Le Coup de périscope : volume 14

Tour d’horizon de l’actualité européenne du 23 au 29  janvier 2023

NB : il convient de préciser qu’outre la lecture de la presse écrite et le suivi des médias audiovisuels les informations présentées – certes de manière sélective – dans cette rubrique puisent principalement leurs sources dans les communiqués de presse des institutions de l’UE ainsi que dans les publications quotidiennes des deux précieuses agences de presse qu’incarnent l’Agence Europe et Euractiv. Des articles publiés par le think-tank EuropaNova fournissent aussi des éclairages intéressants occasionnellement pris en compte.

S’agissant d’un travail de « mémoire » et de synthèse et non d’un « reportage » en temps réel, c’est de manière délibérée que les développements qui suivent ont entendu privilégier un certain recul par rapport à la date des actes juridiques, prises de position et faits pris en considération.

Institutions

Dans le contexte du « Qatargate » impliquant des eurodéputés soupçonnés de corruption, une nouvelle prise de position s’est manifestée. Elle émane de la Médiatrice européenne, Emily O’Reilly, chargée de traiter les plaintes pour mauvaise administration déposées contre des institutions ou organes de l’UE.

Par une lettre du 27 janvier adressée à la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, la Médiatrice, invoquant sa vocation à aider ces instances à améliorer leurs pratiques en termes de responsabilité, de transparence et d’éthique, accueille favorablement les propositions énoncées à cet effet par Mme Metsola, tout en se réservant de formuler ultérieurement des observations plus détaillées à la lumière de son expérience. Ainsi, considère-t-elle que, dans la perspective de regagner la confiance du public, un élément clé du processus de réforme en cours résidera dans une transparence aussi large que possible – d’où l’importance de l’assortir d’un calendrier concernant les étapes futures et de précisions quant à la manière dont le Parlement entend donner suite aux propositions dont il s’agit. De même, Mme O’Reilly salue l’intention d’instaurer une « période de viduité » à observer par les anciens députés avant qu’ils ne s’engagent dans des activités de lobbying auprès du Parlement. Elle approuve par ailleurs les propositions destinées à accroître la visibilité au sujet des activités des parlementaires en créant une rubrique spécifique à cet effet sur le site web du Parlement européen. Elle accueille également avec intérêt l’interdiction des « groupes d’amitié » liant des eurodéputés à des pays tiers. Elle plaide enfin pour le renforcement de l’indépendance du Comité consultatif chargé de contrôler l’application du code de conduite des députés annexé au règlement intérieur du Parlement européen – d’où la pertinence de la proposition visant à exiger de leur part des déclarations d’intérêts plus détaillées.

Dans un arrêt du 25 janvier, le Tribunal de l’Union européenne, qui partage avec la Cour de justice de l’Union européenne un certain nombre de compétences en matière de contentieux – dont le contrôle de légalité des actes des institutions sur la base de recours introduits par des particuliers et des entreprises – s’est prononcé sur l’application du règlement (CE) n° 1049/2001 (JOUE L 145, 31.5.2001) relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. En l’occurrence, la plainte concernait un refus du Conseil de permettre un tel accès, pour un requérant, à des documents établis, lors d’une procédure législative (modification d’une directive), par ses groupes de travail. Le Tribunal a désavoué le Conseil, tout en ne reconnaissant pas, de manière plus générale, un droit inconditionnel en la matière au profit des citoyens européens. Selon lui, dans le cas d’espèce, ni le contenu des documents sollicités considéré comme sensible par le Conseil ni le caractère préliminaire des discussions au sein des groupes de travail ne permettent de justifier le refus incriminé.

Dans le cadre des procédures d’infraction, la Commission européenne a adopté, le 26 janvier, une série de décisions à l’encontre d’un certain nombre d’Etats membres présumés contrevenir au droit communautaire. En suivant une gradation ascendante des étapes de procédures concernées, cette initiative se répartit de la manière suivante :

  • 76 lettres de mises en demeure invitant les Etats soupçonnés à fournir une réponse détaillée dans les deux mois
  • 42 avis motivés en cas de silence du destinataire ou de réponse jugée insuffisante de sa part – cette étape impliquant une injonction de se conformer au droit dans un délai requis
  • 12 saisines de la Cour de justice de l’Union européenne.

En l’occurrence, les griefs formulés par la Commission couvrent une dizaine de domaines tels que la pêche, le marché intérieur, la justice ou les droits sociaux.

