Jupiter régnant…

Les élèves de l’internat France ayant fait le mur le temps d’une municipale pour fumer l’herbe verte, le Président nomme aussitôt un nouveau préfet des études. Il ne faudrait pas que tout ceci ne fasse rater l’examen national du redressement économique post-Covid. Pleinement conscient du rôle majeur de la question générationnelle pour notre équilibre social, le plus jeune des présidents français préfère pourtant le dialogue avec ses aînés, notamment les générations encore en capacité de comprendre le qualificatif de « Gaulliste social ». Mystère et paradoxe…

En même temps, Jupiter s’affermit encore ! Voilà un autre paradoxe que rappelle la nomination de ce vendredi. Au cœur d’une Europe dont les peuples se gouvernent via des coalitions démocratiques, l’option fondamentale du président Macron reste plus que jamais celle d’une gouvernance jupitérienne de la nation. Nombreux sont ceux qui ont relevé qu’en nommant Jean Castex et son directeur de cabinet, Emmanuel Macron s’assure d’une prise directe sans équivalent sur la machine d’État, tout en hypertrophiant son monopole constitutionnel de l’incarnation politique. Il est ici constant, que ce soit par vision personnelle ou par retour de balancier après l’expérience Hollande. Dès 2016, il théorisait la fin des corps intermédiaires qui empêtrent l’État, et préparait une présidence hyper jacobine avec le soutien technique de la haute administration et de professionnels du privé. C’était là rupture fondatrice avec l’« ancien monde », renouant de fait avec une longue tradition française théorisée dès l’ancien régime, en premier lieu par le philosophe de la renaissance Jean Bodin, sans revenir aux légistes de Philippe le bel…

Soit dit en passant, ce jacobinisme exacerbé, Macron le partage avec nombre de populistes souverainistes. Encore un paradoxe… Mais sa légitimité propre dérive de la démocratie, que ce soit par son élection personnelle et celle de « son » parlement, ou par son goût de la consultation citoyenne, forme apprivoisée du référendum. Inversement, nombre de populistes qui n’ont que le mot de démocratie à la bouche déprécient ses résultats concrets et se réclament finalement d’« être » le Peuple, là où sa qualité de banquier et d’énarque disqualifierait Emmanuel Macron sans retour. Mais, quant les populistes renverraient volontiers l’entrave de la construction européenne au néant de leur propre ancien monde, Emmanuel Macron veut construire une souveraineté européenne. Ce qu’il faut applaudir, car à quoi servirait une démocratie qui, à la fin, n’exerce pas de pouvoir ?

Aujourd’hui, l’éthique de gouvernance que sous-tend l’acte 3 du quinquennat détonne dans une Europe riche de bien trop de diversité pour penser y transposer un modèle de décision solaire. Par sa nature, la construction européenne est une machine à infuser les compromis par l’association de tous les corps intermédiaires imaginables. L’Europe de Schuman et de Monnet est par essence une démocratie du dialogue qui coalise un consensus social. En cela le 9 mai diffère du 18 juin ou de l’appel de Valmy ! Ceci réduit bien-sûr l’expression immédiate d’une souveraineté européenne. Mais une comparaison avec la performance américaine sur la crise du Covid-19 montre que ce système de gouvernement n’est pas nécessairement moins solide ou moins efficace. Dans le long terme, c’est même sans doute l’inverse. Même dans le champ national, à l’heure où Merkel sort renforcée de l’action de son ministre SPD des finances et de très longues heures de dialogue avec les présidents de Länder, la seule « autorité de l’Etat » est-elle vraiment le remède attendu ?

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4 Commentaires

  1. Bonjour, merci pour cette analyse. L’Europe est aussi faite de sa diversité. Même incluses dans l’Union Européenne au fonctionnement démocratique, les nations qui la constituent garderont chacunes certainement une façon spécifique, locale, de concevoir le pouvoir (ça veut dire en France un pouvoir central assez fort, du moins dans l’incarnation humaine, un besoin de charisme au sommet de l’Etat) même si celle-ci est bien articulée avec le fonctionnement continental. Et c’est bien normal. L’Union Européenne n’est pas là pour éradiquer l’histoire, mais pour la dépasser, tout en en ayant conscience. Une étape salutaire de plus de la fascinante histoire politique du monde…

  2. Voilà une analyse bien négative, bien partisane, et qui dénote une certaaine méconnaissance de la situation politique actuelle de la France. Le système des partis est en phase de recomposition. Le parti présidentiel n’a pas encore su se structurer sérieusement parce qu’il est en grande partie composé de nouveaux venus et que l’ancien Premier ministre ne s’y est pas intéressé du tout (une des raisons de sa mise à l’écart après l’échec des municipales). EM est donc quasi obligé de manœuvrer autrement pour éviter le délitement de sa majorité parlementaire (création de deux nouveaux groupes à l’Assemblée nationale, peu de chances d’entrer au Sénat vu le résultat des élections municipales, etc). Ce n’est pas pour rien que le nouveau PM a tout de suite parlé du sort de la majorité. Le côté Jupiter (il doit regretter d’avoir prononcé ce mot un jour, fournissant une arme à ses adversaires et aux chroniqueurs sans grande inspiration) tient à la gravité de la situation: pandémie, crise économie, endettement, populisme. Il faut en effet une certaine autorité pour affronter ces périls, Castex pourrait être l’homme de cette démarche.

  3. Merci pour vos réactions. Nous arrivons naturellement tous à la table européennes avec des siècles d’histoires spécifiques qui font nos identités. Mais de là à considérer qu’aujourd’hui la maturité politique de nos concitoyens divergerait toujours du reste des autres opinions publiques européennes au point que les formules démocratiques fonctionnant ailleurs sont ineptes pour un esprit français, voilà une étape que nous ne franchissons pas…..L’argument de la spécificité française cache bien souvent la défense du statut quo…..

  4. pas vraiment d’accord la souveraineté européenne va malheureusement bien trop à l’encontre de c’elle des citoyens des états et donc en réalité de la démocratie qu’il conviendrait de raffermir .l’Europe montrant trop de lacunes en terme de réactivité(on peut dire le contraire mais les faits parlent) il convient de rééquilibrer les pouvoirs au profit des états et de la démocratie pour redonner de la liberté d’action à tous les niveaux . La ligne adoptée à l’heure actuelle va très probablement accroître les problème et augmenter la dérive non souhaitable des pays vers un « autoritarisme  » d’état qui développera les mouvements souverainismes, les grognes et désordres en tous genre, la dés unification des gens sauf contre l’état alors qu’une vraie réconciliation est urgente . Mais peut-on blâmer les peuples de cela quand il se sentent de moins en moins pris en compte, écoutés, considérés?? Il convient de se rappeler d’une chose primordiale.Le monde, L’Europe, les pays, l’économie, c’est avant tout des personnes, des êtres humains, de chair de sang, et d’histoire. Pa des données abstraites manipulables au gré des doctrines et des idéologies économiques du moment l’oublier comme on le fait va entraîner un incontrôlable retour de bâton historique qui serait évitable.

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