Schulz et Juncker : premier débat

 

Un moment historique s’est déroulé mercredi. Pour la première fois, les deux plus grands candidats à la Commission européenne se sont affrontés, en français, au cours d’un débat télévisé, devant les citoyens appelés à les départager par le vote dans un mois. C’était sur France 24, chaîne bien connue des foules. C’était à 17h10, quand tout le monde travaille. Ce n’était pas annoncé, sauf sur Facebook et Twitter dans l’artisanat le plus complet. Il a été largement ignoré par la grande presse qui n’en a pas fait de compte-rendu. Mais le débat a eu lieu et d’autres sont prévus tout au long de la campagne, en progressant vers les heures de grande écoute.

Depuis un an maintenant, Sauvons l’Europe et ses partenaires se battent pour que le débat politique européen soit présent sur les écrans car c’est un ingrédient incontournable de la démocratie. Le temps de la campagne, on le voit enfin apparaître pour la première fois. Pas les arguties classiques de politiques qui règlent leurs comptes nationaux sous couvert d’Europe, mais bien les représentants de deux courants politiques européens, les conservateurs et les sociaux-démocrates, qui viennent confronter leur analyse et leur programme.

Ceux qui s’attendaient à un affrontement homérique en sont pour leurs frais : les deux adversaires se sont mutuellement accusés de s’être alignés sur leurs positions et les échanges ont été très civils. Ceci manifeste pour partie l’étendue du consensus européen : au delà de l’affrontement entre progressistes et conservateurs, ils doivent convaincre des citoyens sur 28 pays et savent devoir compter avec la position des chefs d’Etat et de gouvernement. Les différences existent pourtant :

La crise

Schulz :

La crise sera terminée quand le chômage aura baissé. La stratégie d’austérité unilatérale a été un échec, et l’Europe a déjà, sous la pression du Parlement, ajusté sa politique vers une politique de discipline budgétaire mais additionnée d’investissements de croissance. Il faut soutenir le gouvernement de la France.

Le problème économique majeur de la zone euro est l’absence de crédit pour les PME. Sortir de l’Euro ne règle aucun problème, ne crée aucun emploi. Le débat est de ne pas discuter que des milliards, mais de mettre au centre ceux qui ont besoin de 1.000 euros.

Juncker :

La crise sera terminée quand les marchés financiers seront solides. L’austérité est la conséquence du laisser-aller financier antérieur [NOTE : c’est faux. L’Irlande, l’Espagne, le Portugal étaient les stars du contrôle du déficit et de la dette]. Elle a frappé surtout les plus faibles mais elle a amené le retour de la croissance. On a échoué cependant tant que le « vingt-neuvième » état membre des chômeurs est là. Une politique de croissance ne peut se fonder sur de l’endettement. Il n’est pas évident que la France bénéficie d’un troisième report sur ses objectifs budgétaires.

Il faut que les PME aient accès au crédit, mais il ne faut pas trop dépenser et donc regarder d’autres politiques moins coûteuses : achever l’harmonisation du marché européen qui va ramener la croissance. L’Europe n’est pas responsable des politiques nationales inefficaces de lutte contre le chômage. L’Euro, au contraire, nous a protégé de la crise financière et de la crise ukrainienne : nous aurions une guerre monétaire.

 

Le Fight : Pour Schulz, le PPE s’est aligné sur les positions des sociaux-démocrates vers un équilibre austérité-croissance. Pour Juncker, au début de la crise un programme de relance de 200 milliards a eu lieu et personne n’a écouté les partisans de la pure austérité budgétaire.

Immigration :

Schulz :

Nous sommes un continent d’immigration, mais nous avons besoin de règles. En ne donnant pas de chances aux immigrés, on les pousse par désespoir dans les mains de mafias criminelles. Il faut se répartir les possibilités d’immigration entre les Etats membres.

La libre circulation est un principe de base, pas la fraude aux conditions sociales.

Juncker :

On ne fermera pas les frontières. L’Europe doit rester une terre d’accueil et a besoin d’une immigration ordonnée. Le PPE ne fera pas campagne sur des positions populistes.

