Marie-Noëlle Lienemann : « beaucoup d’occasions ont été manquées »

Marie-Noëlle Lienemann a connu un parcours politique riche. Elue locale, députée, ministre, sénatrice, elle a également été vice-présidente du Parlement européen. A l’occasion de la sortie de son livre incisif sur le bilan du quinquennat, Merci pour ce changement, nous avons le plaisir de l’interroger sur la place que l’Europe a tenu pendant ces années et sur son approche personnelle de cet horizon démocratique.

Votre livre aborde la question européenne non sans une certaine expérience. Vous avez, à trois reprises, exercé un mandat de Députée au Parlement Européen dont vous avez été la Vice-Présidente. Quelle place tient ce parcours européen dans votre lecture du projet européen aujourd’hui ?

J’ai beaucoup appris de mes responsabilités au Parlement européen. D’abord, penser l’action politique en élargissant en permanence son analyse et son regard. Il s’agit de prendre en compte tout à la fois, les grandes différences culturelles et historiques qui demeurent prégnantes dans le monde qui nous entoure, même chez nos proches voisins, mais aussi l’universalité des valeurs humanistes et des actions que nous pouvons concevoir. Travailler dans les instances européennes amène à comprendre la logique des autres. On peut être très attaché à la défense des intérêts de nos compatriotes, de notre pays, de notre modèle républicain tout en prolongeant notre horizon dans des engagements plus vastes. Trop souvent, certaines élites françaises nous ont fait croire qu’il fallait abandonner nos identités, nos convictions pour faire avancer la cause européenne. J’ai très vite mesuré que les indispensables compromis à réussir pour faire naître un intérêt général européen ne devaient en rien être une forme de dilution dans une pensée unique, devenant peu à peu comme des dogmes intangibles s’imposant aux citoyens. On ne fait de bons compromis qu’en assumant ses positions, avec la volonté de trouver un équilibre dynamique capable de rassembler, sans que des dominations finissent par s’installer.

Or en 1984, mon entrée au Parlement européen coïncidait avec un enthousiasme total pour ce beau projet qui devait être la grande affaire de ma génération. Nous étions encore dans la trajectoire des Pères fondateurs, la démocratie s’affirmait au Sud de notre continent et l’entrée de ces pays, certes moins riches et moins développés, apparaissait comme une grande opportunité pour tous. Même si le chômage commençait à peser sur nos sociétés, si des bouleversements technologiques nous imposaient déjà de profondes mutations, nos pays voulaient relever ses défis et assurer un progrès partagé par tous. Les écarts de salaires, de niveaux sociaux existaient mais il nous paraissait possible, grâce à une action publique européenne, de les réduire progressivement, d’autant que les aspirations collectives étaient assez semblables. Nous avions le sentiment de partager une vision commune du progrès et de notre avenir.

Dès cette époque, la question environnementale est apparue essentielle et est devenue un sujet permanent d’engagement du Parlement européen. J’ai siégé immédiatement au sein de la commission environnement. Au début, la France était en retard sur ces sujets et les instances européennes ont contribué à une prise de conscience partagée, à des directives et prises de positions ambitieuses. Depuis une dizaine d’année, c’est de moins en moins le cas et l’UE est plus timorée. J’ai participé à la négociation de toutes les grandes directives environnementales et j’ai été rapporteure de celles concernant l’eau. J’ai vu comment ces normes environnementales pouvaient aussi favoriser telle entreprise, telle industrie nationale et en pénaliser d’autres. Pendant longtemps, les industries françaises se sont peu investies, moins encore en amont des choix, pour faire entendre leur voix. La politique européenne décidée aujourd’hui aura des conséquences, bien des années après. Il faut avoir le sens du temps long. Là, plus qu’ailleurs, diriger c’est prévoir. Et une fois des directives votées, il ne faut pas tarder ni à les mettre en œuvre, ni à réfléchir aux opportunités qu’elles offrent en termes d’emploi, de développement économique nouveau, de mutation des pratiques. Plutôt que d’attendre et, au bout du compte, les vivre comme des contraintes pénalisantes. Ce travail parlementaire m’a mis en contact avec beaucoup d’industriels et j’ai pu ainsi mieux comprendre leurs problèmes et leur raisonnement. Il est essentiel de réindustrialiser la France, l’Europe mais en lien avec cette exigence d’un nouveau mode de développement.

