Un plan chypriote hypocrite

NDLE: ce texte concerne le premier plan de sauvetage de Chypre, qui imposait une taxe sur les comptes bancaires inférieurs à 100.000 euros. Nous le publions aujourd’hui car sa réflexion de fond n’a pas perdu de sa pertinence. En fait, sur le point en cause, on a vu de manière incroyable les gouvernements chypriotes et allemands s’accuser réciproquement d’être à l’origine de ce point du plan. Ce genre de flou sur les responsabilités pose clairement un problème à la démocratie

 

Le gouvernement chypriote, sur pression des pays membres de l’Union Européenne, et notamment de l’Allemagne, a décidé ce week-end la taxation des dépôts bancaires à hauteur de 6,7 % en dessous de 100 000 euros et 9,9 % au-dessus. Ce matin, tous les médias vont se poser la question de l’efficacité du plan. Est-il juste ou injuste ? Il permet de toucher les fortunes – parfois illégales – attirées par le paradis fiscal chypriote, mais il touche aussi durement tous les petits épargnants.

 

La première question à se poser n’est pas celle-là.

 

Le principal problème que pose cette annonce est tout simplement le suivant : personne ne peut dire qui en a décidé. Le président, Nicos Anastasiades ? Il n’a fait qu’appliquer les conditions qu’on lui imposait pour sauver l’économie chypriote de la faillite bancaire. Chef d’État d’un pays qui ne représente que 1 % du PIB et pour qui la sortie de la zone euro déstabiliserait toute l’économie, il aurait pu refuser, certes, mais peut-il pour autant être tenu pour responsable de ce plan ? D’ailleurs personne ne songe à lui faire des reproches : c’est presque une banalité maintenant, ceux qui ont décidé du plan sont « la zone euro et le FMI ».

 

Arrêtons-nous un instant. Qu’est-ce qui fait de nous des européens ? En construisant l’Europe, que voulons-nous construire ensemble ? Pour nos parents, nos grands-parents, qui ont connu la seconde guerre mondiale, l’Union Européenne, c’est la paix. Pour nous, qui sommes nés à peu près au moment où Berlin fêtait la chute du mur, l’Union Européenne c’est la garantie du respect des droits humains et, par-dessus tout, la démocratie.

 

Quel paradoxe, alors, que l’Europe soit celle qui non seulement échoue à instaurer la démocratie dans ses institutions mais encore bafoue la démocratie de ses états membres ! Pire encore, l’Union Européenne est gouvernée par une bande d’irresponsables. Au sens propre du terme, est irresponsable celui qui ne répond pas de ses actes. On connaît celle qui peut être tenue pour responsable des prêts octroyées et conditions imposées par le FMI. Elle s’appelle Christine Lagarde. On connaît plus démocratique que l’élection du président du FMI, sa présidente ne décide certainement de rien toute seule mais au moins peut elle assumer publiquement les choix de l’institution. Qui assumera entièrement la responsabilité du plan chypriote ? La plus écœurante des hypocrisie serait de laisser Nicos Anastasiades expliquer sans que personne n’y croit, qu’il est convaincu que c’est la meilleure solution pour son peuple. Comme lorsqu’on se convainc que le choix qu’on nous a imposé était sûrement le bon.

 

J’ai souvent exprimé, en débat public ou avec des amis, que le principal problème de la zone euro était qu’elle n’est pas démocratique. Je le pense toujours mais, ce matin, je me rends compte que le problème est même plus grave, plus insupportable que cela. La « zone euro » n’a pas de tête. Jeroen Dijsselbloem ? Herman Von Rumpoy ? José Manuel Barroso ? Eamon Gilmore ? Aucun de ces quatre dirigeants n’a le courage de prendre la parole devant le peuple chypriote pour expliquer sa décision ! Quant à Angela Merkel, François Hollande et les autres dirigeants d’État européens, ils ne le peuvent évidemment pas car assumant une décision sur l’économie chypriote ils accepteraient de facto d’être responsable devant les Chypriotes (sans parler de leur illégitimité…)

 

Avant de savoir si ce plan est juste ou non, un peu, beaucoup ou pas du tout efficace, réclamons d’abord, pour le peuple chypriote, qu’un dirigeant européen se lève et dise « c’est moi qui aie décidé de ce plan, j’assume cette décision ». Alors très vite, les Chypriotes, les Français, les Allemands et les autres voudront pouvoir décider de le remplacer ou non et de qui on met à sa place. Il paraîtra insupportable que ce dirigeant soit nommé dans des conditions obscures pour qui ne passe pas trois jours par semaine à Bruxelles.