C’est aux Etats-membres nationaux de lutter contre les abus de certains de la libre circulation. Il faut une action conjointe en Europe contre le dumping social : les travailleurs doivent avoir les mêmes droits, tout travail mérite le même salaire.

 

Futur de l’Union européenne

Schulz :

Il faut réfléchir mieux à la répartition des tâches entre l’Europe, le national et le local. Cameron ignore toujours l’échelon européen.

Les réformes Schröder ont été très efficaces en Allemagne, mais valaient pour l’Allemagne. Chacun doit appliquer les réformes qui lui conviennent.

Juncker :

Il faut un débat sur ce qui sera mieux assumé à Bruxelles, notamment pour la coordination des politiques européennes. Mais l’Europe ne doit pas s’occuper de tous les problèmes en Europe.

Il se trouve que les pays qui ont les déficits les moins élevés sont également ceux qui ont le moins de chômage et le plus de croissance, ce qui valide la position du PPE. [NOTE : Il se trouve également que ce sont les pays qui n’ont pas eu à mettre en œuvre l’austérité en pleine crise économique]. Il faut investir dans l’innovation.

Le Fight :

Pour Juncker, s’opposer aux Eurobonds n’est pas une question allemande mais une question de bon sens ; c’est très coûteux et sans effet, la bonne politique étant un mix rigueur et investissement. Schulz s’amuse de le voir renoncer à sa position en faveur des Eurobonds, maintenant qu’il est candidat du PPE. Pour lui, les Eurobonds ne sont plus à l’agenda, car ils devaient permettre de faire baisser les taux pour les pays en difficulté et que la BCE s’en est chargée par une autre voie.

Schulz relève également la position de Juncker sur les pays à faible déficit. Il indique que l’Allemagne a préservé son activité en finançant le chômage partiel et donc en acceptant de la dette pour investir. Juncker lui répond que tous les Etats ont fait de la relance au départ, mais que ceux qui avaient le moins de dette étaient les mieux placés. Pour Schulz, c’est inexact : voir l’Espagne. La réalité est une crise bancaire qui a fait plonger plusieurs pays avec des finances saines. La spéculation est la cause principale de la crise de la dette. Juncker précise que la spéculation est allé de pair avec la déréglementation du système financier. [NOTE : C’est bien l’ancien Premier ministre d’un paradis fiscal et financier qui parle ?]

Diplomatie

Schulz :

La politique étrangère de l’Union européenne se fait à l’unanimité. On ne peut pas critiquer Ashton pour les fautes des Etats membres et il faudra les pousser à décider ensemble plus vite. L’Europe a pêché au Mali et en Centrafrique mais a fait chuter Kadafi en Lybie.

Il n’y aura pas de guerre avec la Russie. Il faut des élections le 25 mai en Ukraine, et soutenir ce pays pour qu’il comble le vide social avec une sécurité sociale.

Juncker :

La France peut être fière de son action au Mali et en Centrafrique. Elle a sauvé l’honneur de l’Europe et d’autres auraient du la rejoindre.

Le comportement de la Russie est inacceptable car il s’agit d’une violation du droit international. La paix à la périphérie de l’Europe est plus fragile qu’on ne croyait. Les sanctions étaient nécessaires. On dit parfois qu’elles sont insuffisantes, mais l’alternative est la guerre, dont personne ne veut. Il faut augmenter les sanctions.

 

Conclusion : Pour Juncker, il faut lutter contre le chômage. Pour Schulz, il faut que les citoyens voient clairement qui décide quoi, que chacun se concentre là où il est le plus efficace et que l’Europe comble son retard dans le numérique et lutte contre le chômage des jeunes.
Arthur Colin

 

 

Arthur Colin – @arthurcolin

Arthur Colin
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6 Commentaires

  1. Merci vivement.

    Sauvons l’Europe est-il en mesure de prévenir de l’heure et de la chaine de diffusion du prochain débat public ? Nous serions alors un certain nombre à battre le rappel.

    • Petit problème: il semble qu’il ne serait… pas retransmis. Un collectif d’associations est en train de se monter pour protester.

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