Un parti qui ne sait pas prendre parti

Le Parti Socialiste vient de nous offrir un curieux spectacle à l’occasion des élections: celui d’un groupe de gens pour lesquels sauver les apparences d’une entente cordiale est plus important que de remporter une élection.

Depuis la défaite fleurissent en interne les explications, retombant toujours sur le thème: « on a pas travaillé », « on avait pas de programme ». Ah?

Considérons un instant la situation dans laquelle se trouvait le PS quelques temps avant la campagne: adversaire d’un gouvernement impopulaire, il bénéficiait d’un terrain favorable par effet de retour de balancier. Engagé dans une grande coalition européenne avec les autres partis socialistes, il pouvait créer l’évènement et dominer le contenu de la campagne. Bénéficiaire d’un programme commun très fouillé, le Manifesto, il pouvait faire valoir des mesures concrètes et ambitieuses, à mille lieux d’un catalogue de bonnes intentions auxquelles plus personne ne croit. Avec en réserve un candidat à la tête de la Commission, il était possible de politiser l’élection européenne comme jamais auparavant et attiser l’intérêt de tous ceux qui se détournaient d’un scrutin sans enjeux compréhensible. Avec la perspective d’un emprunt et d’un plan de relance européen, avec une Commission qui tient sa légitimité et sa feuille de route du Parlement européen, il pouvait prétendre faire passer l’Europe au-delà de son état de « machin » technocratique. Pour un parti qui n’a pas travaillé et qui n’a pas de programme, ce n’est pas si mal (merci le PSE).

Position enviable, donc. Mais le PS s’est vertement refusé à parler d’Europe, et ce sont les écologistes, plus avertis, qui firent figure de renouveau européen pour les électeurs. Une absence de campagne initiale s’est poursuivie par un appel au vote sanction anti-Sarko, puis au vote utile.

On peut s’étonner de cette campagne à contre-temps. En effet il semble assez évident que la possibilité de sanctionner le gouvernement était bien intégrée par les électeurs, depuis le temps qu’elle ressort à chaque élection. Il n’y avait pas sur ce thème de quoi faire bouger les lignes par rapport au paysage d’avant campagne, or celui-ci n’était pas bon pour le PS. Quant au vote utile, dans une proportionnelle à un seul tour elle se révélait impossible à vendre sur les marchés. Tant et si bien que le vote sanction a eu lieu (Sarkozy pèse 28% sans personne derrière lui, la gauche est nettement majoritaire) mais que le PS n’en a récolté aucun fruit.

Comment en est-on arrivé là? Mauvaise appréciation des réserves de dynamiques possibles dans la campagne (incompétence, autrement dit)? Mais dans ce cas pourquoi ne pas analyser après coup la campagne d’Europe-Ecologie et en tirer les leçons au vu des atouts initiaux du PS?

Plus simplement, la vie du PS s’est concentrée autour d’un modus vivendi permettant à ses dirigeants de ne pas s’affronter ouvertement, en attendant l’occasion de le faire pour de bon. Ce que faisait François Hollande en réunissant tous les courants et en fuyant les débats, le PS l’a refait en petit en rassemblant une courte majorité de gens en désaccord sur le fond, mais prêts à vivre ensemble – après quoi l’unité de façade générale n’a pas tardé à se reconstituer. Or l’apparence ne tient que si on évite de désavouer qui que ce soit sur quelque sujet que ce soit, et donc de trancher quelque question qui vienne. Et le Manifesto a posé problème au sein de la direction du PS. Ardemment souhaité par la première secrétaire, il a été accueilli avec des moues et des cris dans son attelage gauche. Sur l’air de « ça ne suffit pas, ce n’est pas assez », le PS s’est concocté un programme supplémentaire, qui n’engage aucun autre parti socialiste d’Europe.

Dès lors, dilemme. Faut-il faire campagne sur une plateforme du PSE ou sur un programme du PS national? Est-il possible de trouver une ligne de conduite qui ne fasse perdre la face à personne?

Solution: Ne pas faire campagne sur l’Europe.

Et encore bravo.

Tonio

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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