Alex Taylor « Brexit : Je n’ai jamais lu une presse plus dégueulasse »

Voté le 23 juin dernier à 51,9% des voix britanniques pour sortir de l’Union européenne, le Brexit ne finit pas de faire couler beaucoup d’encre. Alex Taylor, journaliste profondément européen nous livre ses impressions, lui qui demande la nationalité française afin de rester au sein de l’Union européenne.

Pensez-vous que la presse britannique a une part de responsabilité dans la défaite du Bremain ?

Je fais de la revue de presse européenne depuis 30 ans. Je peux le dire, depuis plusieurs années, je n’ai jamais lu une presse plus dégueulasse. Pour la question du Brexit, des mensonges ont été écrits quotidiennement et c’est une vraie arme pour les anti Brexit. 13 millions de journaux sont lus chaque jour au Royaume-Uni et environ 90% de la presse était pour le Brexit. Le Daily Express, grand soutien de l’UKIP, est le pire de tous. Son propriétaire, Richard Desmond, ne le cache pas. Il n’y a aucune hésitation pour publier des unes telles que « Les Roumains nous volent », ou « Les Polonais sont des violeurs de femmes ». Rarement la presse n’a été aussi basse depuis les nazis sur les Juifs dans les années 30.

Même Sky News qui est un excellent média semble s’être auto-censurée ces dernières semaines avec des questions simplistes face aux « Brexiteurs ». Des consignes de la direction semblent avoir été données.

L’assassinat de la députée travailliste Jo Cox a juste calmé le débat pendant 5 jours. Puis, la vague europhobe est revenue.

The Independent était pour le maintien dans l’Union Européenne mais est présent uniquement sur Internet. Le Financial Times lui aussi favorable n’est lu que par abonnement. Sinon The Mirror est le seul journal qui était anti Brexit.

Au niveau des médias, il y avait clairement une inégalité dans le débat.

Selon vous, quel est l’avenir des expatriés britanniques vivant au sein de l’Union Européenne ?

Ils sont environ 2 millions. Avec de tels changements, que vont-ils devenir ? En ce qui me concerne, je vis en France depuis 37 ans. Et je peux le dire je suis inquiet concernant mon accès à la santé, à mes droits de résidence et de travail au sein de l’Union. A ce jour, je ne me posais pas cette question et je vivais de la même façon que si j’étais en Grande-Bretagne. Pour exemple, un Américain n’a pas de telles opportunités. Qu’est-ce qui sera fait pour nous ?

Je suis inquiet pour l’avenir des Britanniques et les résultats du référendum sont désolants. Je vis tout cela comme un deuil. Pour la première fois de ma vie, je peux dire que j’ai honte de mon pays. Pour toutes ces raisons, je demande la nationalité française car avant toute chose, je suis européen.

Quelles sont les premières raisons de l’euroscepticisme en Grande-Bretagne ?

Il s’agit avant tout de raisons historiques. L’Angleterre, étant une île, s’est toujours tournée vers le large pas vers le continent. Les Britanniques se voient aussi comme les grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et par conséquent se comportent souvent comme des leaders.

La question de l’Euro s’est posée à l’époque. Tony Blair n’y était pas opposé contrairement à son ministre de l’économie à l’époque, Gordon Brown. Mais le Royaume-Uni avait pourtant de grands avantages à rester dans l’Union Européenne et même, si elle faisait partie de l’euro, la monnaie unique aurait peut-être mieux réussi. Bien sûr que tout n’est pas parfait, mais il faudrait que les pro-européens se battent davantage.

Les conséquences du Brexit commencent à arriver. La Livre Sterling continue de chuter et les délocalisations vont s’enchaîner. Il aurait été plus judicieux de rester au sein du plus grand marché du monde, avec les personnes qui partagent les mêmes valeurs démocratiques.

Que pensez-vous de la pétition Plus d’Europe à la télé initiée par Sauvons l’Europe qui reprochait aux médias de ne pas parler assez de l’Union Européenne. L’Europe est-elle méprisée, abandonnée ?

