Ecotaxe : La TROE = Une autre alternative

Le débat actuel français sur l’écotaxe, les réactions qu’il a engendré montre le décalage qui existe entre les volontés politiques d’une approche écologique nécessaire du transport reconnu par tous au moment du vote mais aussi la peur qu’elle suscite au moment de l’application, une sorte de syndrome Kyoto à la française.
Pourquoi ?

Parce que dans les faits le système proposé n’a pas été techniquement assez fouillé et argumenté, que celui-ci montre du doigt certaines catégories de professionnel comme pollueur, et qu’il ne s’inscrit dans aucune démarche d’harmonisation européenne qui, et surtout en matière de transport, devrait être la règle.

Or le transport en général et le transport routier en particulier est un des maillons les plus important de notre besoin de logistique: « si vous l’avez c’est qu’un camion vous l’a apporté » au moins à un moment de la chaîne. Donc première question. Qui sont les pollueurs, ceux qui mettent à disposition, ou ceux qui disposent ?

De formation juridique, je serais logiquement poussé à dire que le fait générateur est l’acte d’achat.

Première conséquence dans notre propos, celui qui doit supporter la charge de l’impact écologique est celui qui a déclenché le fait générateur donc l’acheteur. Comment alors taxer l’acheteur par l’intermédiaire de la marchandise ?

Si c’est donc la marchandise, s’agit il d’un kilo de plume ou d’un kilo de plomb qui en matière de transport n’a pas le même impact puisqu’il sera nécessaire d’utiliser un vecteur plus important de transport pour l’un que pour l’autre. Il s’agira ainsi de qualifier la nature même de chaque marchandise et la quantité: 1Kg, 1 Palette, 5 m3, 6 mètres de plancher de semi-remorque.

Autre notion, ce kilo de plume ou de plomb, je le transporte de PARIS à BRIVE ou de BRIVE à PARIS, car dans un cas le transport qui me l’amènera à Brive aura beaucoup de difficulté à trouver une charge de retour, ce qui sera moins le cas si je me retrouve à vide à PARIS.

Maintenant un peu d’histoire :

A la fin de la deuxième guerre mondiale, le CNR (Comité National de la Résistance à ne pas confondre avec le CNR Comité national routier et son travail remarquable sur les comparatifs de coûts des transports en Europe apparemment pas consulté par les membres de la commission actuelle de l’Assemblée Nationales au vu des questions des députés) pour pallier la perte par les transporteurs de leurs matériels et répondre au plus rapide à la demande croissante de biens, la profession du transport routier a obtenu une attribution nominative de ce que nous appelions a l’époque des « CARTES ROUGES » c’est à dire des autorisations de transports routier de zone longue qui permettait d’accomplir des transports entre deux ou plusieurs zones courtes correspondant en ce qui les concernent aux hinterland des grandes métropoles régionales.

Chaque transporteur dans chaque véhicule devait posséder une carte rouge, qui avait une valeur patrimoniale (75000€ ) et marchande à la manière d’une licence de taxi, ce qui en faisait la plupart du temps une valeur de haut de bilan (Actuellement les résultats des entreprises de transport routier ne sont réalisés en majorité que par les plus-values de cession des véhicules usagés).

Ces licences ont disparues avec la LOTI et l’Europe ce qui a contribué à une augmentation très importante du nombres de transporteurs (sans qualification) et surtout de véhicules (voir l’épopée des gros transporteurs allemands positionnés sur l’Irak avant de se répandre sur l’Europe occidentale).

Pour uniformiser et se protéger de la tentation de dumping social et technique (faire effectuer un nombre d’heures trop important à un chauffeur en dépit du code de la route, moins entretenir son camion…) le CNR et le législateur avaient organisé le transport routier français et l’avait doté du TRO, Tarification Routière Obligatoire pour l’ensemble des relations possibles (Zone longue, zone courte en France), l’ensemble des poids et dimensions de marchandises, la nature de la marchandises (Plume ou plomb).

L’application de cette TRO était réalisée à la constitution du contrat de transport sur un formulaire qui était taxé, le contrôle était dévolu à des agents sur la route et dans les entreprises de transports par l’intermédiaire des Bureaux de Fret, qui s’occupaient de la régulation des transports et du contrôle général de la profession dont la perception des taxes à l’essieu qui contribuaient en ce qui les concerne à l’entretien des infrastructures.

Effectivement à notre époque l’on peut penser que cela était lourd, mais ayant géré cela à titre personnel pendant plusieurs années, et à la main, sans l’aide de l’informatique, les choses se faisaient et les transporteurs comme les chargeurs n’étaient pas particulièrement mécontents puisque chacun trouvait dans cela la possibilité d’équilibrer ses activités, dans la mesure où étant obligatoire cette TRO était payé par le client final.

Autre chose, à écouter les politiques en charge l’augmentation du PTR (Poids Total Roulant) à 44T pose un problème pour la dégradation des infrastructures, ce qui est à la fois vrai et moins vrai compte tenu de l’évolution technique des revêtements et du génie civil. Mais il faut se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps le PTR d’un ensemble routier était de 32T, puis de 38T, puis de 40T, mais que le transport combiné rail/route avait déjà la possibilité de travailler avec un PTR de 44T.

Et cela pourquoi ? Parce que la majorité du parcours était effectué sur le rail qui lui peut subir des charges beaucoup plus lourdes. Si je peux transporter pourquoi pas jusqu’à 50T sur la majeure partie du parcours européen quitte à être limité en vitesse sur la partie en amont ou aval, les transporteurs européens vont être très intéressés et les chargeurs aussi à trouver une telle productivité.

