La méthode communautaire retrouvée : des relations franco-allemandes autrement pour une Europe autrement !

Un quotidien français titrait samedi matin 30 juin à propos des résultats du Conseil européen des 28/29 juin à Bruxelles : Euro, Hollande 1 – Merkel 0. Sauf qu’un Conseil européen n’est pas un match de football et encore moins un ring de boxe.

 

Je préfère la réflexion de Wolgang Schäuble, Ministre allemand des finances, qui déclarait vendredi : « je n’aime pas le débat autour du « qui a gagné à Bruxelles » Si l’Europe gagne c’est tout le monde qui gagne ».

 

Dans tous les cas, l’on peut se féliciter que la méthode communautaire qui a tant d’acquis pour écrire l’Histoire de la Gouvernance européenne ait été remise à l’ordre du jour. Espérons que celle-ci redevienne le ciment indispensable entre les 27 Etats membres de l’Union européenne mettant en pratique la devise de l’Union européenne : « L’Unité dans la diversité ».

 

Pourquoi aujourd’hui fustiger les relations franco/allemande ? Le couple franco/allemand, quelque puissent être les dirigeants de part et d’autre, est et sera contraint d’être, au regard de l’Histoire, le pilier de la construction européenne. Mais le couple franco/allemand si déterminant soit-il doit prendre en compte qu’il est au cœur d’une famille de 27 membres, avec 27 traditions politiques, sociales, économiques, démocratiques, démographiques culturelles…reconnaissant 23 langues officielles…L’unité dans la diversité oui…l’hégémonie, non !! C’est ce qui s’est fait lors des diverses réunions préparatoires à ce Conseil européen et qui, certainement, est une des causes de ses avancées.

 

Si l’on se réfère aux débats et positionnements préalables à la tenue de ce Conseil, l’on peut considérer ses conclusions comme des acquis importants pour l’immédiat et pour la suite, même et surtout si beaucoup reste à faire.

 

Ce Conseil européen va donc susciter des débats à l’occasion de la ratification, en France et ailleurs, du Traité d’Union budgétaire. C’est d’autant plus important de diffuser une information la plus objective possible sur les résultats de ce Conseil européen. Il faut s’attacher aux faits et non à je ne sais quelles supputations.

 

Après la Grèce, la Portugal, la Slovénie, la Roumanie, l’Irlande, le Danemark et la Lettonie, l’Allemagne est le huitième Etat membre de l’Union européenne ratifiant le Traité d’Union budgétaire dès vendredi 29 juin, tenant compte des conclusions du Conseil européen.

 

Herman Van Rompuy Président du Conseil européen, en étroite collaboration les Présidents de la Commission européenne, de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne a établi un rapport précédent la tenue du Conseil européen, intitulé :

« Vers une véritable Union Economique et Monétaire ». Ce qui implicitement reconnaît que cette Union n’existe pas !

 

Sur le même sujet, je vous suggère de prendre connaissance, sur le site de l’association Notre Europe : www.notre-europe.eu, du rapport, qui viens de paraître, issu du groupe TPS – Tommaso Padoa Schioppa – rendant ainsi hommage à ce grand européen, décédé brutalement, qui fut, entre autre, Président de Notre Europe. Ce rapport est intitulé :  » Parachever l’Euro : Feuille de route vers une Union budgétaire en Europe « .

 

Le rapport d’Herman Van Rompuy, propose une architecture solide et stable dans les domaines financiers, budgétaire, économique et politique, destinée à appuyer la stratégie pour la croissance et l’emploi.

 

Quatre éléments essentiels sont mis en avant :

 

– Un cadre financier intégré destiné à assurer la stabilité financière, en particulier dans la zone euro et réduire pour les citoyens européens le coût des défaillances bancaires,

– Un cadre budgétaire intégré destiné à assurer l’élaboration à tous les niveaux de politiques budgétaires saines,

– Un cadre politique économique intégré qui dispose de mécanismes suffisants pour garantir la mise en place au niveau national et européen de politiques qui favorisent une croissance durable,

– La nécessité d’assurer la légitimité démocratique et l’obligation de rendre compte dans le cadre des décisions prises au sein de l’UEM, en associant le Parlement européen et les Parlements nationaux conformément à la méthode communautaire.