Les premières années au Parlement Européen ont été formidables. Si j’insiste sur notre enthousiasme du départ, c’est que j’ai pu, hélas, voir tout au cours de ces 30 dernières années, comment la pression de la globalisation libérale, et une forme de plongée aveugle de l’Union dans sa logique, a pu peu à peu faire craquer les solidarités, affaiblir le projet commun en même temps que nos économies. Au niveau international, l’Europe a laissé le leadership américain s’affirmer de façon dominante, même si désormais l’émergence de la Chine semble modifier la donne. J’ai espéré l’élargissement à l’Est comme une promesse heureuse de réunification de notre continent et j’ai observé en même temps qu’il y avait mal donne, que nous n’étions pas tout à fait d’accord sur ce que nous voulions construire ensemble. Les conditions de cette arrivée des pays d’Europe centrale et orientale ont été désastreuses, ouvrant la porte à un dumping social amplifié. Faute d’accompagnement suffisant en matière d’investissements, mais surtout d’une stratégie de convergences progressives de nos standards sociaux, le seul horizon proposé à ces peuples fut une dérégulation massive, la libre circulation avec au bout du compte une déstabilisation assez générale des modèles sociaux d’Europe occidentale, le maintien de grandes inégalités et de la pauvreté sur l’ensemble de notre continent, le plus riche de la planète.

Beaucoup d’occasions ont été manquées. Par les dirigeants français mais aussi par la gauche européenne. Pour m’être toujours impliquée dans la vie du groupe des socialistes et sociaux-démocrates, j’ai souvent désespéré de voir nos partis incapables d’offrir une autre vision que celle d’un accompagnement plus ou moins « social » d’un système au fond très déstabilisateur et parfois même d’en rajouter avec la dérive néo-libérale et financiariste. Pour autant, je ne me suis jamais trouvée totalement isolée. D’autres responsables sociaux-démocrates des différents pays partageaient mes préoccupations. Je reste convaincue que travailler avec eux est essentiel, pour rapprocher nos points de vue. Je continue à œuvrer à un rapprochement de ces ailes gauches.

Tous nos pays sont confrontés à une remontée redoutable des nationalismes et des idéologies autoritaires, identitaires, je ne crois pas que nous sortirons de la spirale et des impasses actuelles sans une refondation profonde de l’Union Européenne et de la Zone Euro.

Vous jugez sévèrement la Politique Européenne de François Hollande depuis 2012. Peut-elle vraiment expliquer à elle seule l’impasse dans laquelle se trouve à ce jour son quinquennat ? Jusqu’où peut-on justifier une exception française en Europe ?

François Hollande s’était engagé à agir pour une réorientation de l’Europe en particulier pour sortir de l’austérité qui ne peut régler ni la question des déficits, ni celle de la croissance et moins encore de l’emploi. Il avait promis que le TSCG ne serait pas ratifié s’il n’était pas modifié et complété. En réalité, le chef de l’État n’a jamais sérieusement engagé des discussions, des négociations avec nos partenaires. En faisant ratifier le traité sans l’ombre d’un changement, il se privait de toute stratégie de rapport de force pour négocier un cadre macro-économique nouveau qui s’imposait hier, comme aujourd’hui. Sans compter qu’en s’asseyant sur un engagement annoncé solennellement devant les Français, il aggravait une défiance redoutable envers leurs représentants et l’Union européenne ; les Français pensent plus que jamais : « ils se moquent du peuple et s’assoient sur ses choix ».

