Le numéro de virtuosité du Président Draghi !

La balle est dans le camp des Gouvernements de l’Eurozone

La conférence de presse de la BCE, cet après-midi, fut un morceau d’anthologie dans le difficile art de la communication. Tout en restant strictement dans les clous de son mandat, qui impose à la BCE d’assurer la « stabilité des prix » par la transmission appropriée d’une « politique monétaire unifiée », le Président Draghi s’est parfaitement acquitté de son rôle en mettant l’ensemble des moyens dont dispose la Banque Centrale au service de nouvelles mesures destinées à restaurer, une fois de plus, la confiance dans l’Union Economique et Monétaire fragilisée. Malgré le vote négatif (non attribué) du Gouverneur allemand, aucun observateur raisonnable n’aurait pu s’attendre à ce que le Conseil des Gouverneurs aille plus loin sans risquer d’enfreindre les règles et, ainsi, mettre en cause sa précieuse indépendance, garante de sa crédibilité.

Ce qui avait été déjà sous-entendu en termes généraux au début du mois d’août, s’est donc vu confirmé : la mobilisation des ressources pour mettre en œuvre les nouvelles « Interventions Monétaires Directes » (IMD) est sujette à une conditionnalité stricte et préalable, à négocier par les autorités européennes dans le cadre des procédures des mécanismes d’intervention existants (FESF/MES), avec, dans la mesure du possible, la participation du FMI. La balle est donc clairement dans le camp des gouvernements, en premier lieu ceux qui sollicitent une assistance, ensuite ceux qui sont appelés à l’accorder.

Le Président Draghi a souligné, de manière très subtile, que ses propositions reposaient sur deux jambes et que chacune d’elles étaient à la fois nécessaires et dépendantes l’une de l’autre pour en assurer le succès. La question encore en suspend peut se résumer comme suit : parviendra-t-on au consensus politique nécessaire pour créer les conditions permettant à la BCE d’agir ?

La réaction positive et immédiate du marché semble traduire le message suivant : la BCE a apporté sa contribution au processus (y compris faisant des concessions sur son statut de créancier privilégié et en accordant plus de souplesse à l’éligibilité au nantissement dans ses opérations de refinancement ordinaires du système bancaire). Si les gouvernements complètent ce dispositif, alors le paquet global pourrait se révéler un premier pas décisif dans le processus d’une sortie de la crise.

Les marchés vont, dorénavant, se focaliser sur les réactions des 17 gouvernements de l’UEM puisqu’aucune intervention de la BCE n’est envisageable tant que le MES n’est pas opérationnel (ce qui dépend de la décision de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe) et que les pays désirant son support n’aient introduit et négocié une demande d’assistance formelle qui sera supervisée par les autorités européennes.

Il est symptomatique qu’en réponse à une question concernant un « message politique » éventuel adressé par la BCE aux gouvernements en faveur d’une Europe fédérale, le Président Draghi a évité toute polémique en se retranchant derrière le voile du strict respect par la BCE de son mandat en matière de politique monétaire. Il ne fait cependant guère de doute que l’appel à la solidarité et la mise en œuvre de réformes structurelles et institutionnelles profondes, que la BCE exige pour permettre son intervention, nécessite une intégration plus poussée de l’UEM/UE et est en contradiction flagrante avec la rhétorique nationale-populiste qui anime le camp des eurosceptiques. Le résultat des négociations à venir pourrait être la clef de la pérennité de l’UEM et, au travers du processus, de celle de l’Union Européenne.

Tout signe de tergiversation sera sanctionné immédiatement et sévèrement par le marché. Les enjeux n’ont jamais été aussi élevés et la courte fenêtre d’opportunité, ouverte par l’action claire et ferme de la BCE, ne se représentera pas nécessairement.

Bruxelles, le 6 septembre 2012

Paul N. Goldschmidt

Directeur, Commission Européenne (e.r.) ; Membre du Comité Consultatif de l’Institut Thomas More.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. Tous ces gros cons d’enc.. De mouches
    Aussi nommés journaleux- média
    RESSEMBLENT À DES JOUEURS
    D’échec SUR UNE BARQUE QUI PRENDS
    L’eau PAR UN TROU DE LA TAILLE
    DE LEUR PION (qu’ils pourraient utiliser
    pour boucher le trou )
    Ou de cet homme touché par une flêche
    Et qui avant de se soigner veut
    TOUT SAVOIR sur la flèche / qui l’a envoyée
    Etc… Et meurt
    RÉVEILLEZ VOUS

  2. Deux choses très positives me frappent, en marge de cet excellent commentaire. D’une part le retour en force de l’Italie, par les deux Mario, Draghi et Monti, dans un concert européen dont le berlusconisme l’avait tristement écartée. Cela nous éloigne du sempiternel duo franco-allemand, et c’est sûrement très sain, dans un groupe de 27 ou de 16.
    D’autre part, et sans chercher perpétuellement « l’homme providentiel », Draghi est en train d’effectuer, enfin, la percée européenne : un homme compétent,habile, influent, (re)connu de tous. Comparons : qui, en Europe, se souvient de son président Van Rump-comment déjà ?
    Les Italiens les plus conscients (je reviens de là-bas) n’en posent pas moins la question de la légitimité durable des « experts au pouvoir » du type Draghi et Monti. De ce point de vue, il est encore très appréciable que Draghi se tourne de fait vers les gouvernements issus d’élections pour leur dire : à vous de jouer.

    • Juste une chose tout de même… Ne pas oublier que Draghi et Monti, viennent tous les deux de Goldman Sachs. Draghi fait partie de ces responsables de G.S. qui ont falsifié les comptes de la Grèce pour lui permettre de rentrer dans l’Euro… et lui a concédé des crédits hallucinants… qui ont fini par couler le pays… Mais pas Goldman Sachs.

      aujourd’hui, président de la BCE, Draghi rachète la dette des pays… et donc rembourse au prix fort Goldman Sachs… (gagnant sur les deux tableaux).

      Ce peut être un « bien » à court terme… mais il suffit que les marchés s’amusent à vouloir déstabiliser un peu plus l’Europe, ce qu’ils n’ont pas arrêté de faire depuis 2008, et alors la BCE sera en danger. Il faudra donc, une nouvelle fois aux gouvernements européens, renflouer la BCE (et donc notre argent) … afin qu’elle continue d’alimenter les caisses de GS…

      Elle est pas belle la vie ?

  3. Tout le monde voit bien que l’avancée courageuse de Draghi et de la BCE a besoin d’être confirmée , validée , prolongée et développée par les états les plus conscients de la zone euro . Sinon , les marchés ré-attaqueront . Le premier signal fort à envoyer au monde est le budget français 2013 : s’il est laxiste et menteur , l’action de la BCE aura été inutile; s’il est courageux et s’attaque tant soit peu à nos déficits structurels , alors les pays vertueux seront rassurés et oseront enfin dire tout haut que la ruine de l’euro leur coûterait beaucoup plus que son sauvetage . L’euro , sous le coup des rachats de dettes de la BCE , baissera , et les industriels allemands en tireront profit . D’autres avancées politiques actées par des procédures officialisées arriveront alors « naturellement ».Mais d’abord : le budget français 2013 ! Jusqu’ici , en Europe nous avons été les champions des promesses non tenues !

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