Taxe internationale : Lafayette, nous voilà !

Ce samedi, le G7 a fixé un cap majeur en matière de taxation internationale, en visant un impôt sur les sociétés minimal de 15%. C’est une déclaration d’intention fondamentale qui va dominer les discussions sur le thème pour les années à venir.

Ce n’est pas vraiment un traité, mais un engagement moral que les Etats présents ont pris les uns envers les autres. Toutefois le coeur technique du sujet, à savoir les normes de l’OCDE et le droit européen, rassemblent beaucoup d’acteurs et se modifient à l’unanimité, et l’on devine donc que les choses seront plus compliquées. L’Irlande, au coeur du système mondial d’évasion fiscale, a reçu l’annonce avec beaucoup de froideur. Son degré de coopération potentiel peut d’ailleurs se mesurer à ce qu’elle est un des très rares Etats à ne pas avoir rejoint le Parquet Européen pour la vérification de l’absence de détournement des fonds européens.

On aura déjà noté que Joe Biden avait proposé un seuil à 25%, puis 21%, et a dû réduire à 15% devant l’absence de soutien public de la France et de l’Allemagne. Ce seuil de 15% n’est pas grotesque car contrairement aux taux officiels affichés, on observe régulièrement que les taxes réellement versées par les transnationales en Irlande sont de l’ordre de 0% à 4%. En forçant un taux réel de 15%, l’écart se réduirait avec les systèmes fiscaux où le taux est supérieur, et donc l’utilité de mettre en place des usines à gaz pour détourner les bases fiscales.

Comment avancer donc, dès lors que l’OCDE est en pratique bloqué dans sa mise en application, chaque Etat étant laissé libre d’appliquer les nouvelles normes ou non, et que le sujet est emboué en Europe dans la question de l’unanimité ?

C’est le second élément de l' »accord » du G7, que nous pourrons résumer par : harceler les paradis fiscaux. Les Etats présents prévoient d’appliquer unilatéralement la différence avec ce seuil de 15% aux profits liés aux ventes sur leur sol, lorsque le pays où ils sont déclarés pratique un taux inférieur. En faisant cela, même imparfaitement, on crée une pression internationale à la fois sur les Etats et sur les entreprises.

C’est très exactement la « Lafayette Tax Alliance » que nous préconisions en 2014 lorsque nous avions rencontré Charles Rivkin, ministre du Commerce d’Obama. Nous proposions la mise en pace d’une coopération transatlantique entre Etats volontaires pour fixer des normes communes en matière de localisation des profits, et la création d’une agence fiscale entre les pays européens concernés pour analyser les pratiques fiscales individuelles des grandes entreprises.

Alors donc, quel chemin ? Le droit français dispose d’un article du code des impôts en ce sens, mais il est peu mis en œuvre et surtout exclut les pays européens. Il va donc falloir trouver d’autres voies, quitte à ce qu’elles soient juridiquement contestables. Les contentieux ne sont pas seulement un moyen technique d’arbitrage, ils sont également un des champs du conflit. On n’avance que si on se bat en terrain incertain.

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5 Commentaires

  1. C’est une « victoire » à la Pyrrhus…un, parce que le taux est beaucoup trop bas, deux et c’est plus grave, on ne sortira pas de ce bourbier européen avec cette règle mortifère de l’unanimité ! Il y en a marre, l’Europe ne sera jamais une puissance digne de ce nom face aux ogres chinois, US et autres, laquelle continue à ne pas nommer clairement les paradis fiscaux que sont l’Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, Malte et j’en oublie. Pour moi, certes on a discuté mais on n’a toujours pas avancé d’un iota. IL FAUT CHANGER ABSOLUMENT LES RÈGLES EUROPÉENNES ET ARRÊTER AVEC L’UNANIMITÉ,

  2. Il serait intéressant si SlE pouvait nous produire un comparatif, même sommaire, avec ce que pourrait être l’application de la taxe dite « Tobin » sur les transactions financières internationales et dont on parle depuis des lustres. D’avance merci.

    • Bonjour,
      Il est difficile de mettre des ordres de grandeur, tant les détails font varier les sommes considérées. Disons ici qu’une taxe Tobin ne porte pas sur la même matière fiscale que l’impôt sur les sociétés et n’entraîne pas les mêmes conséquences sur la localisation mondiale des profits. Le sujet impôt des sociétés est quelque part plus large, car il touche l’ensemble des secteurs d’activités et pas seulement la finance.

  3. J’ai bien peur que rien ne soit résolu, qu’il va y avoir des techniques qui seront élaborées pour contourner cet accord.
    Je rejoins le premier commentaire ci-dessus, tant que nous ne seront pas arrivé à mettre en place une nation européenne, nous subirons le dictat des entreprises internationnales et des puissances mondiales (puisque nous, nous ne voulons pas en êtres ?).

  4. Plusieurs états aux USA sont aussi des paradis fiscaux. Un peu facile pour eux d’attaquer exclusivement ceux européens…

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