National-populisme en Europe : la social-démocratie à l’épreuve

Le 1er juillet prochain, c’est la Slovaquie qui présidera pour six mois l’Union européenne. Ce petit pays d’Europe centrale est la patrie d’Alexander Dubcek, le dirigeant tchécoslovaque qui avait voulu pour son pays « un socialisme à visage humain », prélude au Printemps de Prague réprimé dans le sang par les forces du Bloc soviétique en août 1968.

Depuis, la Tchécoslovaquie avait été le symbole d’un renouveau démocratique derrière le rideau de fer avec la Charte 77 animée par Vaclav Havel puis la Révolution de velours qui vit la fin du régime stalinien dans une transition sans violence. La scission du pays en 1992 entre une République tchèque et une République slovaque vit également une évolution différenciée des partis sociaux-démocrates.

Malgré le coup de Prague de 1948, lorsque le Parti communiste pris le pouvoir, il y avait toujours eu un courant social-démocrate actif au point que le CSSD, le Parti social-démocrate tchèque d’après 1990 put se reformer sans être absorbé par l’ancien parti communiste contrairement à ce qu’on a vu dans la plupart des anciens Etats du bloc soviétique.

A Bratislava, ce courant social-démocrate connut plusieurs crises, scissions et recompositions avec l’ancien parti communiste. Ces crises entraînèrent de grands revers électoraux au point qu’en 2002, après les élections législatives, il n’y avait plus de députés sociaux-démocrates au Parlement slovaque. C’est dans ce contexte que Robert Fico devint la figure de proue de la gauche slovaque en formant un parti, le SMER-SD dont il ne souhaitait pas cependant qu’il fut trop marqué sur le plan idéologique car, selon lui, il fallait être pragmatique et répondre aux attentes de l’électorat slovaque.

Fico a toujours assumé un côté populiste : sur les sujets comme la question Rom, il n’a jamais été très progressiste.

En 2005, le SMER forme une alliance avec le Parti national slovaque (SNS). Ce parti, le plus vieux du pays est plutôt national-populiste et xénophobe. Il a dans son collimateur la communauté juive et la minorité hongroise.

Après des débats difficiles, le PSE consent à suspendre le SMER. Les sanctions sont levées au bout de quelques mois lorsqu’on constate que globalement, les politiques menées sont conformes aux valeurs de gauche, sans pour autant que l’on regarde les choses en détail.

D’ailleurs, aux élections suivantes, le SMER remporte la majorité absolue, une première pour un parti slovaque, et il peut alors se targuer d’être le seul parti social-démocrate d’Europe à gouverner sans coalition. En 2013, Robert Fico reçoit le Prix « Rot Bock » que décerne le SPD aux personnalités qui contribuent au développement de la social-démocratie en Europe centrale et orientale.

Ce Prix est décerné dans la ville de Gotha où fut adopté le tout premier Programme fondamental du SPD dans lequel on peut d’ailleurs lire : « Le Parti ouvrier socialiste d’Allemagne, bien qu’il agisse tout d’abord dans le cadre national, a conscience du caractère international du mouvement ouvrier, et il est résolu à remplir tous les devoirs qui s’imposent de ce fait aux travailleurs en vue de réaliser la fraternité de tous les hommes. » Force est de constater que cet élément essentiel dans le mouvement socialiste a été oublié.

Au plus fort de la crise grecque, et alors même que le gouvernement à Athènes était socialiste, Robert Fico avait fait des déclarations très dures et il avait refusé que son pays contribue à l’aide européenne à la Grèce.

Le 7 février 2015, un référendum visant à interdire le mariage pour les personnes de même sexe est proposé aux citoyens slovaques. Les associations de défense des droits des LGBT contestent l’attitude du Premier ministre et du SMER qui avaient auparavant soutenu la droite au Parlement slovaque dans le vote d’une loi définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme.

Puis vint la question des réfugiés et des migrants. Cette question percutant l’Europe toute entière vit, naturellement, l’extrême droite s’opposer farouchement à l’accueil de ces malheureux. Et puisqu’il fallait le justifier, c’est Viktor Orban, le Premier ministre hongrois qui déclara que les réfugiés n’étaient que des migrants qui venaient en Europe pour bénéficier d’un système social généreux et qu’à termes, ils serviraient à renforcer les rangs de l’électorat de gauche.