Enfin, il a assuré nos partenaires que la France se mettrait au diapason des exigences qu’incarnait ce traité. À l’évidence, ce ne pouvait être pas le cas car chacun savait que, même avec des délais, nos comptes publics ne seraient pas rétablis sans relance de la croissance et de sitôt. Mais en faisant comme si, François Hollande affaiblissait la crédibilité en la parole de la France et mettait notre pays sous la pression des injonctions de la Commission en faveur de « réformes structurelles » contraires à ce que nos concitoyens avaient voté. L’agenda du quinquennat était ainsi radicalement modifié et fixé par les choix libéraux des institutions européennes. Tous les 6 mois, date fatidique du bilan de la situation budgétaire française, l’insuffisante résorption des déficits est « compensée » par des annonces de nouvelles réformes qui sont autant de recul pour notre modèle social et républicain. Les résultats sur les comptes publics n’ont guère été probants mais surtout ces choix bloquaient une politique de relance qui eut été plus efficace.

Il eut fallu, dès le début, demander la constitution d’un gouvernement économique et monétaire de la zone euro dont l’objet serait d’établir une feuille de route de sortie de crise, bien différenciée par pays mais agissant de concert. Ce serait totalement différent du cadre actuel, de cette toise suicidaire que certains ne peuvent atteindre, qui ne permettent pas à l’Europe dans son entier de retrouver une économie florissante et qui a laissé exploser les inégalités, fragilisant les peuples, tuant l’esprit de solidarité. On en voit les graves conséquences aujourd’hui.

Mais il serait injuste de faire porter aux seuls choix européens la responsabilité de l’échec. Rien n’empêchait François Hollande d’engager la réforme fiscale qu’il avait promise et qui serait essentielle pour assurer à la fois des recettes suffisantes, plus de justice sociale et restaurer la légitimité fiscale dans l’esprit de nos concitoyens. Il eut pu aussi fixer un ciblage et des contreparties au CICE et pacte de responsabilité – que l’UE semble avoir demandé – et ne pas les financer en ponctionnant massivement les foyers. Il aurait pu nationaliser Florange, ne serait-ce que de façon transitoire ; on voit d’ailleurs que David Cameron l’envisage pour une partie de la sidérurgie britannique menacée. Rien ne justifiait, non plus, l’absurde et redoutable proposition de déchéance de nationalité. L’Europe ne se serait pas opposée à une séparation effective des activités bancaires et ce fut une erreur de ne pas soutenir la proposition de taxer les GAFA comme le proposait les animateurs de la campagne « 2big2tax » et « Sauvons l’Europe ». On pouvait faire une politique du logement régulant vraiment les loyers et construisant massivement des logements à prix abordable alors qu’il en manque tant dans certains territoires. Trop de responsables politiques se cachent derrière un alibi européen pour justifier leur prétendue impuissance et ne pas avoir à assumer leurs choix.

Je ne plaide pas pour l’exception française. L’idée d’exception est plutôt celle des Britanniques. Je plaide pour une voie radicalement différente pour l’Union où la France arrête de s’aligner sur une position prétendument dominante, contraire à ses intérêts et aux orientations de son peuple. Je plaide pour qu’elle soit actrice d’un nouveau projet européen, d’une vision réelle de l’intérêt général pour rétablir un équilibre fondé sur des compromis négociés et globaux. La suprématie allemande et l’effacement français sont néfastes pour notre avenir commun.

La France doit mettre effectivement en débat un nouveau cadre, nos attentes, voire certaines exigences – que nous jugeons fondamentales – et de ne pas craindre le rapport de force pour faire bouger les lignes. Je note que la Grande Bretagne a en permanence joué cette carte, avec succès, hélas sur des convictions très éloignées des nôtres. Nos élites, fascinées par le modèle anglo-saxon ou néo-libéral n’ont pas voulu développer une stratégie offensive pour réorienter la construction européenne et ont trouvé un argument spécieux pour « justifier » notre incapacité à peser : tant que notre pays n’aurait pas annihilé ses déficits, il ne serait pas crédible et ne pourrait se faire entendre. « Mauvaise élève » de l’Europe libérale, la France n’aurait pas le droit de la contester. Elle serait faible.

C’est oublier le poids économique de notre pays, le fait qu’il est contributeur net au budget de l’UE. Et tout cela, si l’on se place sur le seul terrain économique. Or justement, nous avons toujours conçu le projet européen comme politique et social. L’intégration économique et monétaire était une étape qui devait consolider cet objectif et permettre d’aller plus loin. Or tel n’est pas le cas et les forces centrifuges sont en mouvement.

