Rebecca en campagne

Il y a quelque chose de Rebecca au royaume de France, à l’image de l’héroïne de Daphné du Maurier, intrigante et défunte. Quelque chose qui n’est plus, tout en étant, quelque chose comme un plat qui ne passe pas. Ce quelque chose, tout le monde l’a en tête, personne ou presque n’en parle. C’est un vieux précepte de la politique : « Y penser toujours, n’en parler jamais… » En réalité, on trouve plusieurs choses dans le quelque chose. On y rencontre en premier lieu la peste brune, tapie là dans l’ombre de la copie, mais offerte au pays réel. Et puis on y croise une honorable quinquagénaire, dame Europe, notre dernière utopie, si la politique s’intéressait encore à l’utopie. De bons esprits ont conclu.

 

Le référendum de mai 2005 ne fut qu’une agrégation de mécontents sans issue politique et surtout sans rapport avec la conjoncture présente. Le clivage droite-gauche aurait repris une place hier ravie, le temps d’une consultation. Le régime aurait donc récupéré ses deux jambes et tout au fond irait pour le mieux. La gauche et la droite seraient à la Cinquième République ce qu’est l’axe franco-allemand à l’Europe : si nous nous aimons tant, c’est parce que nous nous sommes tant haïs. Cependant, même en rangs serrés, les principales formations partisanes n’en cultivent pas moins une monomanie, dramatique et sereine, à l’égard de ce presque grand soir du 29 mai.

 

Les mêmes bons esprits qui relevaient que l’Europe avait été comme normalisée par le rouleau compresseur bipartisan constatent aussi que plusieurs candidats ont entendu s’adresser à la France du oui et du non, comme le titrait l’autre jour le quotidien de l’après-midi. En somme, le dossier européen fut là tout en n’étant pas là. Conjoncturellement, le continent compte ; structurellement, il ne compte pas. Au fond, là gît peut-être le symptôme d’une maladie politique au chemin tout tracé. A trop apprécier le petit vin national, on risque des abus meurtriers, et la faculté conseille alors de préférer la soupe.

 

Nos candidats, enfin celles et ceux qui comptent, ont parfaitement exécuté l’ordonnance et, au soir du 6 mai dernier, ce furent ou nos voisins interdits d’Europe ou nos collègues déçus de France, ou tous en chœur, qui ont pu dire hagards : « Oui je revois les beaux matins d’avril, nous vivions sous les toits tout en haut de la ville. Vous qui passez sans me voir, sans même me dire bonsoir, donnez-moi un peu d’espoir ce soir, j’ai tant de peine. Vous dont je guette un regard, pour quelle raison ce soir passez-vous sans me voir ? Un mot, je vais le dire, je vous aime ».

Yohann Abiven
Secrétaire général de Sauvons l’Europe

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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