De son côté, à l’été 2015, Fico déclara qu’il ne voulait accueillir que des réfugiés de confession chrétienne.

En mars 2016, le SMER recueille 25 % des suffrages aux élections législatives. L’ensemble des partis nationaux-populistes atteint 22 %. Il apparaît donc évident que pour former une coalition, ils sont incontournables. Le SMER arrivé en tête décide de reformer une coalition avec le SNS et il conclut également un accord avec le parti de la minorité hongroise.

Quelques semaines après, Robert Fico déclare dans les médias que « l’islam n’a pas sa place en Slovaquie ».

Dès l’été 2015, Le Parti socialiste comme Gianni Pitella, le Président du groupe socialiste et démocrates au Parlement européen avaient appelé des sanctions.

Plusieurs partis socialistes demandent au PSE la suspension du parti slovaque, récidiviste tant dans l’alliance avec l’extrême droite que dans l’homophobie. Parmi eux, les Français, les Belges ou encore les Suédois.

Ils considèrent qu’après onze ans, le SMER n’a tiré aucune conséquence des sanctions passées et des textes votés par le PSE en faveur de l’égalité des droits et de son opposition aux nationaux populistes.

La crédibilité des partis européens progressistes est en jeu. On ne peut pas critiquer le PPE et Orban quand on a Fico dans ses rangs.

Fabien Chevalier
Fabien Chevalier
Président d’honneur de Sauvons l’Europe

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2 Commentaires

  1. Comme pour l’article relatif au “naufrage de la sociale démocratie“, ce qui m’inquiète c’est la montée de la haine, du repli sur soi et sur le passé.
    Pour vivre et agir, il est nécessaire de disposer d’un système de repères commun et avoir la volonté de se tourner vers un avenir à bâtir en commun.
    Le système de repères capable de garantir une coexistence pacifique est celui de l’égalité en droits de tous les êtres humains dans l’espace et le temps.
    L’avenir commun à bâtir est justement un monde où chacun, là où il vit, ou choisit de vivre est capable de prendre conscience des erreurs passées, mais aussi de s’adapter aux changements de l’environnement et d’avoir la volonté d’agir, non pas pour un enrichissement personnel, mais pour un mieux vivre ensemble.
    Non pas pour être le ou les meilleurs, mais pour devenir meilleur afin de mieux servir la collectivité et préparer une société plus fraternelle.
    Une petite parenthèse, en passant, la situation actuelle avec la “loi relative au travail“ est l’exemple type de ce qu’il ne faudrait pas faire, tant de la part du gouvernement que de la part des organisations syndicales ou du patronat.
    La liberté “d’entreprendre“ devrait être régulée par rapport à ce qu’apporte l’entreprise à la collectivité et à l’environnement.
    Le travail ne devrait pas être considéré comme une forme d’aliénation, mais on devrait plutôt considérer les activités humaines comme un moyen par lequel l’être humain peut se faire reconnaître (Comme dans la nature, on reconnaît un arbre à ses fruits). Il s’agit alors d’un droit essentiel.
    Et chaque être humain doit pouvoir disposer des moyens de vivre dignement.Cela implique de partager de façon solidaire, tant les activités que les fruits de ces activités et cela aussi bien dans l’espace que dans le temps.
    L’évolution de notre environnement nous montre que d’une part, les progrès scientifiques et technologiques ont peu à peu remplacé le travail humain par la machine ou les robots et donc réduit le temps de main d’œuvre nécessaire à la production de biens et services, et d’autre part compte tenu de l’accroissement de la population mondiale et du niveau de consommation des plus riches, on commence à voir les limites des ressources terrestres compte tenu du temps nécessaire à leur renouvellement.
    Cela doit être pris en compte pour préparer un avenir de bien vivre ensemble et lutter contre toute forme d’exclusion.
    Dans le cas contraire, c’est la destruction de la vie sur la terre que l’on prépare avec des conflits permanents. La vie c’est le don de soi.

  2. Ils ont bâti l’Europe pour leurs propre intérêts, sans les peuples. La fraternité est un leurre, alors laissons couler le bateau……

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