Face aux crises : premiers pas d’un bouclier salarial européen

« Je vais vous dire, de là où je viens, c’est-à-dire du peuple, quand on peut prendre, on prend. » Cette phrase du personnage de fiction Philippe Rickwaert dans la série Baron noir, résume bien le regard que l’on doit avoir sur la directive européenne sur un salaire minimum, tout juste adoptée au Parlement européen le 14 septembre dernier. Ça y’est, après n’avoir été qu’une promesse incantatoire pendant des années, l’Europe sociale fait enfin ses premiers pas.

La nouvelle directive introduit le principe d’un salaire minimum européen calculé sur des bases objectives et communes aux 27 de l’Union, aux normes sociales pourtant si différentes. Cette directive revient de loin… et c’est une victoire : avec ce bouclier salarial, l’Union se dote enfin d’une base législative et contraignante. Une avancée remarquable, dans un domaine qui lui était jusqu’à présent tout simplement interdit.

Disons-le, les directives européennes manquent parfois de chair et de sensibilité… On peine souvent, à tort ou à raison d’ailleurs, à voir spontanément en quoi elles contribuent à des avancées ou des reculs. En l’espèce, cette directive-là va changer la vie de 25 millions de travailleuses et travailleurs européens qui comptent parmi les moins payés en Europe. Elle va changer le chiffre qui est écrit tous les mois en bas de la feuille de paie de celles et ceux que l’on appelle « les travailleurs pauvres », souvent des travailleuses d’ailleurs, qui s’épuisent pour un salaire de misère, parfois sans droits sociaux.

Le grand écart des minima salariaux européens (363 euros par mois en Bulgarie contre 2 313 euros au Luxembourg) devrait se réduire, contribuant du même coup à endiguer le dumping salarial. Désormais, 2/3 des États membres, par exemple la Hongrie ou la Bulgarie, seront dans l’obligation de poser les digues d’un salaire minimum décent, basé sur le seuil de pauvreté et à l’accès à un panier de biens de première nécessité. La France, même, devra montrer des signes de progression, par exemple sur la question des travailleurs des plateformes que nous avons réussi à inclure dans la directive contre cette dérive du marché du travail actuel. Elle est soumise, comme les autres, à garantir que les salaires minimums ne décrochent pas face à l’inflation galopante, en-deçà du seuil de pauvreté. Les syndicats ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et soutiennent massivement, à nos côtés, cette proposition.

Face à la tentation de l’extrême-droite qui spécule sur les crises et sur nos misères pour transformer les colères légitimes en haines, nous devons nous détourner du dogme libéral qui expose à la précarité une part de plus en plus importante du peuple européen.

C’est par des mesures comme celle-ci que nous pourrons armer les consciences et nourrir les espoirs. La réponse écologique et sociale donne ici à voir concrètement que la force publique peut, par la loi, faire œuvre de justice sociale. Le volontarisme qui nous anime pour conduire la transformation écologique de l’économie est le même que celui qui nous conduit à nous battre pour que les salaires soient désormais au cœur du débat européen.

Chaque pas compte.
Chaque avancée arrachée compte.
Et quand on peut prendre, on prend !

Mounir Satouri
Mounir Satouri
Mounir Satouri est député européen EELV, très impliqué sur les questions sociales et de défense.

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7 Commentaires

  1. En France, on s’en prends aux chômeurs et rsaistes et retraités, à moins d’un coup de force pour qu’ils changent de politique, ils en prennent pas lz chemin et plutôt le mauvais pour faire plaisir justement à la droite et extrêmes droites, on attend de voir ce gouvernement qui veut passer en force avec le 49.3et par décret.

  2. C’est un pas, oui, mais je reste très sceptique. En Allemagne le salaire minumum par heure de travail existe par lois depuis longtemps. Mais, les controles montrent toujours que beaucoup de firmes surtout dans la construction ne le respecte pas. Ils utilisent plusieurs sous-traitants avec le résultat que ceux qui font le travail touchent beacoup moins que ce minimum; souvent des pauvres venant de Bulgarie ou de Roumanie, ne parland aucum mot d’allemand… En plus La Commision europénne n’a pas de controle directe!

  3. Dans les salaires, il y a la part indirecte que sont les cotisations sociales. Est-ce que la nouvelle directive parle de salaire minimum brut ou net ? Est-ce qu’elle abroge la directive sur les travailleurs détachés qui met en concurrence les travailleurs des pays pauvres et ceux des pays mieux nantis de l’Union ? L’union européenne a constitué une énorme machine à dumping social et fiscal, pendant des années. Est-ce que la nouvelle directive va changer les choses ?

    • La route est longue et les pas que nous faisons tous sont tous trop petits pour que nous nous sortions des problèmes qui nous menacent. Ceux que nous avons nous mêmes créé par l’absence d’une vision éclairée du bien communautaire partagé entre tous en favorisant à contrario la course aux profits, qui ne profitent qu’à certains.
      Des problèmes qui demain nous submergerons tous.
      Un exemple frappant est l’incapacité de nos responsables à penser plus loin qu’à l’aune de leur mandat. Je cite C. Beaune : « L’écologie sans l’Europe n’existe pas », qui n’arrive pas à formuler simplement une équation bien trop compliquée pour lui. C’est l’Europe demain, qui n’existera plus sans écologie !
      Des «petits» profits et des «petites» carrières dont une grande majorité se satisfait depuis trop longtemps par confort et qui engendreront de grands désastres. Certains me répondront que cela dépend de l’angle de vision du verre…mais il n’est plus trop question de verre à moitié plein ou vide, mais plutôt de cruches (nous peut-être ??) qui à la fin se cassent.

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