A titre d’illustration, quelques-unes de ces procédures sont évoquées ci-dessous dans la rubrique consacrée à l’environnement. Pour une vue complète, on se reportera à l’information publiée par la Commission en français via le lien suivant :

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/inf_23_142

Dans le domaine des finances publiques, par le biais d’une émission d’obligations, la Commission a levé, le 24 janvier, 5 milliards d’euros dans le cadre de l’approche unifiée en matière de financement (« syndication ») qu’elle a introduite à compter de janvier 2023. Les fonds ainsi recueillis, qui ont suscité un vif intérêt de la part des investisseurs au niveau international, seront utilisés pour financer les priorités de l’Union européenne – et plus concrètement deux programmes considérés comme primordiaux au titre de la politique d’emprunt, à savoir : « le programme de relance NextGeneration EU » et « le programme d’assistance macro-financière + » en faveur de l’Ukraine.

Etat de droit, démocratie et droits de l’homme

Le 26 janvier, le Parlement européen a consacré une séance solennelle à la commémoration des victimes de l’Holocauste en présence du président israélien, Isaac Herzog. Ce dernier a appelé à agir et à décrypter les signes avant-coureurs de la haine, tandis que la présidente du Parlement, Roberta Metsola, renouvelait l’engagement de son institution à lutter contre l’antisémitisme et, plus largement, toute forme de discrimination.

Pour sa part, dans une déclaration du même jour, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a estimé qu’il convenait de « s’inspirer de la force, du courage et de la détermination des combattants et partisans juifs insuffisamment armés qui, contre toute attente, se sont révoltés avec succès et (…) se sont battus au nom de la justice ».

Ces prises de position solennelles faisaient suite à une conférence pour la mémoire de l’Holocauste, intitulée « Se souvenir du passé, Façonner l’avenir », organisée par la Commission le 23 janvier, en partenariat, notamment, avec la présidence suédoise du Conseil. On rappellera que, le 5 octobre 2021, la Commission avait présenté la toute première stratégie de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive [COM (2021) 615] afin d’aider les pays de l’UE et la société civile à combattre l’antisémitisme. En vertu d’une approche voisine, la Commission et les Etats membres s’étaient par ailleurs engagés à lutter contre l’antitziganisme dans le contexte du cadre stratégique de l’UE pour les Roms (2020-2030) proposé le 7 octobre 2020 [COM (2020) 620].

Santé

Le 23 janvier, la Commission a lancé l’initiative européenne en matière d’imagerie contre le cancer. Celle-ci, qui vise à aider les prestataires de soins de santé et les instituts de recherche à utiliser au mieux les solutions innovantes fondées sur les données pour le traitement et la prise en charge de la maladie, constitue une action phare du plan européen pour vaincre le cancer présenté par la Commission le 3 février 2021 [COM (2021) 44]. Elle a pour but de créer une infrastructure numérique destinée à relier les ressources et les bases de données d’imagerie oncologique dans l’ensemble de l’UE. D’une manière plus générale, l’initiative s’inscrit par ailleurs dans le cadre de la stratégie européenne pour les données, définie dans une communication du 19 février 2020 [COM (2020) 66] ; celle-ci a été elle-même suivie d’une autre communication présentée le 3 mai 2022 en vue  de la création d’un espace européen des données de santé [COM (2022) 196], conçu comme la pierre angulaire de la construction d’une Union européenne de la santé ; le même jour, ce projet concernant les données en matière de santé avait été assorti d’une proposition de règlement appelée à en jeter la base législative [COM (2022) 197].

Le 24 janvier, la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, a inauguré à Luxembourg une réunion de haut niveau du Comité de sécurité sanitaire européen, la première depuis le renforcement du cadre régissant ce domaine en octobre 2022 face aux menaces transfrontalières graves.

Climat, environnement et développement durable

Le 24 janvier, la Commission européenne a présenté « un nouveau pacte en faveur des pollinisateurs » [COM (2023) 35] pour lutter contre le déclin alarmant des insectes pollinisateurs sauvages en Europe. L’objectif est de réviser l’initiative européenne lancée en 2018 dans le même domaine [COM (2018) 395], en définissant les mesures à prendre par l’UE et les Etats membres pour inverser le phénomène d’ici à 2030. Le nouveau pacte complète la proposition législative sur la restauration de la nature, que la Commission avait introduite en juin 2022 [COM (2022) 304] ; il constitue en outre un élément essentiel du dispositif global formé par la stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 [COM (2020) 380] et de la stratégie dite « De la ferme à la table » [COM (2020) 381] du 20 mai 2020 ; il s’inscrit également dans le sillage du « pacte vert pour l’Europe » [COM (2019) 640] du 11 décembre 2019, censé rendre l’UE climatiquement neutre au même horizon de 2030.

