« Faire participer les banques »… pour de rire

 

Hier soir jusque tard ce matin, les dirigeants européens se réunissaient pour apporter une solution à la crise grecque. L’un des éléments les plus disputés était celui d’une réduction de la dette grecque au détriment de ses détenteurs, c’est à dire de « faire payer les banques ». Au final, c’est un coup de tranchoir massif qui a été asséné: 50% de perte sur l’argent prêté à la Grèce. Vraiment? Notre ami Ben nous donne ici un petit éclairage !

 

Les banques asphyxiées ? euh… Un simple calcul montre que les banques s’en sortent bien.

50% de décote sur la dette grecque ! ça y est, les banques vont payer !!!! euh, en fait non, il faut juste faire des calculs.

Selon Liberation, pour 100 euros de dette grecques, les détenteurs recevront 15 euros en cash et une obligation de 35 euros sur 30 ans à 6%.

Faisons quelques calculs !

– 35 euros à 6% pendant 30 ans donnent 201 euros. (cf. calcul A à la fin)

– Comparons 201 euros à la dette d’origine de 100… cela fait un doublement. Si votre capital double en 30 ans, cela correspond à un taux d’intérêt annuel de 2,4 % (cf. calcul B à la fin) !! (avec les 15 euros de cash, on arrive à un taux de 2,6 %)

– euh, quel est le taux du livret A en France ? 2,25 %

Quel tour de magie ! La décôte sur la dette grecque consiste juste à remplacer une dette avec un taux d’intérêt très élevé par une dette à très long terme à un taux d’intérêt supérieur à celui du livret A.

Pour mémoire, les banques se financent à 1,5 % auprès de la BCE ! Une banque qui s’endette à 1,5 % auprès de la BCE et détient de la dette grecque avec un taux de 2,4 % (après décote) continue donc de se faire une marge.

Ainsi, on nous ment comme dirait l’autre. La recapitalisation des banques ne sert absolument pas à couvrir la décote de la Grèce. Il y a autre chose. Mais de quoi s’agit-il ? la faillite à venir concerne l’Espagne, l’Italie, la France ? y a t’il 50 autres Dexia ? L’austérité nous condamne-t-elle à 15 ans de croissance zéro et donc à des faillites d’entreprises en chaines et une crise immobilière sans précédent qui aura un impact sur le bilan des banques ? JE N’OSE Y CROIRE, ON NOUS MENTIRAIT ?

 

Mais alors, comment on s’en sort ? on fait ce que chaque gouvernement refuse.

– Les allemands ne veulent pas que le FESF soit une banque pour s’endetter auprès de la BCE, dommage il faut le faire. L’inflation a 3 chiffres n’est pas pour demain !

– Les français rejetaient toute faillite de la dette grecque : on y est enfin, et il faudrait aller encore plus loin avec un remplacement simple : toute obligation grecque est remplacée par une dette de même valeur mais sans intérêt et avec une maturité à 30 ans.

– Les anglais ne veulent pas de taxe Tobin ! Dommage, il faut la faire pour donner des marges de manœuvres financières et limiter le poids de la finance dans l’économie.

– Les irlandais ne veulent pas d’harmonisation sur l’impôt sur les sociétés ! Dommage il faut le faire pour éviter le dumping fiscal et donner des marges de manœuvres financières aux différents états membres.

– Les allemands ne veulent pas se tourner vers leur consommation intérieure et veulent maintenir des jobs à un euro ? Dommage, il faut le faire pour éviter un dumping social et pour éviter des déséquilibres entre des pays qui exportent et des pays qui importent trop.

– Les Grecs maintiennent des avantages sur la fiscalité (religion, immobilier) ? Dommage, s’ils veulent qu’on les aide, il va falloir qu’ils continuent les efforts !

– Les français refusent d’augmenter les impôts pour réduire les déficits et maintiennent une perspective de croissance aberrante ? dommage, il va falloir revenir dessus car on ne pourra pas rester sur une trajectoire d’endettement croissant, surtout si le niveau de croissance se réduit sur longue période.

Le fédéralisme maintenant !

Et comment on fait tout ça en termes institutionnels ? On sort de la règle de l’unanimité !! Je ne suis pas certain que la France serait gouvernable si le conseil régional de Bretagne, de Corse ou d’Alsace avait droit de veto sur l’ensemble des décisions de l’executif parisien. Or c’est exactement la même chose au niveau européen !

Cela signifie un contrôle démocratique en moins. Il en faut donc un en plus pour conserver et accroître le contrôle et la légitimité démocratique… Or, il s’avère qu’il existe une institution qui représente l’ensemble des pays européens, l’ensemble des opinions (gauche, droite, centre, écologiste, extrême droite et extrême gauche) et qui est élue directement par les européens. Cette institution a voté la taxe sur les transactions financières. Elle produit des rapports de qualité (bon sauf ces représentants français qui sont d’affreux cumulards, mais bon là on parle d’Europe et pas de la démocratie française qui est tout aussi affligeante).