La crise que vit notre continent aujourd’hui est d’une ampleur inédite – économique, sociale, de plus en plus politique et presque civilisationnelle. De ce point de vue, la réaction des Européens à l’accueil des migrants est affligeante et en dit long. Elle confirme et accélère la nécessité urgente d’une refondation majeure du projet et de la construction européenne.

Une fuite en avant institutionnelle ne réglerait rien, au contraire. L’essentiel est de reformuler clairement ce que nous voulons faire ensemble, les valeurs que nous partageons et surtout les actions que nous sommes capables d’entreprendre pour les incarner. Car on peut se gargariser du mot démocratie, comme le fait, même Monsieur Orbán, et mettre en place une « démocratie » qui s’attaque aux libertés. On ne peut parler de démocratie, si la souveraineté populaire est bafouée, si les peuples ne sont plus maîtres de leur destin et doivent accepter des lois, des dogmes, sans jamais avoir la capacité de les remettre en cause.

Le préalable est d’accepter de remettre en cause les cadres existants et je reviens sur la question économique mais surtout sociale.

Comment évolue la fracture qui traverse la gauche sur la question européenne depuis 2005 ? Notamment, vous annoncez la fin d’un cycle néo-libéral amorcé il y a 30 ans Angleterre, dont le projet européen, et accessoirement la gauche française, pourraient bien avoir été des victimes collatérales.

Au regard de l’état actuel de l’Europe, les points de vue se rapprochent mais surtout pour appréhender les impasses, dérives et échecs. Sans doute, nos concitoyens demeurent très nombreux à estimer qu’il serait dramatique d’abandonner ce beau projet européen. La gauche n’a pas trouvé les moyens de réduire, effectivement, la fracture qui s’était exprimée lors du référendum sur le projet de constitution. Les engagements pris sur la réorientation concourraient à surmonter ces divisions. Les choix du président de la République ne l’ont pas permis et il est essentiel de renouer un pacte de confiance entre l’Europe et les Français.

Le gouvernement reste sur les rails du cadre et des politiques actuels sans proposer la moindre nouvelle perspective. Or il faut le faire, car sinon les thèses de repli national prendront le dessus. De toute façon, les résultats du référendum sur le Brexit, quels qu’ils soient mettront l’Union Européenne au pied du mur et la France doit retrouver sa place de moteur politique.

Il ne s’agit pas de proposer, une fois de plus, une nouvelle architecture institutionnelle. Elle ne pourrait que raidir les positions. Aujourd’hui, il nous faut faire ensemble et être capables de nous projeter dans un avenir prometteur. Aussi, l’urgence commande d’engager des politiques communes nouvelles, en particulier des politiques industrielles portant la transition énergétique, la révolution numérique, des stratégies d’investissements massives pour moderniser nos territoires, par exemple pour garantir le très haut débit partout, ou encore l’accueil des migrants. Si cela ne peut s’opérer tous ensemble, des coopérations renforcées doivent être immédiatement engagées. Le temps est venu de revenir aux fondamentaux de la création de la communauté européenne comme la préférence communautaire. Il faut redéfinir les conditions de sa mise en œuvre, à la fois dans les échanges extérieurs – de ce point de vue la position de François Hollande sur le TAFTA est positive – mais aussi pour remettre en cause les mesures qui brident les aides d’État. En tout cas, la lutte contre les dumpings, poisons mortifères qui minent notre cohésion doit être posée comme préalable. Cela passe par l’instauration de convergences progressives vers le haut des standards sociaux – ce qui au passage soutiendra la consommation intérieure de l’UE donc notre économie, ce dont nous avons bien besoin – par une certaine harmonisation du système des prélèvements et en tout cas la taxation cohérente et importante des multinationales, des GAFA, ainsi que des mesures majeures contre l’évasion et l’optimisation fiscales.

La France doit proposer à ses partenaires, et en tout cas aux plus allants, de signer un protocole d’accord sur ces bases et en particulier au sein de la Zone Euro.