 

Le Conseil européen a largement débattu de ces axes. Le travail a été ardu, et la nuit fut longue… Le compromis construit complétant utilement un pacte pour la croissance et l’emploi adopté. Qui l’eut cru, dans ces termes ?

 

Dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations par pays, les Etats membres de l’Union européenne s’attacheront, en particulier :

 

– A assurer un assainissement budgétaire différencié, axé sur la croissance qui respecte le pacte de stabilité et de croissance et qui tienne compte de la situation propre à chaque pays…

 

– A rétablir des conditions normales d’octroi de crédits à l’économie et à achever d’urgence la restructuration du secteur bancaire…

 

– A promouvoir la croissance et la compétitivité notamment en s’attaquant aux déséquilibres profonds et en allant plus loin dans les réformes structurelles…

 

– A lutter contre le chômage et à s’attaquer de manière efficace aux conséquences sociales de la crise, à poursuivre les réformes destinées à améliorer les niveaux d’emplois…

 

– A moderniser l’administration publique en réduisant les retards judiciaire, en diminuant les charges administratives…

 

Conclusions du Conseil européen…

 

Les conclusions du Conseil européen précisent et engagent les 27 Etats membres de la famille sur les politiques européennes dédiées à la croissance et à l’emploi :

 

– Approfondissement du marché unique en particulier dans l’industrie numérique et le secteur d’entreprises de réseau…

 

– Des progrès doivent être réalisés pour mettre en place d’ici à 2015 un marché unique numérique…

 

– Des efforts supplémentaires seront déployés pour réduire la charge réglementaire…

 

-L’achèvement complet du marché intérieur de l’énergie d’ici à 2014 en faisant en sorte qu’aucun Etat membre de l’Union européenne reste isolé des réseaux électriques et gaziers européens, d’ici à 2015…

 

Je rappelle le rapport de Notre Europe « Pour une Communauté européenne de l’Energie », préfacé par J Delors qui en fut l’inspirateur. Ce rapport a fait dernièrement l’objet d’un avis d’initiative élaboré par le Comité Economique et Social européen -CESE –

 

– Poursuivre les efforts déployés pour faire en sorte que les activités de recherche se traduisent en innovation répondant aux besoins du marché…

 

– La politique de cohésion réformée constitue un instrument pour les investissements, la croissance et la création d’emplois permettant de sortir de la crise…

 

– Il est indispensable de stimuler le financement de l’économie, pour ce faire un montent de 120 milliards d’euro est mobilisé en faveur de mesures croissance a effet rapide :

 

– Le capital versé à la Banque européenne d’investissement (BEI) devrait être augmenté de 10 milliards d’euro, l’objectif « tant de renforcer ses fonds propres et d’accroître d’un montant de 60 milliards de sa capacité totale, permettant de libérer jusqu’à 180 milliards d’euro d’investissements…

 

– La phase pilote des obligations devrait être lancée de façon à générer des investissements supplémentaires pouvant aller jusqu’à 4, 5 milliards d’euro en faveur de projets pilotes portant sur des infrastructures essentielles dans les domaines du transport, de l’énergie et du haut débit…

 

– L’action du Fonds européen d’investissement devrait être renforcée…

 

– Le budget de l’Union européenne doit être un catalyseur de croissance et un vecteur d’emploi pour toute l’Europe en mobilisant les investissements productifs et dans le capital humain…

 

– La politique fiscale devrait contribuer à l’assainissement budgétaire et à une croissance durable. La Commission européenne a élaboré des propositions sur la taxation des produits énergétiques, l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés…

 

– Stimuler l’emploi pour les femmes et les hommes et en particulier pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, constitue clairement une priorité…

 

– La mobilité de la main d’œuvre au sein de l’union européenne devrait être facilitée avec un véritable outil européen (EURES) de placement et de recrutement pouvant être étendu aux apprentissages et aux stages…

 

– Le commerce doit être mieux utilisé en tant que moteur de croissance. L’Union européenne est déterminée à favoriser des échanges commerciaux libres, équitables, ouverts tout en défendant ses intérêts dans un esprit de réciprocité…

 

 

Dans les grands moments de l’Histoire de la construction européenne, et ce Conseil des 28 et 29 juin dernier en fut un, il faut se rappeler à notre trop courte mémoire la sagesse des Pères fondateurs de cette Europe. Parmi eux, Robert Schuman dans la déclaration fondatrice de ce qu’est l’Union européenne aujourd’hui, le 9 mai 1950, précisait : « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait ».

