Transparence fiscale : un petit pas de géant

Enfin ! La Commission, le Conseil et le Parlement tombent d’accord sur la transparence fiscale des grandes entreprises : elles devront déclarer dans quels pays elles réalisent leur chiffre d’affaire et leurs bénéfices, ainsi que le nombre d’employés !

Il aura fallu pas moins de cinq années pour que cette proposition aboutisse mais elle constitue une avancée déterminante. La transparence est une première étape fondamentale dans la surveillance des pratiques fiscales des entreprises, parce qu’elle permet aux autorités fiscales de vérifier la cohérence des déclarations qui leur sont faites et de l’activité supposée dans chaque pays. Sauvons l’Europe est mobilisée dans ce combat pour la transparence fiscale depuis des années.

Tout n’est pas rose cependant. La proposition arrive en fin de parcours un peu épuisée d’avoir dû produire un consensus au niveau des Etats membres.

Premier écueil : cette nouvelle obligation s’applique aux entreprises ayant un chiffres d’affaires de plus de 750 millions d’euros. Elles ne sont pas si nombreuses, et pour une simple obligation déclarative on peut se demander si la barre n’est pas un peu haute. On se le demanderait à raison. Ne sont donc visées que les très grandes entreprises.

Second écueil, plus scandaleux : l’obligation de déclarer pays par pays ne concerne que les pays européens, les pays sur la liste noire des paradis fiscaux, et le reste du monde peut être déclaré en bloc. Or léger problème : la liste noire des paradis fiscaux est vide, ou peu s’en faut. A l’heure actuelle, cette décision est donc quasi-restreinte à l’intérieur de l’Europe, et les organisations spécialistes de l’évasion fiscales hurlent d’un bel ensemble.

Prenons un peu de recul cependant. Le problème essentiel de l’évasion fiscale est lié en pratique à quelques pays européens : l’Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg et à un moindre degré la Belgique et Malte. Ils présentent beaucoup des caractéristiques des paradis fiscaux, mais donnent en plus la sécurité financière et légale d’appartenir à l’Union européenne. Ils aspirent donc beaucoup plus de matière fiscale que des lieux plus exotiques. Ces pays ne sont pas sur la liste européenne des paradis fiscaux parce que les pays membres ne peuvent y être. C’est la règle du jeu. Mais ils sont désormais dans la liste des déclarations obligatoires de transparence fiscale. L’accord obtenu cette semaine est donc loin, très loin d’être symbolique.

Enfin, ne négligeons pas la vertu des premiers pas. Il n’est certes pas très volontaire et met à peine le bout du soulier au-delà du seuil de la maison européenne. Mais les chaussures et le pardessus sont mis. Dans les années à venir, qui peuvent être longues, il suffira d’élargir la liste des pays concernés et de baisser un peu le niveau minimal du chiffre d’affaire. En attendant, les règles sont en place et elles s’appliquent aux paradis fiscaux internes à l’Europe.

C’est un petit pas bien timide, mais c’est un pas de géant.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. D’accord pour dire que, du point de vue de SLE, ce petit pas est un pas de géant. Malheureusement, du point de vue du dérèglement climatique, ce petit pas qui a pris 5 ans, dites-vous, est aussi un pas de géant pour nous rapprocher de cet apocalypse climatique. Alors, SLE, secouons-nous pour réclamer une justice fiscale à la hauteur de ces enjeux climatiques qui nous concernent dès aujourd’hui. Merci

    • Comme vous avez raison, à pas de tortue, on arrivera trop tard au « fameux » sauvetage de la planète.
      D’ailleurs, elle, elle s’en sortira !

      Mais pas nous…
      Danielle Foucaut Dinis

  2. Arthur a raison, c’est un (petit- pas de géant. Surtout, par une heureuse coïncidence, cette proposition arrive au moment où le G7 Finances adopte un dispositif d’imposition minimale à 15% pour les multinationales et de re-distribution de cette taxation entre les pays au prorata des chiffres d’affaires réalisés. Ces deux mesures marquent le vrai début d’une mondialisation fiscale, pendant indispensable de la mondialisation et de al libéralisation des échanges.

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