Bref, je ne fais pas durer le suspens plus longtemps. Cette institution s’appelle le Parlement européen.

Ce Parlement européen devra également pouvoir proposer des réformes de traités ou des nouvelles régulations sur sa propre initiative. Avec une primaire du PSE pour choisir le candidat de gauche, le parlement deviendra alors un vrai organe politique, de choix politiques et de solutions nouvelles dans cette crise qui ne peut que s’aggraver si l’on ne change rien. Les élections européennes retrouveront alors naturellement un intérêt pour les citoyens et ne seront plus le défouloir à abstentionniste et à petits partis que l’on observe actuellement.

Cela s’appelle comment si l’on fait cela ? Le fédéralisme ou les Etats Unis d’Europe ! Ce fédéralisme est à distinguer du « fédéralisme budgétaire », car le fédéralisme budgétaire, en vrai, ça s’appelle la mise sous tutelle des états par la BCE et l’Allemagne.

 

Ben

EDIT: ERRATUM

 

Houla, je relis et refais mon calcul… il me semble effectivement avoir fait une une simplification…

En effet, les intérêts (le coupon annuel de 2,1 évoqué dans le commentaire ci-dessous) ne sont pas replacés à 6%, mais les banques trouveront largement à le replacer à 2,5%.

Le taux des OAT à 10 ans de l’Etat français est de 3%.

Par conséquent, au bout de 30, la somme des intérêts annualisés replacés à 2,5% donne 92. En ajoutant les 15 euros de cash (également avec ces intérêts) et les 35 de capital de la nouvelle obligation, les banques ont 142 à la fin de la période des 30 ans pour une obligation de 100. Cela fait donc un taux annuel moyen sur la période 30 ans de 1,2%.

La conclusion change donc car les banques ne se font pas de marge par rapport aux taux interbancaires et le taux devient inférieur à celui du livret A. Mais sur le fond, cela ne change rien : les banques ne font pas un trait sur de la dette grecque et leur participation est équivalente à une baisse très forte des intérêts.

Le chiffre de recapitalisation des banques s’élève à 30 milliards d’euros pour les établissements grecs, 26,1 milliards pour les banques espagnoles, 14,77 milliards pour les italiennes et 5,2 milliards pour les allemandes.

D’une part, les pertes sur la dette grecque ont déjà été intégrées dans les comptes des banques.

D’autre part, le tableau 2A de ce papier montre que les banques espagnoles détiennent 1% de la dette grecque. 1% de 300 milliards, c’est trois milliards. Très loin des 26 milliards de recapitalisation nécessaire…

La recapitalisation des banques est donc, sauf contre preuve du contraire, totalement déconnectée de la dette grecque. Ce blog donne une argumentation sur ce point :

Mon erreur souligne un point politique : le détail est très difficile à connaître, tout reste à négocier.

Donc je plaide coupable sur le calcul, mais sur la conclusion politique cela revient strictement au même.

 

———————–

Précisions sur le calcul initial : refaites les calculs vous-mêmes !

Vous voulez faire le calcul A :

 

tapez dans une cellule Excel la formule suivante

=35*(1+0.06)^30,

35 est le montant de la nouvelle obligation à 30 ans

0,06 est le taux d’intérêt de cette nouvelle obligation

30 correspond à sa durée de vie, 30 ans ici.

 

Vous voulez faire le calcul B :

tapez dans une cellule Excel la formule suivante

=(1+0.024)^30,

vous trouverez environ 203 – au lieu de 201, désolé pour l’arrondi.

0.024 est le taux d’intérêt,

30 est le nombre d’année et

100 est le montant de dette de départ.

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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3 Commentaires

  1. Je ne suis pas sur …
    Si c’est une obligation, 6% n’est pas un taux d’intérêt, mais un taux de coupon, une sorte de dividende que toucheront les propriétaires de l’obligation pendant 30 ans avant de récupérer le capital

    Soit un coupon annuel de 2,1 € (35*0.06)
    soit, sur 30 ans : 63 euros, plus la récupération du capital de 35 euros, 93 euros.

    Il faudrait réactualiser tout ça avec l’inflation, prenons un taux de 1% par an pendant 30 ans

    35 euros dans 30 ans valent donc 35/(1+0.01)^30 25 euros

    et le coupon annuel décroit aussi de valeur chaque année, si on le réactualisent de l’inflation 2,1/1,01 + 2,1/1,01^2+2,1/1,01^3+ … +1/1,01^29
    Je vais pas faire le calcul, mais les banquiers devraient récupérer en fait autour de 65/70 euros (en plus des 50 euros qu’ils récupèrent aujourd’hui)

    Voilà !

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