Première rencontre avec Aube Dorée

Un récit de la rencontre avec les militants d’Aube dorée montre qu’il ne s’agit pas du cliché du militant nazi avec ses bottes et ses cheveux rasés. La présence de citoyens de tous horizons dans un tel parti doit inquiéter, car cela confirme les deux points évoqués dans un article précédent : la tolérance à la violence s’accroît en situation de crise.

Ça y est, j’y suis, le plus grand « Quartier Général » d’Aube Dorée en Grèce est devant moi. Celui-ci fait face à la station de train de Larissa, à l’Ouest d’Athènes. Immeuble de cinq étages entièrement aménagé par « Chrysi Avgi ». Grand drapeau rouge et noir au premier étage bien en vue. En face de cette enceinte se trouve aussi un mur avec plusieurs croix fasciste peintes en tag. Le parti loue les locaux (info perso) et sont en retard de 2 mois sur les paiements mensuels, pour être encore plus précis. Quartier assez pauvre, beaucoup d’immigrés. Je n’ai d’ailleurs pas choisi le costard pour les rencontrer. Pas assez « peuple »…

Une trentaine de grecs attend devant une porte assez étroite par rapport à la taille imposante du bâtiment. Tous types de personnes et personnalités sont présentes… Cela va de la petite famille papa – maman – fillette (semblant assez pauvres de par leurs habits), en passant par des couples de « chopper » qui arrivent, toutes Harley Davidson pétaradantes (2 ou 3 couples de ce type), des hommes vêtus de gros blousons de cuir, d’autres mecs barbus et aux cranes rasés qui pourraient postuler pour être vigiles de discothèques, mais aussi des grecs « on ne peut plus normaux » (aucunement reconnaissables par leur apparence physique et par leur apparence vestimentaire), une femme avec sa fille aux regards aussi jovials qu’aux cuisses en évidence, un jeune homme habillé en survêtement sport qui sera d’ailleurs le premier ici avec qui j’échangerai trois mots, deux grandes blondes peroxydées en pantalons de cuir (de type sado-maso il nous faut l’avouer…) ayant de grandes inscriptions « Chrysi Avgi » imprimées sur leurs vestes militaires ultra cintrées, et pour finir un groupe de petits vieux grecs avec leurs cigares. C’est ce qui s’appelle une foule hétéroclite…

Dans l’ensemble ce sont des personnes à l’apparence assez modeste. Je crois d’ailleurs au départ à une soupe populaire… Beaucoup de femmes. Je suis surpris. Pas beaucoup, au final, de personnes de type néo-nazi. Quasiment pas du tout d’ailleurs, à part un ou deux blousons cuir avec « rangers » qui font rouler des mécaniques. Je demande à tout hasard si l’on ne connaîtrait ici pas des gens que j’avais eus au téléphone, en indiquant par exemple le nom d’une dite « Marilana » qui m’avait donné rendez-vous là. J’explique rapidement ma situation, je me dépêche aussi de préciser devant les regards insistants le fait que je suis assez patriote dans mon pays, que je viens de La Sorbonne, que je ne suis surtout pas journaliste, et que je viens réaliser une enquête « neutre » à propos de l’organisation de leur parti. Leur parti que j’étudierai d’ailleurs comme un parti ordinaire, en ne me focalisant pas du tout sur l’idéologie. Ça leur plaît. Apparemment du moins.

On vient me chercher: c’est un grand barbu de la sécurité qui aurait pu jouer dans le film « 300 » qui débarque. Le spartiate fait rapidement entrer l’enquêteur ravi que je suis à cet instant en grandes pompes, devant tout le monde. Les gens se demandent qui je suis, et ont l’air de tous se connaître. Je découvre alors beaucoup de monde agglutiné dans le couloir, et quant à moi je suis toujours de près mon barbu. On monte ainsi un étage, puis deux, puis trois par un petit escalier rempli de à ras bord de militants et militantes. On m’installe dans une sorte de petite pièce réservée aux dirigeants. Un homme tout de noir vêtu est assis dans la pièce, pas un mot ni un regard. Un certain Pavlos (la cinquantaine, regard malicieux, cheveux grisonnants, souriant pour l’instant) vient me voir: on discute en anglais sur le but de ma visite. Il me demande si je veux du café, j’accepte. Je veux faire le dur et prends le café le plus fort. Sans sucre.

On commence à discuter plus sérieusement avec ce dénommé Pavlos, qui est en fait apparemment le chef du district, et qui plus est le responsable de cet immeuble. Ce dernier me montre alors tout le matériel de sécurité militaire qui m’entoure, que dis-je, le véritable arsenal qui compose cette pièce : talkies-walkies ultra sophistiqués qui clignotent à ma droite, radio qui grésille à ma gauche, caméras HD à l’entrée, vigiles massifs postés sur les balcons donnant sur la rue. On m’explique que cela est nécessaire, que beaucoup de monde en veut à Aube Dorée, que deux bombes ont d’ailleurs été jetées en 2013 dans des bureaux voisins…Ambiance cordiale, mais spéciale donc. J’ai l’impression de me retrouver dans une administration kosovare en plein printemps 1995. Je suis malgré tout assez à l’aise, mais sur mes gardes, et bien gardé de toute manière! Un peu trop sur le qui-vive, je me sens d’ailleurs assez gêné et ne réponds pas exactement la vérité au moment où l’on me demande l’endroit dans lequel je réside dans Athènes (de façon à coup sûr amicale…). Pavlos me dit qu’on sera plus tranquille en bas pour parler, on repart illico, je descends un étage. On s’installe alors dans un bureau entouré par de grandes vitres, à la vue de tous les militants, qui me dévisagent du regard. Arrive un autre homme d’une trentaine d’années, amical. Très bon anglais.

On se retrouve alors rapidement seuls, lui, moi, ainsi qu’une femme blonde, svelte et francophone d’une trentaine d’années. Je lui demande si je peux lui poser quelques questions: il est heureux de répondre. Tant mieux. Je lui demande aussi si je peux écrire ou citer son nom, et il pose alors la question à un homme plus âgé: la réponse, après un court conciliabule, est favorable, « car nous n’avons rien à cacher, nous, nous sommes des hommes libres ». Au moment de commencer l’interview, sa sœur de 32 ans entre dans le bureau, blonde platine et habillée en blanc. Avant l’entretien, il me demande ma carte d’étudiant pour être sûr que je ne suis pas un journaliste français. Par chance je la sens dans ma poche. Je suis “accepté”, pour le moment.
Frantz Dhers

 

Frantz Dhers

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

Soutenez notre action !

Sauvons l'Europe doit son indépendance éditoriale à un site Internet sans publicité et grâce à l’implication de ses rédacteurs bénévoles. Cette liberté a un coût, notamment pour les frais de gestion du site. En parallèle d’une adhésion à notre association, il est possible d’effectuer un don. Chaque euro compte pour défendre une vision europrogressiste !

Articles du même auteur

1 COMMENTAIRE

  1. Bon…et la suite!
    Cet article ne nous apprend rien sur Aube Dorée.
    Ah ! si ce sont, pour la plupart de ceux que Frantz a vu, des gens ordinaires. Et ma foi, c’est parmi les gens ordinaires que les idées et comportements extrêmes se propagent.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

A lire également