L’initiative ainsi présentée poursuit concrètement une triple ambition :

  • améliorer la conservation des pollinisateurs et combattre la cause de leur déclin, notamment au niveau de leur habitat aussi bien dans les paysages agricoles que dans les zones urbaines, tant en atténuant les effets de l’utilisation des pesticides qu’en luttant contre ceux du changement climatique, des espèces exotiques envahissantes et d’autres menaces (biocides, pollution lumineuse)
  • perfectionner les connaissances liées au phénomène du déclin
  • mobiliser la société et promouvoir la planification stratégique, y compris au niveau national.

S’agissant précisément de la mobilisation de la société, on soulignera qu’au cours de la session du 24 janvier, le Parlement européen a salué l’initiative citoyenne européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs ! Vers une agriculture respectueuse des abeilles pour un environnement sain ». On rappellera que celle-ci invite la Commission à proposer des mesures juridiques en vue de supprimer progressivement les pesticides de synthèse d’ici à 2035, à rétablir la biodiversité et à aider les agriculteurs durant cette phase de transition.

Comme évoqué plus haut (v.supra rubrique « Institutions »), la Commission a décidé, le 26 janvier, de saisir la Cour de justice de l’UE d’un nombre significatif de recours à l’encontre de divers Etats membres dans le cadre de procédures d’infractions pour non-respect du droit communautaire. Parmi ces actions contentieuses, plusieurs se rapportent à la thématique de l’environnement. Ainsi :

  • La Bulgarie, l’Irlande, la Grèce, l’Italie et le Portugal sont poursuivis pour avoir contrevenu au règlement UE n°1143/2014 (JOUE L 317,4-11-2014) relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes.
  • L’Irlande est mise en cause pour n’avoir pas transposé correctement dans son droit national la directive 2000/60/CE (JOUE L 327,22-12-2000) qui établit un cadre pour la protection des eaux ; en dépit d’initiatives successives adoptées par Dublin en la matière, la Commission considère que les efforts déployés ont été insatisfaisants et insuffisants.
  • La Slovaquie se voit reprocher un défaut de réhabilitation et de fermeture d’un certain nombre de sites estimés non conformes aux exigences de la directive 1999/31/CE (JOUE L 182, 16-07-1999) concernant la mise en décharge des déchets.
  • Le Portugal est incriminé pour transposition incorrecte de la directive 2011/92/UE de décembre 2011 (JOUE L 26, 28-1-2012) concernant l’incidence de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Energie

Le 23 janvier, la Commission a lancé une consultation publique sur une réforme de l’organisation du marché de l’électricité de l’Union. Cette adaptation est envisagée dans le but de mieux protéger les consommateurs (ménages et entreprises) contre une volatilité excessive des prix, de soutenir leur accès à une énergie sûre provenant de sources non polluantes et de rendre le marché plus résilient. Les résultats de la consultation devraient être pris en compte en vue d’une proposition législative que la Commission compte présenter en cours d’année.

Dans le cadre du train de recours qu’elle a engagés au titre des infractions au droit communautaire (v.supra rubrique « Institutions »), la Commission a décidé, le 26 janvier, d’assigner la Bulgarie et la Slovaquie devant la Cour de justice de l’UE pour défaut de transposition en droit national de la directive (UE) 2018/2001 (JOUE L 228, 21-12-2018) sur les énergies renouvelables. Ces deux Etats membres sont les seuls à n’avoir jusqu’à présent notifié aucune mesure de transposition dans ce domaine.

Numérique

Première étape des procédures d’infractions pour non-respect du droit communautaire (v.supra rubrique « Institutions »), la Commission a adressé, le 26 janvier, des lettres de mise en demeure à 22 Etats membres au motif qu’ils ont manqué à certaines des obligations qui leur incombent au titre du règlement relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne [règlement (UE) 2021/784, JOUE L 172, 17-05-2021]. Cette législation, applicable depuis le 7 juin 2022, fournit un cadre juridique garantissant que les fournisseurs de services d’hébergement en ligne combattent l’utilisation abusive de leurs services pour relayer ce genre de contenu. Le règlement a pour objectif de contribuer à atténuer la menace que ce dernier représente sur les plateformes numériques. En l’occurrence, les mises en demeure formulées par la Commission visent à faire en sorte que les Etats membres concernés adaptent aussitôt que possible leurs règles nationales à la législation de l’UE.