 

Les élections européennes, c’est l’année prochaine et la seule question à se poser sera celle-là : « qui décide en Europe et comment peut-on changer de dirigeant si nous ne sommes pas collectivement satisfaits ? ».

 

Depuis ce matin, l’urgence redouble.

Z

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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8 Commentaires

  1. Le problème lié à l’Europe est que les dirigeants ont toujours pensé « national » et non « europe »: donc, pas de gouvernement européen, pas de politique économique (pas de ministre de l’économie), pas de défense commune etc… Pas d’ambition, pas de grands projets, des politiques qui ne font que prendre du poids et qui restent accrocher à leur privilèges. Quelle tristesse et quel échec! Mais le drame est que le citoyen européen reste très éloigné de l’Europe: les directives sont mal expliquées, l’état de l’union inexistant. Je suis convaincue que nous sommes dans un continent qui reste le plus démocratique, le plus progressiste et si des pays sont endettés, l’Europe dans son entité ne l’est pas. Je fais le constat amer que nous sommes dirigés par des hommes qui sont depuis trop longtemps aux affaires. Il faut qu’ils prennent leur retraite!!!

  2. Vous soulevez, certes, des questions fondamentales mais je crains que votre analyse est quelque peu superficielle.

    Sur le point de la responsabilité de la première décision sur Chypre:

    C’est l’Eurogroupe, présidé par Dijsselboom, avec le FMI et la BCE et la Commission (= la Troika) qui a concocté avec le Premier Ministre chypriote la première mouture du plan de sauvetage.

    Il était normal que les prêts financés par le Mécanisme Européen de stabilité (autorisés par l’Eurogroupe) et le FMI, totalisant € 10 milliards, soient assortis d’une conditionnalité imposée à Chypre. A noter que la Commission n’engage pas de fonds budgétaires et que la BCE n’intervient que dans le soutien de la liquidité des banques (à condition qu’elles soient solvables).

    En dehors de réformes structurelles du système bancaire, de mesures fiscales et d’autres engagements à négocier dans le cadre d’un MOU (Memorandum of Understanding) entre Chypre et la Troika (condition nécessaire au déboursement des prêts), les bailleurs de fonds ont exigé une contribution financière d’€5,8milliards de la part de Chypre. Ce montant évitait d’endetter excessivement le pays ce qui n’aurait fait que reporter sa faillite.

    Il fallait donc lever ce montant par l’impôt ce qui est évidemment une prérogative et responsabi!lité exclusive d’un Etat souverain tel que Chypre. Il semblerait que la taxation de tous les dépôts et les deux taux retenus de 6.75% et de 9.9% aient bien été le choix du Premier Ministre soucieux d’épargner autant que faire ce peut, les déposants russes dont le moins qu’on puisse dire est que l’origine des fonds n’était pas transparente.

    S’agissant d’un impôt, il devait être ratifié par le Parlement chypriote qui devait en fixer l’assiette et le taux. L’assiette était donc l’ensemble des dépôts dans les banques du pays et les taux s’appliquaient respectivement aux dépôts de moins et de plus de €100.000.C’était probablement un mauvais choix mais il était parfaitement conforme aux engagments et légal.

    Dés le weekend suivant l’accord, et avant le vote du Parlement, de nombreuses voix, y compris celles de Ministres ayant participé à l’accord (France, Autriche, etc.) et d’économistes et journalistes ont dénoncé l’accord comme une violation de la garantie accordée en 2008 par chacun des Gouvernement de l’Union aux dépôts inférieurs à € 100.000.

    Cette lecture était erronnée car rien n’interdit à un gouvernement de taxer un actif quelconque pour autant que la procédure de ratification soit respectée.En l’occurrence, la garantie ne joue qu’en cas de faillite ou restructuration d’une banque (principe respecté dans la deuxième mouture de l’accord où il ne s’agit plus d’un impôt et ne nécessite donc pas un vote parlementaire).

    Néanmoins, la cacophonie et la confusion crée par ces intervenants au débat à rendu impossible l’adoption par le Parlement de la proposition d’imposition résultant à son rejet quasi unanime le mardi suivant.

    La conclusion est que la gesgtion de la communication sur le premier accord a été calamiteuse et la responsabilité est partagée entre les Membres de l’Eurogroupe qui ont désavoué l’accord et le Gouvernement chypriote qui n’a pas mesuré les conséquences négatives de son choix de protéger de manière excessive les gros déposants au détriment des petits en les imposants tous.

