L’assassinat de Presseurop

Presseurop va disparaître dans quelques jours.

Comment parvient-on à un fiasco pareil? Il y a quelques années, la Commission européenne a souhaité financer une revue de presse européenne, pour faire progresser l’information des citoyens sur les pays voisins et l’a attribué à un consortium incluant Courrier International. C’est unanimement considéré comme un succès, en termes de qualité et d’audience.

Mais cet été, quand la Commission publie l’appel d’offre pour le renouveau du service, c’est le drame: elle souhaite y rajouter tout un pan de contenu propre, pour créer un véritable média européen en ligne. Les critiques fusent, et sur deux points: d’une part les organes de presse sont très inquiets de voir un concurrent potentiel subventionné alors que leur contexte économique est difficile. Mais surtout ils réagissent aux termes de l’appel à projet qui dictent en partie la ligne éditoriale ce qui soulève des questions sur l’indépendance véritable dont va jouir ce site. Dans ses sujets: il devra couvrir l’actualité communautaire et notamment les politiques européennes. Dans ses angles: le traitement devra être « équilibré ». « Equilibré »? Qu’est ce que ça veut dire ? Jusqu’à quel point cela permet-il ou non à la rédaction de définir sa propre ligne? Quelle liberté pour être critique vis à vis des projets de la Commission ou de ses prises de position, dont le caractère apolitique est une fiction toujours vivante ? Qui va juger de cet équilibre? La Commission, qui paye la subvention de fonctionnement mois à mois ?

Embarrassée, la Commission a retiré son appel d’offre. Et point final. Le renouvellement de l’initiative Presseurop dans son format actuel qui faisait consensus – et que recommandait l’expert missionné pour évaluer l’exécution du service – n’a pas lieu et cette expérience prend fin le 22 décembre.

Ainsi meurt une des rares sources d’information sur l’Europe, à la veille des élections européennes.

Ceci est dramatique et va à l’encontre de tout ce qui est nécessaire pour voir émerger une démocratie européenne: le choix des citoyens ne peut s’exprimer que si les candidats se situent dans un même espace médiatique, à l’échelle européenne. Pour cela, plus encore que des médias européens il faut une prise en compte des sujets européens par les médias nationaux et une redistribution des informations nationales, ce que fait – faisait – Presseurop. C’est le sens de notre initiative « Plus d’Europe à la télé !  » prise ici dans un combat à reculons.

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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8 Commentaires

  1. Il faut en effet poser publiquement la question de la communication entre la Commission et l’opinion publique. Au fil des derniers mandats, le contact de l’exécutif européen avec « les gens » semble s’être totalement évanoui. La Commission est devenue une entité lointaine (« Bruxelles ») incapable d’expliquer et de défendre ses propositions et ses actions directement auprès des citoyens européens. Son image – quelque peu hautaine – est plus celle d’un organe technocratique que celle d’un gouvernement responsable et attentif aux réactions de l’opinion. Elle est presque totalement absente de la scène médiatique et ne répond guère aux critiques (parfois justifiées) qui lui sont adressées par voie de presse. Elle semble limiter ses contacts aux gouvernements et aux administrations des États membres ainsi qu’aux représentants des intérêts économiques sectoriels.
    Le rétablissement du contact et de la confiance entre la Commission et l’opinion devrait être la plus immédiate et la plus ardente préoccupation de la nouvelle Commission nommée en 2014. Le Président lui-même devrait, au moins dans un stade initial, en prendre directement la responsabilité. Jean-Guy Giraud
    (extrait de « 2014 : amorcer la réforme de l’Union »)

  2. Que l’on veuille supprimer PressEurope ne m’étonne hélas pas. Si les instances européennes voulaient être plus démocratique Il y a des jours, en écoutant les nouvelles venant de Bruxelles, l’assassinat de PressEurope, Les OGM et Monsanto, le silence assourdissant à propos de la Centrafrique et de combien de conflits, Moscou et les Homosexuels, L’inexistence de Madame Ahston, les Discours mous de M Barroso, Il y a des jours où l’on se sent cocu, trahit par les dirigeants de l’Europe. je prédis 80% d’abstention pour les élections Européennes et L’écrasante montée de l’Extrême droite à Strasbourg.
    Je veux dire aussi que A Bruxelles il n’y a pas de management pour le personnel qui y travaille. Des ambassadeurs venant des pays membres sans réelles formation à l’Europe. Où est l’époque des chefs de délégation militants Européens. Une formation permanente du Personnel et des Eurocrates au projet Européen au futur de l’Europe me parait fondamental et n’existe pas. L’europe n’est pas une organisation Internationale, une ONG mais un projet Politique.

  3. Il me semble que cela constitue un autre exemple d’une presse (comme dans dans certaines prises de position de la Magistrature en France) qui se voit au dessus d’une obligation de rendre compte à qui que ce soit, qui en substance revendique le beurre et l’argent du beurre.
    C’est désolant pour l’Europe, mais je ne partage pas votre indignation quant à la réponse de la Commission.
    Cela n’empêche pas que je trouve désastreuse la communication des institutions européennes.

  4. @ Piergiorgio Mazzocchi : je ne vois pas en quoi vous pouvez affirmer que Presseurop serait dans le cadre « de ces presses qui ne veulent pas rendre de compte » … un expert a été chargé (et c’est logique) d’évaluer l’exécution du service. Normal puisqu’il y a eu aide européenne. Il en a tiré un bilan positif. Que la presse n’accepte pas de se voir dicter sa ligne éditoriale c’est tout à fait normal et heureusement. Parce que s’il fallait compter sur la Commission pour nous expliquer les raisons qui justifient un certain nombre de ses mesures … en toute objectif on aurait pas fini d’attendre. L’accord de libre échange avec les USA vous en avez entendu parler vous ? Et tant d’autres sujets. Je suis un européen convaincu mais l’Europe et la Commission en particulier marchent sur la tête. Ce n’est plus qu’une bureaucratie. Je serai le premier à la sanctionner. L’Europe, celle des pères fondateurs est à des années lumières de ce « machin ». Pour revenir au cas Presseurope … une illustration supplémentaire du naufrage de l’Europe, du naufrage de la Commission. La sanction va être rude, de la Grèce en passant par l’Espagne et j’en passe.

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