Le 27 janvier, l’UE a signé avec les Etats-Unis un accord administratif pour développer leur coopération en matière d’intelligence artificielle et de calcul.

Recherche, éducation et propriété intellectuelle

Le 23 janvier, la Commission européenne et l’Office de l’UE pour la propriété intellectuelle ont lancé l’édition 2023 du Fonds européen pour les petites et moyennes entreprises. Un financement total pouvant aller jusqu’à 60 millions d’euros au titre de cette édition devrait permettre à ces dernières de mieux protéger leur propriété intellectuelle (brevets, dessins et marques).

Le 24 janvier, la Commission a annoncé que 90 nouveaux projets innovants avaient obtenu à la fin de 2022 des subventions au titre du financement de la démonstration de faisabilité (« Proof concept ») en vertu de décisions arrêtées par le conseil européen de la recherche. Le montant des concours ainsi accordé s’élève à 13,5 millions d’euros en provenance du programme « Horizon Europe » établissant un programme-cadre pour la recherche et l’innovation au cours de la période 2021-2027 [Règlement (UE) 2021/695, JOUE L 170, 12-5-2021].

Le 26 janvier, la Commission a lancé un « Observatoire rural » destiné à éclairer l’élaboration des politiques concernant les zones rurales. Gérée par le Centre commun de recherche de l’UE, cette nouvelle plateforme a notamment pour vocation de fournir des informations sur une zone donnée classée comme « rurale », telles que la densité de la population ou la distance moyenne par rapport à un établissement de santé.

Commerce

Dans le cadre des actions entreprises le 26 janvier au titre de la poursuite des infractions constatées au vu du non-respect du droit communautaire (v.supra rubrique « Institutions »), la Commission a décidé de saisir la Cour de justice de l’UE d’un recours au sujet du régime de notification préalable introduit par la Hongrie et permettant de bloquer l’exportation de matériaux de construction. Elle considère que ce système, qui restreint la libre circulation des marchandises, n’est pas justifié dans la mesure où, notamment, il affecte non seulement les échanges au sein de l’UE mais aussi le commerce avec les pays tiers.

Domaine social

Le 25 janvier, la Commission a présenté une initiative visant à renforcer et à promouvoir le dialogue social au moyen d’actions concrètes à mener à plusieurs niveaux.

Cette initiative se décline en deux volets :

  • une proposition de recommandation du Conseil [COM (2023) 38]
  • une communication adressée à l’ensemble des institutions de l’UE [COM (2023) 40].

Ainsi, la Commission préconise-t-elle de permettre au dialogue social de prospérer à l’échelon national dans trois directions : consulter les partenaires sociaux sur la conception et la mise en œuvre  des politiques requises dans le domaine économique et social (dont l’emploi) ; encourager ces partenaires à se pencher sur les nouvelles formes de travail et d’emploi atypique ainsi qu’à propager largement les acquis du dialogue social ; permettre un renforcement des capacités  des organisations de travailleurs et d’employeurs.

Au niveau de l’UE, la Commission préconise un ensemble de mesures visant à : renforcer le dialogue social sectoriel en modernisant son cadre ; continuer à favoriser les accords entre partenaires sociaux ; conforter la participation de ces derniers à l’élaboration des politiques de l’Union, y compris en amont du programme de travail de la Commission ; améliorer l’efficacité du soutien technique et financier de l’UE aux acteurs sociaux.

On notera que l’initiative ainsi présentée par la Commission s’inscrit dans une démarche de cohérence en référence au socle européen des droits sociaux, au Sommet social de Porto de 2022, à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, à l’Année européenne des compétences proclamée pour 2023 ainsi qu’au plan industriel lié au « pacte vert pour l’Europe ».

Migrations

Le 24 janvier, la Commission européenne a présenté les grandes lignes d’ « une stratégie opérationnelle pour des retours plus efficaces » concernant les migrants irréguliers rejoignant l’Europe [COM (2023) 45].

Les pistes ainsi esquissées portent notamment sur des actions ciblées, en coopération en particulier avec l’agence Frontex, une accélération du processus de retour immédiat en cas de refus d’une demande d’asile, une numérisation accrue de la gestion des retours.