    Une perte de confiance irréparable de l’ensemble des citoyens a été apportée à la fiabilité du secteur bancaire de l’Eurozone en général, et notamment aux risques encourus par les déposants des pays les plus fragilisés par la crise. C’est cette dimension qui est l’aspect le plus dommahgeable de la gestion désastreuse du chapitre chypriote dont les conséquences sur la mise en oeuvre de l’Union Bancaire (outil pourtant indispensable) est sérieusement compromise.

    Finalement, le commentaire sur la nécessité de réformer l’architecture institrutionnelle et la gouvernance de l’UE/UEM de façon a établir les « responsabilités » est tout à fait pertinente. A l’heure actuelle l’organe où il y a un manque criant de responsabilité est le Conseil Européen dont les Membres (Chefs d’Etat et Gouvernement) sont cependant élus démocratiquement. Cela est évidemment vrai pour les autres organes de nature « intergouvernementale » tel que l’Eurogroupe. Pour le changer il faudra modifier le traité, processus long et très difficile à mener à bien dans le contexte de crise où chacun cherche à tirer la couverture à soi.Cela a été démontré dans les négociations sur les perspectives budgétaires 2014-20 où les intérêts nationaux ont dominé toute considération des intérêts européens et débouchant sur un gel des moyens financiers der l’Europe pour 7 ans.

    L’emplâtre sur la jambe de bois que constitue l’accord sur Chypre, ne fait que reporter temporairement l’éclatement de la prochaine phase de la crise, notamment dans le contexte de la récession économique et la menace d’éclatement de troubles sociaux qui sont de nature à tout paralyser, sinon de jeter les p^rémices de l’implosion finale de la monnaie unique et de l’Union Européenne elle-même.

  3. Merci à Paul GOLDSMIDT pour son explication claire et pertinente.
    Nous oublions sans doute l’aspect paradis fiscal de Chypre et les cris provoqués par le président néerlandais de l’Eurogroupe quand il a laissé entendre qu’un même traitement pourrait être appliqué ailleurs (Luxembourg, îles anglo-normandes?).

  4. Cet article montre que les principaux perdants sont en fait ceux de la banque qui fait faillite.
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/30/chypre-les-gros-depots-pourraient-etre-ponctionnes-jusqu-a-60_3151017_3234.html

    Comment ces épargnants pouvaient savoir que cette dernière allait faire faillite ? Surtout, certes, cette banque fait faillite, mais c’est le système qui a échoué.
    Une taxation équivalente de tous les dépôts au-delà d’un certain montant était beaucoup plus logique.

    je ne comprends vraiment pas les choix financiers et politiques de ce plan.

    Surtout, comme l’explique cet article, j’ai des difficultés à savoir à qui je dois faire des reproches, si ce n’est à tout le monde… Seul le parlement européen sort indemne de cette histoire : de fait, il n’a jamais été consulté. Mais oublier de consulter le parlement européen semble une habitude, lorsqu’il est question de Politique, de finance et de budget…

  5. Non sérieux ? C’est tout ce que vous trouvez à dire sur cette affaire de Chypre ? Que quelqu’un prenne une responsabilité ?

    Bien sûr que c’est important de souligner le caractère irresponsable d’une Europe qui ne relève d’aucun esprit ni même principe démocratique. Construite par des traitres qui, politiques, bureaucrates et banquiers, nous mênent à la ruine pour soutenir leurs avantages indus.

    L’illégalité de la démarche, la violation flagrante de droit de propriété dont le principe est un des fondement de la déclaration des droits de l’homme qu’elle soit universelle ou du citoyen. Tout cela visiblement ne vous choque pas.

    La nature tyrannique des institutions européennes qui s’assoient allègrement sur le principe de séparation des pouvoirs alors même que l’on puisse s’attendre qu’un héritier de Monstesquieu au minimum souligne …

    Et vous défendez encore l’Europe ? Au nom de quel principe ?

    • Euh, alors là non, nous ne sommes pas d’accord: Chypre est un u paradis bancaire et fiscal doublé d’un fonds d’investissement à risque. Les banques de Chypre ont fait faillite pour avoir trop spéculé. A partir de là, les gens qui avaient placé leur argent dans ces banques, l’ont perdu. C’est le fonctionnement normal de l’économie. Je ne vois pas où est l’atteinte à une sacro sainte propriété privée?

      L’Etat a cependant cherché à limiter la casse à cause des difficultés économiques et sociales que cela entraine. L’Etat rembourse donc les épargnants qui ont perdu leur argent avec l’argent des contribuables, pas l’inverse. Et comme l’Etat chypriote n’a pas l’argent pour le faire, il a demandé de l’aide aux autres Etats européens. Ce sont les contribuables européens qui donnent de l’argent aux épargnant chypriotes ayant paumé leur chemise au casino financier dans cette histoire, pas l’inverse hein!