Le problème c’est que les médias ne veulent pas parler de l’Europe, en tout cas en France. Au moins pendant la campagne pour le référendum, l’Europe a fait de l’audimat en Grande-Bretagne. J’ai pu faire beaucoup d’émissions dans le passé sur l’Europe continentale, sur France 3 ou la revue de presse européenne pendant plus de 20 ans sur France Inter. Mais ces choses disparaissent et ma revue de presse a été remplacée par une chronique télé. J’avais ensuite une chronique sur l’Europe dans la matinale d’Europe 1. On m’a demandé de ne plus parler de l’Europe et de parler de l’international – j’ai refusé. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai entendu « L’Europe n’intéresse personne ». Si on remplaçait mes chroniques et émissions sur l’Europe par quelqu’un d’autre qui fait la même chose, j’en tirerais les conséquences personnelles, mais ce n’est pas le cas car on remplace l’Europe par autre chose.

Le Brexit relance l’idée d’une indépendance de l’Ecosse, plus favorable à l’Union Européenne. Une scission de la Grande-Bretagne est-elle selon vous possible ?

Pas seulement possible mais fortement probable à moyen terme.

Que répondre aux propos de l’acteur Michael Caine qui voit l’Union Européenne comme une dictature sans visage ou Marine Le Pen qui voit dans le Brexit « l’événement le plus important depuis la chute du mur de Berlin » ?

Rendez-vous dans 10 ans pour en parler.

Le Brexit c’est une main tendue à l’Amérique de Donald Trump ? Que retenir de la démission de N. Farage de ses responsabilités à l’UKIP ?

Pour le premier, on constate la trumpisation de la politique en Grande-Bretagne. Les partisans du Brexit ont menti durant la campagne, disant qu’ils allaient rapatrier 350 millions de livres pour financer les hôpitaux – promesse immédiatement démentie de façon éhontée par Farage deux heures à peine après l’annonce du résultat. Ils ont répondu à chaque question difficile sur la Grande-Bretagne après le Brexit avec des slogans du genre « rendons la Grande-Bretagne grande à nouveau ». Trump c’est du vent ! Et souvent du vent mauvais, comme l’affligeante affiche de Nigel Farage montrant des centaines de réfugiés syriens à la frontière croate. Le fait qu’il a démissionné à peine dix jours après le résultat de référendum en dit long sur sa volonté d’assumer les responsabilités du Brexit.

Le retour/maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, selon vous, c’est possible ?

J’espère! Mais pour le moment cela reste difficile.

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4 Commentaires

  1. Dites à Alex Taylor qu’il est bien gentil,, mais qu’il n’a qu’à se naturaliser français, bienvenu my dear ! Mais que les Anglais ne devraient pouvoir réintégrer l’Europe qu’à condition de cesser de vouloir tous les avantages sans les quelques inconvénients qui vont avec….
    Moi aussi, je vis à l’étranger (mais dans l’Union), j’ai toujours rêvé d’une Europe unie, qui ne se tire pas dans les pattes, qui fait bloc contre l’extérieur, qui cesse d’être angélique et qui fasse en sorte que ceux qui doivent payer de l’impôt, le paye réellement, sans fuir vers les paradis fiscaux. Autre mesure à mettre en branle: uniformiser la fiscalité et les lois sur le travail dans tous les pays où il y a l’euro (monnaie). Et organiser les activités des divers pays en fonction de leurs vocations particulières, ce n’est pas de la planification à la soviétique, mais une manière de tirer parti des compétences de chaque pays au maximum.

  2. Alex Taylor fait partie de la toute petite bande de privilégiés qui vivent dans leur bulle. Il demande des sommes folles pour participer à des événements culturels car il a une haute idée de son importance. La caste, comme dit Podemos, du pouvoir est aveugle au sort des déshérités qui mettent des coups de pieds dans la fourmillière quand ils peuvent. Ces coups de pieds sont dangereux et les dirigeants du Brexit comme Johnson des clowns mais les Alex Taylor de ce monde sont les Frankenstein néolibéraux qui créent leur montre.

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