Au cours d’une réunion organisée à Stockholm le 26 janvier, les ministres de l’Intérieur des Etats membres ont demandé à la Commission de faire de nouvelles propositions destinées à renforcer la coopération avec des pays tiers dans les réadmissions de migrants en situation irrégulière. L’utilité de recourir plus efficacement à divers outils tels que la politique des visas, mais aussi le commerce ou l’aide au développement, a notamment été soulignée dans le cadre de cette rencontre.

Le 26 janvier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a adressé aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE une lettre par laquelle elle préconise de renforcer les frontières extérieures de l’Union, de remédier aux lacunes dans la mise en œuvre des procédures de retour, d’assurer une solidarité effective entre les Etats membres et d’augmenter les taux de retours et la coopération avec les pays tiers. Le lendemain, le porte-parole de la Commission a tenu à préciser que cette dernière restait opposée au financement, par le budget européen, de la construction de « murs anti-migrants » : cette mise au point s’adressait en particulier à l’Autriche, qui avait évoqué une telle possibilité.

C’est également le 26 janvier que la Commission a autorisé une aide d’Etat de 21 millions d’euros consentie par la Pologne dans le but d’indemniser son secteur du tourisme en raison des mesures restrictives prises à la frontière avec la Biélorussie face à l’instrumentalisation des migrants opérée par cette dernière.

Ukraine

Le 23 janvier, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont marqué leur accord politique pour l’allocation à l’Ukraine d’une nouvelle tranche de 500 millions d’euros au titre de la « Facilité européenne pour la paix ». L’octroi d’un montant de 45 millions d’euros a également été imputé sur le même instrument en vue d’une assistance à la formation de militaires ukrainiens. La question de la livraison de chars reste temporairement en suspens en raison de la sensibilité qu’elle présente aux yeux de certains Etats membres.

Au cours de la même réunion ministérielle, les Vingt-sept ont émis un signal positif en faveur de la création d’un Bureau du procureur intérimaire en vue de contribuer, dans un premier temps, à la collecte de preuves permettant d’incriminer l’agression russe à l’égard de l’Ukraine, et ce avant la création ultérieure d’un tribunal spécial destiné à traduire les responsables en justice. Pour leur part, les ministres de la Justice de l’Union, réunis à Stockholm les 26 et 27 janvier, ont également évoqué la question.

Le 26 janvier, a été lancée la plateforme de coordination des donateurs d’organisations multiples destinée à soutenir la remise en état, le redressement et la reconstruction de l’Ukraine. Cette initiative donne le coup d’envoi d’un processus de plus grande ampleur, avec l’objectif d’assurer une collaboration renforcée entre les principaux acteurs qui fournissent un soutien financier à court terme, mais aussi une assistance à plus long terme pour la phase de reconstruction. On mentionnera que, jusqu’à présent, l’UE, ses Etats membres et les institutions financières européennes ont débloqué, en faveur de l’Ukraine, 49 milliards d’euros en assistance financière, en appui budgétaire, en aide d’urgence et humanitaire et en soutien militaire.

Le même jour, le commissaire européen à la gestion des crises, Janez Lenarcic, et le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, ont inauguré en Pologne le nouveau centre logistique destiné à fournir à l’Ukraine des générateurs électriques.

En liaison avec le conflit russo-ukrainien, la Commission a approuvé, le 23 janvier, une aide de l’Italie de 50 millions d’euros en faveur des entreprises de la région de Campanie affectées par la crise de l’énergie.

Sur le plan de l’aide internationale, la Commission a proposé, le 24 janvier, d’accorder à la Moldavie une nouvelle assistance macro-financière de 145 millions d’euros afin de soutenir une économie sérieusement touchée par le conflit affectant le voisin ukrainien.

Défense

Le 24 janvier, à l’occasion de la 15e conférence sur l’Espace organisée à Bruxelles, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, et le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, ont esquissé un premier profil de la stratégie spatiale pour la sécurité et la défense, que la Commission devrait présenter dans un avenir proche.

Selon le haut représentant, l’invasion russe en Ukraine a sonné comme un signal d’alarme dans un contexte marqué par la concurrence, voire la confrontation, en termes géopolitiques. D’où des interrogations à ne pas éluder, notamment quant à la conscience commune des menaces spatiales et aux réponses qu’elles appellent, mais aussi quant à la protection des infrastructures concernées, au renforcement des capacités à l’appui de la sécurité et de la défense ainsi qu’à la promotion de la coopération avec les partenaires de l’Union.