Un cycle s’achève. Les thèses libérales, celles de la « mondialisation heureuse », sont en repli, contestées dans la plupart des pays, en particulier aux USA, qui est le cœur de leur réacteur. Il est nécessaire que la France, la gauche Française, avec d’autres, propose une voie alternative aux deux tentations qui dominent aujourd’hui, celles de la poursuite voire de l’accélération de la logique actuelle et celle du repli nationaliste, identitaire, xénophobe. Voilà l’enjeu de la refondation de l’Europe que même le Pape appelle de ses vœux.

Peut-on citer comme vous le faites plusieurs fois François Mitterrand dans votre livre et n’y consacrer qu’un chapitre – forcément trop rapide – sur l’Europe ? Le plus grand risque pour 2017 n’est-il pas une fois de plus de voir l’Europe absente des débats ?

Ce livre part d’une analyse précise du quinquennat et de l’action de l’exécutif et de ses graves conséquences sur l’état de la France. En fait, la question européenne est quasiment présente dans tous les chapitres et non pas seulement dans celui intitulée « France affaiblie, Europe Affaiblie ». Le débat européen aura lieu lors de la campagne, mais pas forcément de la bonne façon. Marine Le Pen posera tout à la fois la question des migrations et celle de l’Euro. La droite vilipendera Schengen et insistera sur l’urgence de rentrer dans les clous du pacte de stabilité, louera les prétendus succès de nos voisins et au final n’incarnera en rien une volonté de rebond et de changement.

Le plus difficile aujourd’hui n’est pas de décrire l’Europe que nous voulons, en tout cas à gauche – c’est largement partagé dans le pays – mais bien de crédibiliser la méthode pour y parvenir. Cela suppose d’exprimer clairement notre stratégie et notre détermination à créer des rapports de force. Ce que les Britanniques font à leur manière régulièrement, que De Gaulle a fait en son temps.

La présidentielle est dans un an. D’ici là, le gouvernement, le président pourraient prendre des initiatives significatives et pas seulement symboliques. Par exemple, réunir une grande conférence à Paris avec la Confédération européenne des syndicats, mais aussi des dirigeants des États membres sur les convergences et l’élévation des standards sociaux pour relancer l’activité économique de l’Union, combattre les dumpings et répondre aux besoins des citoyens européens.

Nous devrions suspendre l’application de la directive sur les travailleurs détachés et rétablir des autorisations préalables pour toute entreprise qui importe des salariés en France. Le motif est l’intérêt majeur du pays, car il y a aujourd’hui probablement plus de 300 000 salariés détachés. Et on ne peut pas mettre des inspecteurs du travail pour chacun. Or dans un pays où le chômage est si haut, cette affaire est déflagratrice et discrédite l’Europe.

Enfin, le président doit exiger une renégociation immédiate, avec un effacement au moins partiel, de la dette grecque et au-delà plaider pour que les milliards déversés par la BCE aux banques le soient désormais directement à des entreprises ou collectivités pour une accélération immédiate de la transition énergétique.

En tout cas, après le vote britannique de juin, la France doit préparer un agenda offensif pour préparer l’indispensable réorientation.

Avec « Qui Va Payer ? », Sauvons l’Europe posait dès 2010 la question générationnelle qui explose au grand jour avec la loi El Khomri. Comment voyez-vous l’avenir d’une jeunesse coincée entre les lois du marché et les garanties octroyées aux générations du Baby Boom ? Peut-on décemment lui refuser l’accès à un revenu universel ?