Et bien il me semble que ce principe très succinctement développé, est applicable à notre espace européen. D’ailleurs à cette époque il existait une tarification pour des liaisons européennes moins contraignantes puisque nous étions encore à une Europe des frontières (régime TIR).

L’apport technologique que représente l’informatique, la géo localisation, donc les portiques qui peuvent être d’un apport en data très important, allégerait le système en terme de gestion.

Certains pourraient dire, cela représente un encadrement européen des prix de transport. Certes c’est vrai mais cet encadrement a plusieurs objectifs.

Le premier c’est de surenchérir le prix du transport, en permettant à chaque pays membre de favoriser en premier lieu la production locale et donc de réduire le nombre de camions sur les infrastructures. (+10% de véhicules en plus tous les 5 ans).

De garantir le transporteur dans l’équilibre économique de sa prestation sans être un percepteur de taxes pour le compte de ces clients qui de leurs cotés par la puissance de leurs volumes d’achat essaient au titre de la concurrence de s’en exonérer, aidés en cela par un dumping social et fiscal européen.

D’inciter par une performance de l’outil ferroviaire par rapport à la route, les transporteurs à utiliser la voie ferrée (50T et des dimensions plus importantes.)

De différencier entre elles les marchandises et de protéger si nécessaires certaines productions (Agricoles par exemple, pour le trafic de zone courte).

Voilà ce que l’on pourrait construire, sans investissement trop lourd. Les technologies existent, la France à l’occasion du débat qui l’anime pourrait en profiter pour initier ce projet européen. Nous voyons que nos voisins ont aussi beaucoup de difficultés à aborder ce sujet, Allemagne comprise.

Les enjeux dépassent à mon sens le monde du transport, c’est un enjeu écologique évident, c’est une protection logique des productions nationales européennes (même si le Champagne, les azulejos portugais ou les artichauts de Bretagne se déplaceront en Europe à des prix différents), c’est une source d’emplois, un choc de simplification, une règle commune s’imposant à tous mais une règle structurant un marché si important dans notre vie de chaque jour.

Nous serons tous en tant qu’acheteur des pollueurs payeurs, mais nous aurons minimisé par l’organisation nouvelle logistique européenne proposée, notre impact écologique, c’est comme la Paix, la chose maintenant la plus importante.

 

Pierre Luc BERGE-LEFRANC

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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8 Commentaires

  1. Intéressant développement pour rien!
    En effet, c’est bien toujours l’acheteur qui paie la taxe, incorporée au prix du service…

  2. C’est très bien effectivement, mais cela ne résout pas le problème crucial de la circulation exponentielle des PL sur les grands axes européens. Le stock roulant est considérable. Nos habitudes de consommation ne permettront pas avant longtemps la réduction de la masse transportée. Il faut donc impérativement réduire cette masse, donc changer nos modes de consommation, obliger les « marchands » à stocker sur place, etc…alors peut-être, on diminuera la pollution routière

    • Votez vous le surenchérissement du prix de transport que cela engendre permettra aux entreprise de reconsidérer les productions locales au détriment de productions plus éloignées actuellement compétitives du fait d’un coût transport trop bas ou vicié par un dumping social. J’en reviens toujours à cet exemple qui avez l’objet d’un de mes articles précédents d’une chocolaterie importante des Pyrenées préférant faire venir deux à Trois semi-citernes de lait de Pologne alors que nous pouvons penser que il y a de grosses quantité de lait qui sont produites dans le piémont pyrénéen et que certains éleveurs de vache laitiére français se plaignent de la pression exercée sur leur filiére. Techniquement, et avec une volonté politique européenne ferme cela est tout à fait envisageable et dans l’intérêt des Etats.
      Pierre Luc BERGE-LEFRANC

  3. Quelle institution politique pourrait défendre ce projet ? Le Parlement Européen pourra-t-il s’en emparer ? Ce serait un bel exemple de son utilité à opposer au CNR-RUE qui appelle au boycott de l’élection européenne.

  4. Votre démonstration est remarquable mais il faudrait tout de même que la SNCF soit convaincue de vos arguments et joue le jeu.
    Par exemple, dans la région ou je réside, cette dernière modernise une ligne (Caen-Rennes) sans avoir prévu l’infrastructure permettant aux convois de fret de l’emprunter alors qu’elle pourrait devenir un axe ferroviaire stratégiquement intéressant dans les liaisons Europe du Nord- Europe du Sud et de l’Ouest. Ce dispositif, évitant le transit par la région parisienne, serait aussi bénéfique à bien des égards.

    • Bien vu!
      Depuis des décennies, notre SNCF nationale n’a d’yeux que pour le TGV et engloutit des sommes pharaoniques dans des infrastructures inutiles car, mis à part les lignes LGV construites jusque dans les années 90, les autres ne seront jamais rentables.
      Cet argent aurait été mieux placé dans des infrastructures favorisant le ferroutage.
      Il eut aussi été nécessaire de motiver davantage les agents pour que l’organisation d’un transport par rail d’un point A à un point B ne nécessite pas 3 semaines de réflexion, car, dans ce cas, le chargeur passe par la route et il a bien raison.
      Mais nous sommes en France et depuis des lustres on parle de ferroutage, mais on ne fait qu’en parler!

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