De son côté, M. Breton a plaidé pour une amélioration de la posture stratégique de l’UE en vue de la défense de ses intérêts, de la protection des services spatiaux et de l’affirmation de l’Union comme puissance spatiale. Aussi a-t-il mis en évidence quatre piliers sur lesquels devra reposer la stratégie en ce domaine : renforcer la résilience et la sécurité des systèmes nationaux et commerciaux ; consolider la capacité de l’UE à répondre aux menaces ; accroître le recours au spatial pour les opérations de défense et intensifier la coopération internationale, notamment au sein de l’OTAN ; mettre en œuvre une future « loi spatiale de l’UE » en mesure d’établir des règles communes en matière de sûreté, de sécurité et de durabilité des systèmes européens existant en ce domaine.

Actions et relations extérieures

Dans le domaine des politiques de voisinage et d’élargissement de l’UE, un nouvel ensemble de 24 programmes de garantie a été approuvé le 25 janvier au titre du Fonds européen pour le développement durable Plus (FEDD+), volet financier de l’« instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI) – Europe dans le monde ». Le financement de ce soutien s’élève à 2,4 milliards d’euros. Par effet induit, il devrait générer des investissements de l’ordre de 17 milliards d’euros dans des secteurs prioritaires comme les énergies renouvelables et la connectivité numérique, tout en permettant d’accroître le financement des petites et moyennes entreprises par les banques ainsi que l’émission d’« obligations vertes » dans les pays partenaires de l’UE.

De même, en relation avec la politique de voisinage, le Conseil est convenu, le 23 janvier, de mettre en place une mission civile de l’Union européenne en Arménie (EUMA), [décision (PESC) 2023/64 – JOUE L 22, 24-1-2023]. L’objectif est de contribuer à la stabilité dans les zones frontalières, à l’instauration d’un climat de confiance sur le terrain et à la création d’un environnement propice aux efforts de normalisation, soutenue par l’UE, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Dans le domaine de la coopération au développement, l’Afrique a fait l’objet d’une attention particulière au cours de la période sous revue.

Ainsi, lors de la conférence à haut niveau sur la région du lac Tchad qui s’est tenue à Niamey (Niger) les 23 et 24 janvier, la Commission européenne s’est engagée à allouer 102,5 millions d’euros pour venir en aide aux communautés vulnérables du Nigeria (34 millions), du Niger (25 millions), du Tchad (26,5 millions) et du Cameroun (17 millions). Les personnes déplacées en raison des crises humanitaires de longue durée provoquées par des conflits locaux ou l’insécurité alimentaire figurent en priorité parmi les populations bénéficiaires de cette aide.

Le 26 janvier, la commissaire européenne en charge des partenariats internationaux, Jutta Urpilainen,  a lancé une initiative régionale en faveur des enseignants  en Afrique. L’objectif est de conférer aux jeunes une autonomie accrue grâce à une éducation de qualité, cette partie de la population connaissant la croissance démographique la plus rapide au monde. L’initiative s’inscrit dans le cadre du train de mesures d’investissement UE-Afrique « Global Gateway »  et complètera les réformes nationales en faveur de l’éducation et des enseignants. On rappellera que la stratégie « Global Gateway » a été définie le 1er décembre 2021 dans le cadre d’une communication présentée conjointement  par la présidente de la Commission et le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité [JOIN (2021) 30]. Conçue pour développer « des liens intelligents, propres et sûrs » dans les domaines du numérique, de l’énergie et des transports ainsi que pour renforcer les systèmes d’éducation et de recherche dans le monde entier, cette initiative a vocation à mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’investissements (dont la moitié en faveur de l’Afrique) entre 2021 et 2027, sur la base d’une large coopération intra-européenne.

C’est aussi en lien avec le « Global Gateway » que, le 27 janvier, à Pretoria, en marge d’une réunion ministérielle entre l’UE et l’Afrique du Sud, qui groupait également l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, la République tchèque et la Suède, une autre initiative a été lancée : celle de l’« Equipe Europe » en faveur d’une « relance juste et verte » pour le pays hôte. A cet effet, 280 millions d’euros (dont 87,75 millions provenant du budget de l’Union) seront mobilisés sous forme de subventions pour soutenir des réformes à tonalité écologique, encourager les investissements « verts » et mener une transition fondée sur la connaissance.

Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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