L’Europe en campagne

 

Nous vivons des temps assez étonnants. L’usage des campagnes présidentielles es en matière d’Europe est de n’en point parler. Qu’en dire en effet? Que c’est le futur radieux qui nous attend? Autant se déclarer un lou ravi, et décalé qui plus est à l’heure de l’Europe libérale. Qu’elle égorge nos services publics? On a vite fait de passer pour un fort en gueule, mais petit bras qui ne fera rien passé le coup de gueule. Donc l’étiquette commandait la référence révérente, vite tirée pour passer aux véritables sujets d’une élection présidentielle française, la France se situant dans un espace un peu en dehors de l’Europe le temps du débat.

Cette fois-ci, il n’en est rien. L’Europe revient régulièrement à la une de la campagne, comme un chewing-gum dont personne ne parviendrait à se débarrasser.

Des socialistes indécis

François Hollande a la tâche redoutable de proposer un nouveau traité tout en acceptant le coeur du mécanisme de stabilité, indispensable à tout accord dans les conditions présentes. Il doit le faire sans apparaître ni comme un idéaliste irréaliste ni comme un père la rigueur prêt à déposer ses promesses au premier obstacle. Et bien entendu, en maintenant l’unité de ses troupes. Même pour un homme de synthèse, le pari est compliqué.

Ceci se traduit par un non-choix: l’abstention des députés socialistes sur le MES. En s’abstenant, on permet l’adoption en s’y opposant tout à la fois. Ou l’inverse. Il n’est pas certain que ces habiletés soient très bénéfiques. Si le but, en pleine campagne, était d’envoyer un message aux français, ils auront surtout compris qu’il y’a un problème. S’il fallait envoyer un message de responsabilité aux partenaires européens, qu’y ont ils lu? Et si le but était de préserver l’unité du PS sur le sujet, c’est un échec puisque les tenants de la Vraie Gauche Socialiste TM ont quand même voté contre. Retrempés dans le feu populaire de 2005, ils pouvaient difficilement sembler renoncer à une part de ce qu’ils pensent faire leur légitimité. Ainsi, la fracture européenne est tellement bien refermée au PS qu’il n’est pas même capable de s’unir sur une consigne d’abstention.

 

Un Président mythomane

 

Nicolas Sarkozy, quand il détourne un instant les yeux de la viande halal, premier sujet de préoccupation et de discussion des Français, essaye désespérément d’apparaître comme l’homme responsable de la France et de l’Europe. Du haut de son courage européen, qui consiste assez largement à plier devant les demandes du gouvernement conservateur allemand, il s’en prend à son tour à l’abstention des socialistes, et à l’occasion fabule gravement.

A trois reprises au moins (sur France 2 le 22/02, sur RTL le 27/02 puis sur France 2 à nouveau le 6/03), il prétend avoir voté des traités européens proposés par François Mitterrand alors que les socialistes se sont abstenus sur le MES. Sur RTL, la déclaration est particulièrement frappante car elle sort d’absolument nulle part au milieu d’une phrase sur le temps de travail dans les écoles:

 


VIDEO : Nicolas Sarkozy invité exceptionnel de… par rtl-fr

Nicolas Sarkozy, donc, en responsabilité, a voté le Traité de Maastricht et l’Acte Unique.

Le compte-rendu officiel du vote sur le Traité de Maastricht indique pourtant que la quasi-totalité du RPR de l’époque n’a « pas pris part au vote », y compris un certain Sarkozy, Nicolas. Que s’était-il passé ce 23 juin 1992? Embouteillage monstre devant les toilettes du Congrès? Un groupe qui se serait un peu trop attardé à la table de la cantine, absorbé par sa convivialité collective? Une panne des cars RPR pour Versailles? Aucun rapport bien entendu, contrairement aux socialistes aujourd’hui, avec un groupe RPR profondément désuni sur la question ou la volonté de ne pas décerner un point positif à un Président socialiste!

L’acte Unique ensuite a été voté par l’Assemblée Nationale le 20 novembre 1986. Sachant que Nicolas Sarkozy n’a été élu député pour la première fois qu’en juin 1988, vous expliquerez comment il a pu prendre part au vote deux ans avant.

Il serait bon que cette campagne ne dure pas trop, sinon Nicolas Sarkozy va nous expliquer avoir, en responsabilité, voté pour le Traité de Rome en 57 bien qu’il ait été présenté par Guy Mollet.

 

 Des chefs de gouvernements qui s’invitent en voisin

 

Der Spiegel nous informe d’un accord des principaux conservateurs européens, MM Merkel, Monti, Cameron et Rajoy) pour boycotter le candidat François Hollande. Ils seraient paraît-il scandalisés par la volonté dudit Hollande de renégocier un Traité que, par ailleurs, M Rajoy annonce qu’il ne respectera pas (ce qui est une solution d’élégance par rapport à l’obstacle d’une renégociation). Tous bien entendu démentent mollement, et chacun note évidemment qu’ils n’ont effectivement pas reçu François Hollande, ni prévu de le faire. Ainsi, les conservateurs européens entrent de plein pied dans la campagne présidentielle française. En d’autres temps, cela aurait provoqué des cris d’horreur  devant une évidente violation de la neutralité diplomatique et de la bienséance démocratique. La coalition allemande est d’ailleurs un peu chahutée.