 

 

Jean-Pierre Bobichon

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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4 Commentaires

  1. Je cite : Je préfère la réflexion de Wolgang Schäuble, Ministre allemand des finances, qui déclarait vendredi : « je n’aime pas le débat autour du « qui a gagné à Bruxelles » Si l’Europe gagne c’est tout le monde qui gagne ».

    Alors que depuois des décennies, la construction de l’Europe échoue, enfin elle va gagner. Quel bonheur de l’apprendre ! Hollande aurait percé le secret, et réjouissons nous. Enfin ! J’exulte de joie.

  2. Merci ,Cher Jean Pierre pour ton opinion claire . A juste titre tu épingles la manière peu élégante dont Libération a résumé les résultats du Conseil Européen des 28/29 juin, un travers de l’info nationale qui contribue à défigurer la construction européenne. Tu aurais pu ajouter , à l’encontre d’un triomphalisme désuet qu’un vrai compromis Franco Allemand a été établi. Si l’Allemagne entérine l’ensemble des dispositions pour la croissance proposés par la France avec d’autres , la France de son coté annonce qu’elle signera le Pacte pour la gouvernance et la stabilité prochainement, sans protocole particulier. Nous sommes loin des moulinets antérieurs .
    Merci d’avoir aussi noté le travail remarquable de Van Rompuy et en particulier le quatrième thème , institutionnel et communautaire de son approche .
    Mais cela ne peut nous faire oublier la précarité de la situation . Les accords réalisés sous la pression que les faibles peuvent exercer sur les forts , au motif des risques immenses pour tous que fait courir leur possible défaillance ne fonctionneront plus lorsque les forts craindront pour leur propre survie . Cela rend l’aboutissement des étapes institutionnelles absolument urgent.Le couple franco allemand n’est pas en mesure d’accomplir à lui seul des progrès ne serait que parce que de notre coté , tout est diabolisé sous le couvert d’un « impossible fédéralisme » (voir par exemple les propos réguliers d’Hubert Védrine). Or ce n’est pas ce que signifie l’approfondissement politique de l’Union. Je mets beaucoup d’espoir dans la démarche instaurée par le Conseil européen de la rédaction d’un projet par quatre autorités européennes , tout en regrettant que le PE n’y ait pas été associé . Jérôme

  3. Le titre de Libération est emblématique de l’ambiguité de l’ensemble de la classe politique française à l’égard, à l’encontre serait-on tenté de dire, de la construction européenne.
    La référence à l’euroscepticisme distingué de M.Védrine illustre ce propos que j’ai tenu pendant des années auprès de jeunes universitaires français « visitant » les Institutions européennes: « L’Allemagne parle et agit européen, le Royaume-Uni parle et agit national, la France parle (quelques fois) comme l’Allemagne et agit (toujours) comme le Royaume-Uni »… Les élites politico-administratives françaises ont peur de l’Europe, dès lors que celle-ci ne peut plus être conçue comme une « France en plus grand », dès lors que la règle s’impose à tous, y compris à la puissance publique et à ses responsables… L’Allemagne, qui a paru un court moment être tentée par une démarche « à la française » , refait des propositions de nature communautaire: la réponse française est, au mieux timide, au pire silencieuse.. Aux réticences de l’ensemble de la classe politique française se conjuguent la crainte d’un nouveau 2005 au sein du PS pour le Président de la République, d’une part, ainsi que le refus de gérer l’économie comme l’ont pourtant fait avec succès les sociaux-démocrates de plusieurs autres pays européens, d’autre part. Les nostalgies dirigistes d’ « économie administrée » demeurent trop fortes: l’Allemagne et l’Italie ont une vision dynamique de l’avenir de l’Europe, pour les dirigeants français c’est encore et toujours prématuré… Delors reste une exception dans le paysage politique français.

  4. Je regrette quand même que le Parlement Européen, ou son Président, ait été tenu à l’écart des travaux du récent conseil. C’est tout de même le seul organe directement élu des institutions européennes

    La remarque de Schaüble n’est pas surprenante, c’est un européen de longue date. En septembre 1994, avec son collègue CDU Lamers, il avait présenté au gouvernement français un rapport proposant de constituer un noyau dur pour permettre à la construction européenne de progresser. La France n’avait même pas daigné répondre!

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