Retour sur le Banquet européen à Bruxelles le samedi 19 octobre 2019

Vous avez raté le Banquet européen à Bruxelles le samedi 19 octobre 2019 ? Pas de panique ! Nicole Fondeneige vous permet le revivre comme si vous y étiez par la magie de son compte-rendu !

Malgré la grève des trains qui a empêché plusieurs participants de se déplacer, le « Banquet européen » qui s’est tenu à Bruxelles le samedi 19 octobre 2019 a réuni 22 participants, tous passionnés par les interventions d’experts autour de trois thèmes liés à l’actualité européenne : élections et nouvelle législature, la PAC, le Brexit.

Après le mot d’accueil de Gérard Vernier, co-animateur avec Brigitte Tout de « Sauvons l’Europe » en Belgique, tous deux organisateurs de la rencontre, Fabien Chevalier, président de « Sauvons l’Europe », a introduit la journée en rappelant l’historique de cette initiative née en 2005 après le rejet en France par référendum du Traité instituant une constitution européenne. Puis il a présenté le site web, tenu de façon très réactive par Arthur Colin, et la lettre d’information, distribuée à 50 000 lecteurs abonnés, à la rédaction de laquelle participent différents contributeurs.

Fabien Chevalier a également souligné la contribution du site à de nouvelles formes d’engagement telles que les pétitions en ligne ainsi qu’à le recherche de résultats concrets, comme en témoigne la campagne en faveur de la taxation des GAFA.

Henri Lastenouse, secrétaire général de l’association, a présenté les intervenants et modéré le débat.

Lorenzo Consoli, correspondant européen de l’agence de presse italienne « Apcom » et président de l’association de la presse internationale à Bruxelles, a exposé à chaud les conclusions du Conseil européen des 17 et 18 octobre. Malgré ce qu’on pouvait penser, les discussions se sont déroulées plus vite que prévu sur le Brexit et la Turquie, mais se sont éternisées sur l’élargissement de l’UE vers l’Albanie et la Macédoine du Nord. Une discussion importante sur le climat est prévue au Conseil européen de décembre. A plusieurs reprises dans la journée, la question a été soulevée de la puissance de l’Europe à l’heure où les USA retirent leurs troupes en Syrie, ignorent l’UE et même l’OTAN. Le débat sur la défense européenne est essentiel car il affecte notre sécurité interne. Il est apparu que la trêve de cinq jours négociée avec la Turquie est une stratégie pour éviter les sanctions et pour contrer les Kurdes. Une puissance normative fondée sur le droit, dont la valeur essentielle est la paix, ne peut se faire entendre si elle n’est pas soutenue par une puissance militaire de défense. Malgré d’autres priorités chez nos concitoyens (économie et social…), la trahison à l’égard des Kurdes est ressentie comme une honte. Il a été rappelé que l’UE a une union douanière avec la Turquie et que des mesures peuvent être prises dans ce cadre.

Sur le Brexit, on constate peu de changements entre l’accord accepté par Boris Johnson et celui négocié avec Theresa May : l’Ulster reste dans l’union douanière britannique, mais aussi dans l’UE, les contrôles douaniers se faisant dans le port d’entrée dans l’Ulster. Cependant le dispositif est soumis au vote du Parlement d’Ulster, ce qui est un grand changement car il pourrait abolir le « backstop » . Sont maintenus les garanties pour les citoyens, la sécurité juridique, l’accord financier. Mais les questions concrètes sont loin d’être résolues : par exemple, quels droits de douane seront appliqués au bœuf irlandais exporté au RU ? Il est important que l’île d’Irlande reste dans son ensemble soumise à des normes vétérinaires uniques, le contrôle normatif restant aussi important que le contrôle douanier.

En considération des difficultés récemment rencontrées avec certains pays d’Europe centrale, l’approfondissement est souhaité par la France et par l’Allemagne avant l’élargissement à l’Albanie et la Macédoine du Nord ; pourtant les deux pays ont respecté leurs engagements pour démarrer les négociations. Le problème est à analyser dans une perspective géo-politique car d’autres puissances sont prêtes à leur faire une place : la Russie, la Turquie, la Chine…

La nomination de la nouvelle Commission est retardée. Le Parlement européen n’a pas apprécié le non-respect par le Conseil européen du processus des « spizenkandidaten », qui n’a pourtant aucun caractère obligatoire… Chacun des groupes politiques s’est vu refuser un candidat commissaire. Mais c’est aussi la question de l’envergure des portefeuilles qui est en jeu. Le portefeuille réservé à la France est imposant et la question est de savoir qui le Président Macron va proposer à nouveau, et si l’intégralité du portefeuille initialement prévu pour Sylvie Goulard doit être maintenue.

Xavier Dutrénit, conseiller politique au groupe S&D du Parlement européen, a présenté une analyse fine de la composition du nouveau Parlement européen en soulignant que 63 % des élus en sont à leur premier mandat :

  • le PPE (182 sièges) a perdu de son influence, la part des députés de l’Europe de l’Est est plus importante,
  • au PSE (154 sièges) : avec un plus faible nombre des élus SPD, il n’y a plus de délégation dominante, nombre de députés ne sont pas issus de partis socialistes (exemple des Français)
  • dans le groupe Renew (108 sièges) dominent les Français et les Roumains, mais E. Macron et D. Ciolos n’ont pas la même vision européenne,
  • dans le groupe des Verts (74 sièges) dominent des Français et des Allemands, mais avec des visions hétéroclites.