À la fois la question générationnelle se pose de façon aiguë aujourd’hui, mais pas nécessairement au motif des « garanties octroyées » aux générations du Baby Boom. Car ce serait refuser de voir que, depuis près de 40 ans, le grand mouvement a été la captation croissante des richesses par le capital au détriment du travail et leur concentration par un nombre de plus en plus restreint. Les phénomènes de rentes sont devenus insupportables dans nos sociétés, avec en France de surcroît une rente immobilière stérile. Il faut donc s’attaquer à cela et offrir à notre jeunesse toutes les chances d’initiative. Nous devons manifester véritablement notre confiance en notre jeunesse. Plutôt est-il préférable de dire en nos jeunesses : celle qui veut entreprendre innover à qui nous devons assurer les capacités de le faire ; celle qui veut entrer dans le monde du travail, mais aussi celle qui rencontre des difficultés et à laquelle il faut redonner toutes ses chances. Les moyens à mobiliser seront à l’évidence variés, nombreux et coûteux. Mais c’est un indispensable investissement d’avenir. Et là, l’État doit quitter une pratique suspicieuse, pessimiste ; il doit prendre parfois des risques – en particulier ceux que les banques refusent – en faveur de tous ceux qui portent des projets – petits ou grands – ou des idées à concrétiser. Il doit être à l’avant-poste contre toutes les discriminations. L’État doit oser pour que la société toute entière change son regard.

Ma réponse est claire, il y a urgence à garantir à notre jeunesse un revenu décent, lui garantissant une autonomie pour démarrer correctement dans la vie. Il y a d’énormes marges de manœuvre en s’attaquant à l’évasion et l’optimisation fiscale. C’est une priorité absolue.

La mobilisation #NuitDebout pose notamment la question d’une autre organisation de la démocratie à l’heure de la disruption digitale. L’organisation actuelle de primaires (soit, bien des hésitations à gauche, et, bien trop de candidats à droite) est elle encore la réponse la plus adaptée au besoin fort des Français de s’approprier le débat sur leur propre avenir ?

Nuit Debout exprime tout à la fois un malaise et un réveil citoyen. Le numérique, le digital, les réseaux sociaux changent à l’évidence les formes de mobilisation et d’échanges. Nul ne peut dire quel sera l’impact à court terme de ce mouvement. Mais à plus long terme, il va naturellement modifier la donne et se prolonger dans des engagements nouveaux. Si nous – et là je ne parle pas que des politiques, mais ils doivent y prendre leur part – ne sommes pas capables de restaurer une démocratie vivante, et une souveraineté populaire, c’est-à-dire permettre vraiment à nos concitoyens de peser sur leur destin, on peut s’attendre à des jours sombres. Il faut poser la question de l’arbitrage collectif, de l’exercice du pouvoir. C’est pourquoi, quelle que soit la méthode pour assurer un arbitrage démocratique, c’est bien la garantie que tous y participent et que le pouvoir ne soit capté ni par des lobbies, ni par des oligarchies ou la technocratie, qui est l’enjeu. C’est vrai en France, comme en Europe. Et pour l’heure, une évidence s’impose, les institutions de la Vème République sont dépassées et bloquent la situation. Je plaide pour une VIème République parlementaire, avec la suppression du 49-3, l’élection du premier ministre par le Parlement et un renforcement des possibilités référendaires. Mais pour la prochaine présidentielle, le préalable est que le débat sur les choix des fonds ait vraiment lieu dans le pays et qu’il ait des débouchés politiques réels. C’est pourquoi, je suis attachée à des primaires à gauche, ouvertes à tous. Le mieux serait qu’elles soient organisées par un grand nombre de forces de gauche, écologistes et citoyennes. Mais si tel n’est pas le cas, elles doivent l’être par le PS et d’autres, comme en 2011. Le peuple doit pouvoir se faire entendre. Or le haut niveau du FN rend difficile des candidatures diverses à gauche, sauf à laisser le champ libre à la droite et l’extrême droite au second tour. Oui le combat pour les primaires est aujourd’hui majeur. Et, je porterai dans ce cadre une candidature d’alternative, déterminée pour un rassemblement rouge rose vert, résolument engagée pour un nouvel élan démocratique et une réappropriation collective de nos choix et de l’action politique.

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1 COMMENTAIRE

  1. logorrhée et dogme!
    Une vraie logorrhée pro-européenne dans laquelle Lienemann instille ses dogmes nationaux, qu’elle voudrait appliquer à toute l’Europe.
    Je ne crois pas Lienemann, je ne crois pas ce chant européen de circonstances.
    De deux choses l’une
    1. Lienemann ment outrageusement.
    2. Lienemann est schyzophrène grave.

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