  6. Bien non, je suis désolé à partir du moment ou une loi est faite pour se saisir des comptes en banque des déposants, il y a spoliation du droit de propriété.

    Si les banques ont fait n’importe quoi, qu’elles déposent le bilan et que les garanties qui doivent s’appliquer s’appliquent et tout le monde prend son risque.

    Il semble par ailleurs que ce n’est pas la « spéculation » qui a ruiné les banques chipriotes mais la Grèce et le plan de « sauvetage » rendu nécessaire par l’irresponsabilité avec laquelle l’Euro a été créé.

    Donc il y a la un mensonge dans les termes qui justifie une action de spoliation légale. Ce n’est pas Chypre que l’on cherche à sauver mais le système politique et financier qui est voué à l’explosion. On cherche à prendre l’argent des citoyens pour continuer à financer un système mort dans l’espoir illusoire que vous politiques et banquiers conserviez vos privilèges.

    Vous allez me dire que c’est un espace de blanchiment qui profite aux sales Russes qui sont tous mafieux comme chacun le sait. Avec de tels arguments, autant dire que tous les musulmans sont des islamistes… Bonjour la grandeur de cette Europe.

    EN plus ce n’est pas Vrai, les Russes placent leur argent en Europe car ils n’ont aucune sécurité juridique face à un Etat Mafieux. Beaucoup des fortunes Russes sont complètement légales (la majorité, sisi je vous assure)

    Et qui plus est la plus grande lessiveuse d’argent Russe en Europe, c’est en Suisse et des banques Françaises sont les plus actives en particulier la société générale dont la cellule Russe à Genève est une des plus actives et puissantes.

    De toute façon le mal est fait. il n’y a plus rien qui puisse sauver ce mirage d’Europe. Avec quel argent allez vous la sauver. tout le système bancaire est en faillite technique et la meilleure des preuves est que l’Etat Français à limité les possibilités de virements … Les pertes dans les dettes souveraines excèdent très largement la capitalisation des banques qui se sont d’ailleurs effondrés car les investisseurs eux savent que tout le système bancaire est en faillite.

    L’Europe imbécile est incapable de donner un socle à une faillite organisée du système bancaire qui seul peut sauver le continent.

    QUand à l’Euro avec quel argent allez vous le sauver ? La croissance s’effondre et la dépression sinstalle dans toute l’Europe les dettes publiques vont exploser dès cette année alors même que les peuples sont en train de vous lacher. Plus de manoeuvre au niveau fiscal, une croisance qui s’est effondrée et à l’heure d’auyjourd’hui pour sauver le système monétaire c’est 1700 Miliards qu’il faut trouver. La BCE peut encore monétiser mais elle estt bloquée vu l’ampleur du montant le faire c’est faire fuire l’allemagne ou porter un coup fatal à la monnaie ce qui das les deux cas revient au même.

    Si la France cède et maintenant vu la croissance c’est un fait acquis pour 2014 au plus tard, il n’y a plus aucune solution que de démanteler intelligemment l’Euro. La question se posera à mon avis après les élections allemandes.

    Quand on a un désastre devant les yeux il me semble que la seule attitude sérieuse n’est pas de continuer mais de faire machine arrière.

    L’euro et l’Europe nous ont ruiné, il n’y a pas un domaine où l’Europe politique peut afficher un succès. Aujourd’hui on va jusqu’à prendre l’argent des citoyens en banque en plus en les traitant d’escrocs. C’est grave, vous pensez que ça va finir comment ?

  7. Je suis désolé j’aimerais vous tenir un autre discours mais bon moi pour ma part ça fait longtemps que j’ai jeté l’éponge. Je suis en train de liquider le peu que j’ai réussi à accumuler et je pars refaire ma vie ailleurs avant qu’il ne soit trop tard.

    Vos discours j’y ai cru. Aujourd’hui je ne vois qu’une bande de fous furieux qui vont nous enliser pendant très longtemps. Plus aucun avenir ici pour les 10 années à venir et pourtant j’aimais ce pays. J’ai déposé des dossiers de résidence au canada et en amérique latine. EN un an dans ces pays j’ai ouvert trois opportunités dont je n’aurais jamais pu rêver ici.

    C’est ça l’Euro aussi vous avez détruit toute possibilité de nous épanouir et vous l’avez si bien fait que les gens ont fini par croire qu’ils sont bons à rien alors que les français sont parmi les meilleurs AU MONDE. Il faut partir pour s’en rendre compte.

    C’est une honte ! Quel gâchi !

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