La définition du périmètre des portefeuilles des nouveaux commissaires, dont celui du commissaire français, mais pas seulement : hongrois, grec, italien …, pose aussi problème (est-ce seulement un problème d’affichage ?), de même que les rapports entre les trois vice-présidents exécutifs. Il a été souligné aussi que tout candidat socialiste roumain aura un problème pour se justifier et qu’un tiers du groupe S&D n’a pas voté en faveur de Mme Ursula von der Leyen.

Avec l’argent que le RU ne versera plus, va se poser un problème pour le budget. 25 % du budget européen sera consacré à des actions concernant le changement de climat avec la nécessité de trouver de nouvelles ressources et de changer le paradigme économique : investissements verts, taxonomie (et pas seulement du « green-washing »). Sera-t-il possible de comptabiliser différemment les investissements verts au regard de la discipline budgétaire ?

Jacques Loyau, assistant parlementaire d’Eric Andrieu, député européen, (« Monsieur « agriculture » des parlementaires du groupe socialiste depuis 1984 ») a rappelé que l’agriculture est la première politique européenne, à la fois historiquement et quantitativement. Mais une partie seulement est consacrée à l’alimentation. La PAC ne pèse pas grand-chose dans le revenu des agriculteurs et leur malaise social se traduit par un sentiment d’abandon et par un vote en faveur de l’extrême-droite. De plus, la production productiviste, aidée par des technologies nouvelles, modifie le fonctionnement et l’environnement de l’agriculture et a des conséquences au niveau de la qualité. Consommateurs et citoyens sont de plus en plus exigeants sur l’origine des produits qu’ils consomment et leur qualité nutritive. Toutefois, le défi alimentaire reste présent : 10 à 15 % de la population de l’UE a du mal à se nourrir, sans oublier ce qu’il en est à l’échelle de la planète. C’est aussi un enjeu environnemental et climatique avec des problèmes de dégradation de la ressource, un patrimoine dévalorisé. Il faut repenser les objectifs de la PAC, c’est un modèle de développement qui a atteint ses limites au niveau alimentaire, environnemental, climatique, territorial, en ayant en tête que dans ce secteur les emplois ne sont pas délocalisables.

Historiquement, jusqu’en 1980, les enjeux étaient quantitatifs, puis en 1992, suite au problème causé par les excédents, les prix européens ont été rapprochés des prix des marchés internationaux, très instables et volatils, d’où une compensation par des aides directes où le contribuable s’est substitué au consommateur. L’élargissement de l’UE a diversifié la production agricole. Deux piliers sont distincts : le premier pilier est constitué par des aides directes et le deuxième pilier vise un développement rural durable. Récemment, la Commission a proposé aux Etats membres une gestion directe de la PAC, donc une renationalisation et des risques de divergence. Actuellement, les agriculteurs des différents pays sont en concurrence ; il faut remettre dans ce domaine du collectif et de la solidarité. Les associations de consommateurs et les communes prennent le relais du débat. Lors de son audition, le commissaire pressenti pour l’agriculture (Janusz Wojciechowski) a montré qu’il avait une vision très libérale de son domaine, sans stratégie et objectif de stabilité à long terme. Or actuellement, l’indépendance de l’UE peut être menacée quant à ses importations de protéines pour l’alimentation des animaux, de même que pour les engrais azotés. Il y a un problème des acteurs de la chaîne agro-industrielle, dans laquelle la valeur ajoutée est très mal répartie. Il faut réadapter les règles de la concurrence et intégrer une dimension environnementale.

Une réforme a été mise sur la table en juin 2018, mais pour aboutir, il faut deux ans de négociations avec le Parlement européen. Il est nécessaire de mettre en cohérence plusieurs outils européens, de revoir ensemble la politique de la recherche, la politique de voisinage, la politique commerciale dans un contexte de risque de guerre commerciale avec les USA, de politique expansionniste de la Chine et d’appliquer le principe de « pollueur-payeur » sur les importations alimentaires.

Pour finir cette rencontre passionnante, enrichie par les interventions des participants, le responsable des relations avec les élus au sein du mouvement Patrick Badard a présenté la campagne initiée par «Sauvons l’Europe» et relayée par un appel paru dans le journal «Ouest-France» pour une «Union européenne des territoires». A quelques mois des élections municipales françaises, sept propositions simples sont exposées afin de «faire vivre le projet européen au coeur de la vie quotidienne des nos concitoyennes et concitoyens». Les listes qui s’engageront dans cette démarche seront référencées et labellisées « engagées pour l’Union Européenne des territoires, avec Sauvons l’Europe ».

En complément, Arthur Colin a présenté quelques propositions afin de conforter la « démocratie participative en Europe ».

 

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2 Commentaires

  1. Merci pour ce compte-rendu excellent, fort utile à ceux qui n’étaient pas à ce banquet, et qui donne notamment une bonne vue d’ensemble des rapports de force au sein du Parlement européen.

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