrophe et un échec. Alors si l’identité Européenne c’est de claquer la porte au nez de tous ceux qui crèvent de faim et de froid, effectivement je ne me sens pas Européen. La submersion migratoire invoqué par Zemmour ou Lepen n’est qu’une vaste fumisterie qui couvre leur indifférence et le mépris de l’altérité. L’Europe qu’ils ne cessent de vouloir saboter en crachant dans la soupe pour mieux se l’approprier n’est pas en proie à la submersion. Le vrai danger ce sont eux, ceux là même qui prônent la division, toujours prompts a dénigrer, raboter, dévaloriser l’esprit de Simone Veil ou de Jean Monet. Vous pourrez construire vos murs ou grillager, la misère essaiera toujours de trouver un refuge et la solution n’est ni dans l’enfermement, ni dans le repli sur soi.
    Il existe encore de la résistance et un éclairage de part ce Monde. Les Portugais en sont la preuve.
    Zemmour le visage de la France ? Mon Dieu…. Le concernant les pélerinages à Sainte Sophie ne lui servent à rien, c’est juste du temps de perdu et pour un « homme cultivé », il n’aura retiré aucun enseignement de la philosophie. Et ce ne sont pas les girouettes républicaines, ni a droite, ni a gauche, qui nous montrerons le chemin. Ils ne connaissent que le chemin de leur intérêt.

    • Il paraîtrait même qu’il y a des Nazis autour de Lepen et de Zemmour…. Elle devrait être entendu par l’armée, la gendarmerie… Non ? Ah….

      • Mais il est vrai qu’il est tout de même plus facile de rentrer dans l’intimité des autres… Pour le peu, j’aurais l’impression de recevoir un cours d’éthique, de morale, de vertu et de l’écologie de l’existence… Qu’elle s’occupe de son intimité, la mienne m’appartient. Et après ça, elle s’appropriera quoi ? Dehors les Lepen, Zemmour, Deux vils y est, et compagnie. Ils ne représentent aucunement le visage de la France, encore moins de l’Europe.

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