Avec France Info TV, le service public ne remplit toujours pas sa mission européenne

La nouvelle chaîne d’information du service public laisse complètement de côté l’actualité européenne. Une ligne éditoriale qui est héritée des autres canaux de France Télévisions, malgré les directives très claires édictées dans les statuts du Groupe. Les Jeunes Européens – France prennent position pour une vision continentale de l’information, afin de donner à tous les clés de compréhension des enjeux politiques européens.

En lisant le très bon livre « Goodbye Europe » de Sylvie Goulard, on a remarqué un passage savoureux: la description de l’article 16 des statuts de France Télévision. Intitulé « Europe », il stipule que France Télévisions « s’attache à intégrer la dimension européenne dans l’ensemble de ses programmes (documentaires, fictions, jeux, spectacles vivants, etc.) » ainsi que « dans les journaux et magazines d’information, qui accordent une large place à la connaissance des enjeux communautaires et à l’expression d’une identité européenne ».

A cette lecture, les bénévoles de l’association se sont pris au jeu et ont remonté onze jours de programmes sur le site de France Info TV, qui rassemble des sujets de France 2, France 3 et France Info. Ils ont démarré le vendredi 16 septembre: jour du sommet européen de Bratislava.

Résultat: on a compté 8 sujets dédiés à l’actualité européenne, soit 15 minutes, en 11 jours. Autrement dit, 80 secondes par jour. C’est très peu. Trop peu.

Pourtant il y avait de la matière: premier sommet à 27 sans le Royaume-Uni, discours annuel sur l’état de l’Union du président de la Commission, affaire Nelly Kroes, bataille pour la présidence du Parlement européen. A cela s’ajoute un référendum fallacieux organisé ce dimanche 2 octobre par la Hongrie, pour rejeter la prétendue politique migratoire de l’Union.

Au vu de ce résultat, on savoure l’objectif fixé aux rédactions par les statuts de France Télévisions: « favoriser une meilleure compréhension du fonctionnement démocratique des institutions européennes ». Téléspectateurs occasionnels du service public, nous sommes plutôt habitués à des émissions politiques franco-centrées. On se rappelle également qu’en 2014, France 2 avait refusé de diffuser le débat des candidats à la présidence de la Commission européenne. Il s’agissait pourtant de débattre de la politique de l’Union pour les 5 années à venir (2014-2019).

L’Europe agit et change la vie des citoyens. Personne ne le sait.

« Franco-centré » n’est pas le terme exact pour définir la ligne éditoriale des chaînes du service public. Les bénévoles ont noté qu’elles font très attention au suivi des élections présidentielles américaines. Le sujet n’a pourtant pas de conséquences directes pour les citoyens français. Connaître au jour le jour les derniers propos scandaleux de Donald Trump importe-t-il plus qu’un suivi assidu de l’actualité du Parlement européen?

Qui sait que l’hémicycle strasbourgeois a durci en mai dernier la législation sur le traitement des données personnelles des citoyens par les entreprises? Qui sait que les députés luttent actuellement pour maintenir et faire croître le budget de l’Union? Qui sait que ce budget finance des investissements structurels dans nos territoires? Qui sait que l’Europe agit pour les jeunes, afin de créer un Erasmus universel?

On pourrait citer mille exemples de l’impact concret des politiques européennes sur la vie courante des citoyens. La question est: pourquoi cette actualité est-elle absente de nos écrans? Faire société demande à ce que chacun détienne les éléments clés du débat public. On nous répondra peut-être que les médias spécialisés sont légion. Cependant, 96% des Français regardent la télévision et le service public manque à sa mission en occultant les enjeux européens d’aujourd’hui et de demain. Quelle solution pour créer un espace public européen?

Les politiques de l’Union ont un impact sur les 500 millions de citoyens de ses 28 Etats membres. Pourtant, l’actualité n’est toujours pas sortie du carcan des frontières nationales. On continue de traiter un sujet journalistique, même d’envergure européenne, avec une présentation des opinions et des normes spécifiques à la France. Dans ces conditions, on ne s’étonne plus que nos concitoyens se sentent éloignés de Bruxelles et de Strasbourg. Les discussions qui s’y tiennent sortent en effet du spectre d’analyse des émissions françaises.

Les structures médiatiques (on se gardera bien de dire « les médias ») doivent contribuer à créer un espace public européen pour faire émerger une opinion publique européenne. C’est-à-dire une communauté de citoyens avertis, à même de débattre, d’analyser, de critiquer puis de choisir les politiques à mener pour l’avenir du continent.

Le service public d’information a un rôle primordial dans cette mission. Nous enjoignons donc les rédactions des chaînes de télévision à suivre les règles édictées par le Groupe France Télévisions dans ses statuts.

La société civile et les responsables politiques ont aussi leur part de responsabilité. On peut rappeler la très bonne initiative « Plus d’Europe à la télé », portée par l’associationSauvons l’Europe, récemment concrétisée par un amendement du sénateur André Gattolin.

Ces trois acteurs, structures citoyennes, responsables médiatiques et politiques, cadrent et nourrissent l’espace public. Charge à eux -et à nous- d’agir pour élever le niveau du débat public, pour être en mesure de rapprocher les citoyens de leur Union.

 

Article originellement publié dans le Huffington Post du 30/09/2016

[author image= »http://s.huffpost.com/contributors/jerome-quere/headshot.jpg » ]Jérôme Quéré est président des Jeunes Européens France[/author]

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