Aujourd’hui, non, c’est devenu un élément du débat. Et la signification de cette innovation, au-delà d’un traité qui ne convainc pas les partenaires de Merkel, est au fond assez simple: en Europe, les Etats nationaux commencent à cesser d’être des Etats nationaux.

 

Une Europe politique en gestation

 

Depuis le temps que l’on parle de la fédéralisation de l’Europe en cours qui rendrait obsolètes les frontières nationales, on finissait à croire qu’il s’agissait d’un futur toujours remis au lendemain. Nenni! Les problèmes posés par la crise, entre solidarité européenne, austérité et contrôle de la finance, ont pour partie unifié le débat européen. Pas seulement entre chancelleries, mais au niveau des citoyens. Dans ce qui ressemble de moins en moins à un accord de copropriété et de plus en plus à un débat entre conservateurs et progressistes, les frontières nationales perdent de leur pertinence par rapport au caractère structurant des choix politiques.

Ce que la bande des quatre conservateurs cherche à protéger, ce n’est pas un traité mort-né, c’est un accord politique autour de la libéralisation des marchés et de la réduction des droits sociaux comme nouveau modèle européen. C’est également leur position nationale, et notamment pour l’Allemagne dont les élections sont proches. Les idées, les orientations passent d’un pays à l’autre sous l »effet de la crise, et il devient difficile d’ignorer ce que fait son voisin. D’une certaine manière, nous assistons dans cette campagne aux premiers signes réels de la naissance d’une Europe politique encore foutraque.

Mais à la vitesse où vont les choses, à quoi ressemblera l’Europe lors des élections de 2014?

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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3 Commentaires

  1. Ce que les chefs d’état désirent par dessus tout, c’est de garder la structure capitaliste libérale qui alimente toujours les couches les plus aisées. D’où la mise à l’écart de F.Hollande qui vient troubler ce consensus avec des préoccupations sociales qui sont bien loin de leurs désirs. Ce n’est pas parce que l’Europe se fait cahin- caha avec des alliances boîteuses et des données ultra conservatrices que nous aurons gagné en crédibilité!

    M.R.Isambert (90 ans d’expérience!)

  2. La France n’est ni de Droite ni de Gauche, elle EXISTE en tant que nation.

    Si l’on veut obtenir une majorité de citoyens européens pour militer pour une Europe fédérale (ce que je souhaite), il faut pouvoir réunir des gens de droite comme de gauche (Cf le Mouvement Européen).

    Une fois que l’on aura construit une Europe fédérale DÉMOCRATIQUE, elle EXISTERA en tant que nouvelle nation, et sera gouvernée, au rythme des alternances politiques, par la droite ou par la gauche.
    Son organisation sociale sera alors le consensus élaboré au fil du temps.
    Aucune constitution démocratique ne décrète qu’un pays est de « droite » ou de « gauche », si tant est que ces notions aient un sens universel.

  3. De sable avec une âme, l’être contemporain puise sa force, exprime ses besoins sur son espace de vie. Libre mais vulnérable, la reconnaissance, la dignité, l’espoir guident le chemin de vie. A l’épreuve des temps, la crise présente mille visages, les fléaux classiques surgissent. Et si nous donnions un élan nécessaire au changement ? Bâtir de nouveaux lieux, inventer de nouvelles structures, créer des espaces de progrès, brosser de nouveaux horizons. Plus question de tergiverser, l’être contemporain sert le – monde d’après -. Face aux défis planétaires, des mesures s’imposent aboutissant à une nouvelle – feuille de route -. En quête de justice, de reconnaissance, de morale, d’égalité et de solidarité, la lutte continue pour un monde meilleur. En osmose avec l’environnement, ouvert au cosmopolitisme, consommant local des produits réciproques, cultivant le goût de la chose publique, les penseurs universels regardent le monde ayant rendez-vous avec l’Histoire, la clé du futur refusant un modèle éphémère. Las de la radicalisation du combat des eurosceptiques, la démocratie est une victoire venue de loin. La guerre éclata, le dictateur chuta. A la colère des peuples des zones arides, la page d’Histoire tourna sous l’égide de la démocratie et de la liberté. La liberté fascine, la démocratie séduit, nos existences sont protégées. A travers ses écrits et discours, la démocratie réduit les turbulences par la voie ténue de la confiance s’inscrivant dans la continuité. Les sherpas partagent des valeurs, agissent avec sobriété, conduisent des réformes structurelles et demeurent hors du monde. Un monde nouveau est en train de naître, de nouveaux équilibres prennent place, un nouvel élan s’impulse.

    Présider, c’est prendre des décisions. Négocier, c’est surmonter les divergences. Rassembler, c’est tisser des liens.

    Pierre-Franck HERBINET soutient l’acception fédérale de la construction européenne, une écologie améliorant les conditions de vie, assure la justice dans un monde ouvert et ne tolère aucune idéologie de haine.

    Pierre-Franck HERBINET

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